30 juin 2016

Temps de lecture : 5 min

Quand une agence de pub crée et commercialise ses produits…

Productman, super héros de l’univers pub ? Peut-être bien. Lancé par Buzzman, ce laboratoire dédié à la création de produits et services commercialisables est autant une nouvelle source de business et d’innovation pour les annonceurs que pour les agences au modèle résolument culbuté.

Productman, super héros de l’univers pub ? Peut-être bien. Lancé par Buzzman, ce laboratoire dédié à la création de produits et services commercialisables est autant une nouvelle source de business et d’innovation pour les annonceurs que pour les agences au modèle résolument culbuté.

Productman ? Le spinoff de Buzzman dédié à l’innovation pourrait bien être une nouvelle source de business redoutable en plus de bousculer le petit monde des agences de publicité. Tout juste lancé, il a déjà deux projets dans les tuyaux : un pour Ubisoft et sa communauté de gamers qui devrait être révélé en août, et un autre en cours d’élaboration auquel un client est associé et dont « le bénéfice devrait changer le monde ». De quoi susciter la curiosité et l’envie.

L’ambition de ce laboratoire est de créer, pour les clients de l’agence mère, des produits et des services technologiques ou non, bel et bien commercialisables, et non plus seulement de les concevoir comme des supports de communication à la durée éphémère. Une très, très bonne idée, car il n’y a pas de raison que ces produits et/ou services ne fassent pas un carton en tant que tels auprès du grand public. Buzzman en veut pour preuve ses récentes initiatives de productising (contraction pour produit et advertising) aussi successfull  pertinentes et ludiques comme « Le dernier carré de Milka », « Le LovKit d’Ikea » ou encore « Les pâtes et le café de Canalplay ».

Pour que la publicité soit plus qu’un simple investissement

L’autre intérêt de cette entité est de permettre à n’importe quelle agence de publicité pure de repenser son activité en se diversifiant tous azimuts au-delà de la création depuis la data science au design en passant par le développement hardware et software… Ce que jusqu’à présent la plupart d’entre elles n’ont quasiment jamais fait. Trop sûres de leur position d’agence conseil cantonnée à la conception de campagnes. A l’inverse, pensée comme une start-up, Productman a pour vocation de hacker l’univers ou d’identifier un frein ou une souffrance de son annonceur pour trouver, en seulement 5 semaines, la bonne solution entre technologie, ADN de marque, nouveaux usages et consommations émergentes. Ce qui devrait lui éviter d’être dépassée ou moins performante face à un concurrent réel ou imaginé pour l’occasion.

Résultat le modèle économique de cette entité repose sur quatre ressources : d’abord, une rémunération au temps passé, puis la cession de production intellectuelle ou un contrat commun sur mesure en accord avec le client. Enfin, développer un business en propre en répondant à des problématiques indépendamment des clients. « Les idées importent peu si elles ne sont pas exécutées. On est prêts à lancer nos propres produits si besoin », confirme Georges Mohammed-Chérif, président et directeur de la création. Une vision du métier rafraîchissante portée par Thomas Granger, vice-président de Buzzman, Thomas Ceccaldi directeur du développement et François Phan directeur du digital et de l’innovation.

IN : pouvez-vous nous raconter la genèse de votre spinoff ?

Thomas Granger : la raison est fondamentalement animale et intuitive. Nos équipes ont la capacité de traduire n’importe quelle problématique sur n’importe quel support, il n’y a donc aucun inconvénient à ne pas pousser leur réflexion jusque sur des produits. D’autre part, face à l’ « uberisation » de l’économie, nos clients ont un besoin viscéral d’être stimulés en recherche et développement, soit parce qu’ils n’ont pas le temps ou trop la tête dans le guidon soit parce que trop petits, ils ne disposent pas d’un tel département. Or nous sommes idéalement placés pour les épauler en raison de notre parfaite connaissance de leurs cibles et de leur périmètre. Il était logique qu’on se mette à leur service au-delà de la conception de campagnes.

IN : ce laboratoire est donc un super-héros ?

T.G. : on se met dans la peau d’un concurrent réel ou imaginaire pour réfléchir sur leurs services et/ou produits et trouver ce qui risque de les flinguer d’ici 2 à 3 ans. Car c’est en allant à l’encontre du business model de nos clients, en étant contre intuitif par rapport à leur marketing et leurs batteries d’études et de tests qui prennent en plus du temps du temps ou en inventant un concurrent de leur produit, que la démarche devient intéressante. En effet, si un annonceur n’est pas capable de se réinventer, un autre le fera à sa place et signera son arrêt de mort.

