23 mai 2022

Temps de lecture : 3 min

Pubs Hermès et G-Star Raw : Quand le story-telling colle à la réalité au point d’en devenir repoussant…  

Ce lundi, INfluencia avait la tête et le cœur à Buenos Aires, avec ce spot somptueux signé Publicis Conseil pour Renault, Horses. Aujourd’hui, à la rédaction, on est en mode déprime. Les jeans G-Star Raw et Terre  d’Hermès Eau Givrée nous rappellent notre finitude et celle de la planète avec, de belles images, mais des concepts flippants. On se croirait presque dans le spot Perrier lancé pendant la premier confinement, en 2020 par Ogilvy. Ça va pas bien la tête ?

Nous le savons, la période que nous traversons est périlleuse pour les communicants. Vendre du rêve est devenu un cauchemar… Faire coïncider une vision du futur, alors que l’on ne cesse d’évoquer la finitude de la planète, et par là même, la notre, un casse-tête ; communiquer sur des pizzas ou des chocolats, un pari dangereux, voire impossible. Le métier de publicitaire est devenu un terrain miné. Alors, certains s’en sortent bien grâce à la justesse de leurs propos, à l’humour qu’ils y mettent, au sérieux et à l’engagement qui est de mise aujourd’hui, et, aux grandes causes qui toujours, seront, le terrain de prédilection des communicants. Cependant, on le sent, l’art du story-telling est mis à rude épreuve.

Un story-telling sans équivoque où les chevaux d’antan saluent la mobilité de demain

Hier, INfluencia évoquait le somptueux coup de maître de Publicis Conseil pour la Megane E-tech électrique. Un story-telling sans équivoque où les chevaux d’antan saluent la mobilité de demain, prouvant ainsi que si un concept est brillant, la magie opérée par l’art de filmer, de fabriquer est encore possible aujourd’hui.

la beauté du processus de vieillissement à la fois chez l’homme et sur un jean

INfluencia est en revanche plus sceptique quant au concept « Wear Your Denim Till The End », signé The Family Amsterdam pour G-STAR RAW. Certes, l’idée de ce spot qui montre la beauté du processus de vieillissement à la fois chez l’homme et sur un jean est intéressante, et totalement en accord avec le fait qu’il faut consommer responsable. Certes, le film, réalisé par Paul Geusebroek, fait le parallèle entre l’érosion graduelle d’un jean et le processus de vieillissement d’un homme. (Le personnage principal avance à travers le temps, passe du printemps à l’hiver, et son visage évolue jusqu’à devenir celui d’un vieux monsieur)… Certes, l’effet visuel relève de la prouesse en technologique en faisant appel à la technologie deepfake.

Certes, ce nouveau film lancé par la marque de jean est lancé en parallèle de 8 engagements de Raw Responsibility. Durabilité du denim jusqu’à la mort. Appel à porter son jeans au cours de toute son cycle de vie, etc.,  car comme l’explique Joris Kuijpers, Directeur de la Création de The Family, « la mission de G-Star est d’améliorer l’impact social et environnemental de ses produits, sans compromettre ce qui fait d’elle une marque universellement appréciée, ce que le réalisateur Paul Geusebroek  parvient à exprimer dans ce film qui raconte une histoire humaine avec élégance et panache ». Cependant, avouons-le, la thématique du film, n’est pas des plus gaies. Et comme le faisait magistralement, le long métrage dont il est sûrement inspiré, The swimmer,  de Frank Perry (lire l’encadré)*, la fin est sans surprise. Le héros va mourir. Alors peut-être est-ce une manière pour la marque d’aller au bout du raisonnement de cette sad end qui nous est commune. Mais quel blues pour en arriver là…

Burt Lancaster en 1968 incarne Ned Merrill jusqu’à sa mort… dans The Swimmer de Frank Perry…

…Un long métrage qui avait inspiré BBH en 1992 pour son client mythique Levi’s

Dans un style plus épuré, mais toujours aussi anxiogène, Terre d’Hermès reproduit pour Eau Givrée, nouvelle Eau de Parfum, « la chaleur de la glace ». Un oxymore diffusé depuis une semaine qui se veut sans doute poétique, mais qui, comme pour les précédents spots de la marque, sent la fin du monde à 10 minutes de chez nous. Alors que la glace brûle, que la terre est sèche, poudreuse (comme la neige parfois !), que l’eau n’est plus qu’un lointain souvenir, et que le héros ne sait plus où donner de la tête, dans ce paysage, sublime mais sans issue… Christine Nagel, Directrice artistique chez Hermès, raconte elle, sa version des faits : « Un voile de givre fertilise la terre et l’exalte d’une force nouvelle, revigorante ». Soit.

Ces spots nous rappellent, l’erreur créative du dernier et très esthétique film Perrier, lancé en 2020 qui racontait comment une jeune femme enceinte échappait à un village habité par des moribonds assoiffés, prêts à tout pour une bouteille pleine de belles bulles Nestlé. «Un désaccord en interne sur le montage», expliquait-on alors chez Ogilvy.

Encore une belle gaffe publicitaire, en tout état de cause. Alors, la question est de savoir, si publicitaires, annonceurs, marketeurs sont capables de poésie, d’invention, d’imagination,  capables d’ histoires aux métaphores qui parlent encore aux citoyens de vie meilleure sans que cela ne donne des envies de suicide…Et là, faites-vous plaisir, regardez the gorgious Horses, et vous irez tout de suite mieux ! Le futur existe ! Car même si ce n’est qu’une belle histoire, elle a le bon goût de ne pas nous raconter la fin !

 

En savoir plus

The Swimmer (1968) est un long métrage de Frank Perry, avec Burt Lancaster.  Une expérience quasi expérimentale qui repose sur l’usage de multiples métaphores sur un jeu constant avec les effets de style et les ruptures de tons. Le réalisateur y raconte uniquement en termes cinématographiques comment l’Amérique des années 50 entre dans l’ère du doute et de la remise en question de ses fondements. En effet, durant son trajet de piscine en piscine, Ned Merrill va croiser une série de personnages qui tous appartiennent à « la haute », microcosme où se mêlent intellectuels, artistes et hommes d’affaires qui incarnent demanière à peine supportable l’American Way of Life. Le cinéaste décrit les valeurs sur lesquelles se fonde ce monde, où plutôt l’absence de valeurs ou de moralité. Au programme, malaise et dégoût. Nous devenons Ned Merrill qui n’en peut plus de vivre dans ce monde et repart à zéro pour regagner sa maison à la nage…  L’idée de cette traversée des villas californiennes a été reprise par le passé par un film Levi’s. A découvrir, ci-dessus.

 

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