29 mai 2013

Temps de lecture : 3 min

Publicité et pratiques commerciales déloyales : la notion de consommateur moyen

Les professionnels ont souvent la tentation d’utiliser des méthodes subtiles, et parfois trompeuses et mensongères pour inciter les consommateurs à acheter un produit ou un service. Lorsqu’un consommateur se sent trompé par une publicité, comment est évalué son degré d’information devant les tribunaux européen et nationaux ? La notion de « consommateur moyen » y est-elle appréciée de la même façon ?

Lorsque surgit un contentieux sur une publicité alléguée de trompeuse par un consommateur ou un concurrent, les juges doivent analyser la validité de la publicité au regard des textes du Code de la consommation issus des dispositions communautaires, et doivent se mettre à la place du « consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé ».

Mais qui est vraiment ce consommateur moyen ? Comment peut-on évaluer le degré normal d’information d’un consommateur ? Qu’est-ce qu’un consommateur raisonnablement attentif et avisé ?

Justice européenne vs justice française : les 2 visages du « consommateur moyen »

Pour la Cour de Justice de l’Union Européenne dont la jurisprudence s’impose aux juges nationaux, le consommateur moyen communautaire est une personne critique, consciente et circonspecte de son marché. Il ou elle peut s’informer sur le prix ou la qualité des produits afin de faire un choix rationnel. Néanmoins, ce consommateur moyen a besoin de protection même s’il est toujours en position d’acquérir des informations disponibles et agir judicieusement en fonction de ces dernières.

Pour le juge français, le consommateur moyen ou d’attention moyenne qui doit être normalement intelligent et attentif, est doté d’un minimum d’esprit critique. Il dispose d’un degré de discernement et du sens critique de la moyenne des consommateurs. Pour apprécier le niveau d’attention moyen du consommateur moyen, les juges prennent en considération :

– la catégorie de produit ou de service concerné,
– les facteurs sociaux et culturels de la catégorie de consommateurs visés,
– le circuit de distribution du produit ou du service proposé.

On comprend d’ores et déjà que la capacité de discernement d’un consommateur moyen n’est pas appréciée de la même manière par les juges à Bruxelles qu’à Paris.

Pour le juge communautaire, le consommateur moyen est une personne réfléchie qui connaît son marché et le produit et le service qu’elle envisage d’acquérir pour l’avoir étudier et avoir recueilli les informations nécessaires. Le consommateur moyen vu de Bruxelles est un consommateur connecté et équipé qui détermine son comportement économique de manière réfléchie et informée.

En France, le consommateur moyen doit faire preuve d’un devoir d’intelligence, d’un effort de réflexion ou de sagacité. En revanche, le consommateur moyen français doit disposer, dans les publicités qui lui sont proposées, de toutes les informations nécessaires et pertinentes pour lui permettre de déterminer son comportement économique. Il n’a pas l’obligation de s’informer pour faire un choix raisonné et éclairé. Cette conception d’un consommateur moyen passif et assisté est sans doute appelée à évoluer à l’heure du tout connecté et des QR Code.

2 visions, mais quel pouvoir de décision ?

En réalité, les différences de conception du consommateur moyen révèlent l’affrontement de deux logiques antagonistes : favoriser le libre-échange sur un marché ouvert à la concurrence et protéger le consommateur.

Reste que pour les magistrats de Bruxelles dont la vision s’impose aux magistrats français le critère du consommateur moyen ne repose pas sur « une approche statistique ». « Les études de marchés peuvent, dans certains cas, être utiles, mais elles présentent les faiblesses inhérentes à la formulation des questionnaires d’enquête et elles font souvent l’objet d’interprétations divergentes quant à leur valeur probante. Par conséquent, elles ne libèrent pas la juridiction nationale de la nécessité d’exercer son propre pouvoir d’appréciation fondée sur le modèle du consommateur moyen tel que défini par le droit communautaire. »

On pourrait penser que la messe est dite et que la vision du consommateur moyen qui s’impose est communautaire. En réalité, c’est plus subtil puisqu’il appartient aux juges nationaux d’exercer leur propre faculté de jugement en tenant compte des critères ci-dessus pour déterminer la réaction typique (ou moyenne) d’un consommateur moyen dans un cas donné.

En conséquence, au-delà des analyses marketing complètes et détaillés réalisées par les annonceurs pour documenter et justifier une éventuelle contestation de la publicité mise en œuvre, l’évaluation et l’analyse du comportement économique du consommateur moyen qu’est le juge serait également très utile pour évaluer le risque d’une publicité et bâtir une stratégie de défense en cas de contentieux.

Valérie Nicod, Avocate au sein du département contentieux du cabinet Bird & Bird, experte des contentieux en matière de concurrence déloyale

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