Publicité et IA : « après le cartel de la drogue, nous voilà sous la coupe du cartel de la tech »
Europe vs Silicon Valley : pourquoi notre continent risque de perdre la bataille de la souveraineté numérique face aux géants américains
L’intelligence artificielle (IA) n’est plus un concept de laboratoire : elle s’immisce chaque jour un peu plus dans les stratégies publicitaires et les médias. Ce tsunami technologique soulève toutefois des enjeux de souveraineté numérique. Raphaël Fétique, le CEO de Converteo, un cabinet de conseil spécialisé dans les enjeux data et l’IA, ne dira pas le contraire…
Dans les médias, la machine a déjà commencé à remplacer l’homme, comme l’a prouvé la septième édition de Médias en Seine qui s’est tenue le 14 janvier dernier. Automatisation de tâches rédactionnelles, formats augmentés, personnalisation des contenus selon le lecteur. L’IA représente aujourd’hui une nouvelle manière de produire de l’information.
Raphaël Fétique constate, lui aussi, l’impact grandissant de l’IA dans la publicité.
« Elle apporte un gain de productivité et un effet démultiplicateur, estime cet expert. Certaines tâches qui nécessitaient trois jours d’efforts peuvent désormais se faire en trois heures. En créa, elle permet notamment de proposer davantage d’options aux clients. Avec elle, il est aussi possible d’automatiser certains travaux répétitifs. »
Mais toute pièce a son côté pile et son côté face…
Aujourd’hui, le marché de l’IA générative est contrôlé par un nombre très limité d’acteurs. ChatGPT contrôle à lui seul plus de 80% de cet énorme gâteau qui pourrait peser 500 milliards de dollars en 2028.
C’est moins que les 90% de parts de marché de Google en France sur les moteurs de recherche mais le chiffre reste impressionnant. Ces oligopoles d’entreprises américaines sur notre quotidien numérique soulèvent de sérieuses interrogations liées à notre souveraineté numérique.
Comment pouvons-nous aujourd’hui maîtriser nos données, contrôler les infrastructures numériques qui les stockent et les utilisent sans dépendre excessivement d’acteurs étrangers ? Cette interrogation n’a toujours pas trouvé de réponse.
« La question est de savoir si nous ne commençons pas à utiliser cette technologie à outrance, juge le CEO de Converteo. Doit-on traduire des textes avec l’IA alors que nous avons depuis longtemps des logiciels qui peuvent très bien le faire ? L’intelligence artificielle a créé des besoins qui ne sont pas réels. » L’Europe semble, quant à elle, déjà avoir perdu cette bataille.
« Les Européens investissent des milliards quand les Américains en dépensent des centaines voire mêmes des milliers de milliards. On ne peut pas suivre cette course, ajoute Raphaël Fétique.
Il est par ailleurs difficile de réguler ce marché qui est sauvage, d’autant plus lorsque le président des Etats-Unis en personne, dit qu’il ne souhaite rien contrôler. » Comment éviter alors une nouvelle mainmise des géants de la Silicon Valley ?
« La meilleure chose qui pourrait nous arriver serait que la bulle de l’IA éclate dans les plus brefs délais, analyse cet ancien élève de HEC et de Télécom Paris. Une telle explosion provoquerait un reset de ce marché. Lorsqu’on parle de souveraineté, on parle d’indépendance. Après le cartel de la drogue, nous voilà sous la coupe du cartel de la tech. »