Thomas Ceccaldi : c’est pour cela, que notre point de vue extérieur, débarrassé des contraintes internes ou marketing avec lesquelles ils doivent composer, est essentiel. Du coup, on leur apporte forcément des idées nouvelles et une fraîcheur d’esprit. De l’audace.

François Phan : on est très start-uper dans la conceptualisation. Mais derrière, l’idée va être transformée, prototypée et exister jusqu’à sa commercialisation grâce à des outils et des compétences. Avec en plus, une maîtrise réelle des nouvelles technologies.

IN : quel est son process ?

F.P. : tout est drivé par nos clients qui connaissent leur secteur. Toutefois, nous partons toujours d’un point de souffrance, d’une attente ou d’un frein identifiés. Puis une équipe ad hoc de « Productmanagers » composée de créatifs, de designers, de chimistes, de hacker, de développeurs… réfléchit pour aller contre l’acquis, imaginer et tester des idées. Jusqu’à ce qu’un prototype fonctionnel émerge en vue d’être fabriqué, produit, distribué et commercialisé.

T. C. : nous n’avons jamais d’idée préconçue et nous privilégions toujours la simplicité. De plus, la solution n’est pas forcément technologique et peut être physique comme un site, un jeu, une application, un repas… En revanche, on est là pour hacker et trouver celle qui performera. D’ailleurs, on passe 90% de notre temps à corriger la solution proposée que nous testons, par exemple, sur les réseaux sociaux auprès d’une communauté. C’est une vraie guérilla.

IN : Productman a-t-il pour mission de sauver le monde publicitaire de son désarroi ?

T. G. : notre métier reste le même. Mais sa planche de salut réside dans la manière de l’exercer qui doit changer. Il faut faire bouger les lignes en rentrant potentiellement plus en profondeur dans les usages des consommateurs. C’est pour cela qu’il ne faut pas hésiter à travailler fort et le plus en amont possible pour obtenir une intégration maximale. Et croyez-moi cet exercice nous chamboule tous dans nos reflexes et nos modes de pensée. Mais il faut l’accepter et s’y plier… car il impose un fil conducteur à l’effet vertueux. Au point qu’en toute logique, on est tout à fait légitimes pour concevoir la campagne pour ce nouveau produit et/ou service. Et ainsi boucler la boucle.

IN : pensez-vous changer de métier ou contentez-vous de le faire évoluer ?

T.G. : la publicité devient de plus en plus difficile pour entrer en contact émotionnellement avec le consommateur. Dans ce contexte, le produit et le service deviennent des vecteurs super communicants. Pourvu que ce soit une vraie solution avec un vrai business plan. Nous travaillons déjà sur deux projets dont un qui est physique pour une licence spécifique d’Ubisoft et sa communauté de gamers. Sa sortie est programmée pour août. Le second est moins avancé mais son bénéfice va changer le monde. Et c’est bien, car Cannes, c’est super, les Grands Prix, c’est top. Mais le prix Nobel, c’est mieux. Un client y est associé mais pour le coup, nous sommes vraiment à la manœuvre. Et s’il le faut on le sortira seuls.

IN : comment allez-vous gérer économiquement ce type de création et de partenariat avec l’annonceur ?

T.C. : notre modèle économique repose sur 4 ressources : en ce qui concerne la première étape sur la recherche, elle est facturée au temps passé. Ensuite, soit le contrat entre dans le cadre d’une cession de production intellectuelle si le client prend seul le relais, soit on conclut un contrat commun sur mesure s’il a encore besoin de notre aide. Enfin, on peut très bien répondre à des problématiques indépendamment de nos clients et créer nos propres produits. L’important est que l’idée sorte.

IN : votre site est très austère. Pensez-vous à une deuxième version plus attractive ?

F.P. : nous l’avons développé en 4-5 jours. Cette version sera améliorée et nourrie, bien sûr. Mais Productman n’est pas un coup marketing, c’est pourquoi nous l’avons délibérément conçue de façon très start-uper, simple, efficace et ultra fonctionnelle, avec 3 lignes de texte et quelques photos. Nous ne voulions aucune fioriture publicitaire ni les chichis d’un site de e-commerce. Ce n’est pas non plus une campagne de publicité. Mais une réelle aide au développement et à l’innovation.

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