8 juin 2016

Temps de lecture : 6 min

Le prototypage plus fort que le Power Point pour convaincre…

Donner du sens à une marque et rendre l'ensemble tangible aux yeux de ses clients. Tel est, entre autres, le rôle d'un prototype en communication. Un objet non finalisé qui devient incontournable et ouvre de nouveaux horizons dans la relation des agences avec leurs annonceurs. Décryptage...

Donner du sens à une marque et rendre l’ensemble tangible au yeux de ses clients. Tel est, entre autres, le rôle d’un prototype en communication. Un objet non finalisé qui devient incontournable et ouvre de nouveaux horizons dans la relation des agences avec leurs annonceurs. Décryptage…

Le rituel est rapidement entré dans les moeurs de l’agence. Deux fois par mois dans ses bureaux de bord de mer à Santa Monica, 180LA réunit un comité restreint pour une nouvelle session de son 180 Breakfast Labs. Pendant plusieurs heures l’aréopage passe en revue les dernières innovations et tendances de l’industrie. L’exhaustivité est obligatoire, inspiration nécessaire oblige. « Tout ce qu’on apprend et partage dans ce Lab de curation peut se traduire dans des campagnes concrètes », nous explique l’agence californienne qui, l’an passé, avait ouvert ses portes à INfluencia pour notre série sur la créativité made in Los Angeles.

Depuis deux ans quelle agence en France ou ailleurs dans le monde ne revendique pas fièrement son laboratoire à idées, histoire de coller à l’ère du temps et aux impératifs engendrés par la mutation structurelle de la publicité ! Ne pas en avoir s’avère aujourd’hui être un crime de lèse créativité, mais derrière le sésame sémantique fourre-tout vendu avec emphase aux clients, que cache vraiment chaque agence ? Car à l’instar du rendez-vous bi-mensuel de 180LA, la structure ou entité R&D érigée en Lab se révèle souvent un outil de veille. Rien de plus.

Wieden & Kennedy incube les autres et innove pour elle

Cette muse inspirante a beau être primordiale pour permettre de rester à la page, elle ne débouche sur aucune innovation concrète. Pourtant sur l’échiquier publicitaire, l’investissement dans la propriété intellectuelle représente la Dame : sans elle le roi créatif est mis échec et mat. De plus en plus d’agences ont appréhendé la problématique et se sont dotées d’un laboratoire interne dit de prototypage. Avec sa division in-house dédiée spécialement à la production de produits et services innovants, l’agence laisse carte-blanche à ses ingénieurs et ses data-scientifiques, embauchés à prix d’or pour assurer la consolidation d’une tendance naissante, l’agence start-up commerçante. De qui et de quoi parle-t-on exactement ?

En complément de son incubateur, PIE, Wieden & Kennedy héberge, depuis 2013, dans ses locaux de Portland, un groupe dédié à la créativité technologique et l’expérience. Son nom ? « The Lodge », présenté comme « une des étapes les plus significatives dans la diversification de la créativité ».  Sollicitée par INfluencia pour une explication plus approfondie, Katie Hull, senior Public Relations Manager de W&K, explique : « The Lodge applique la technologie aux problèmes humains via une expertise profonde dans l’ingénierie et le graphisme informatique, le design d’expérience, la réalité virtuelle, l’intelligence artificielle. Il s’agit de construire un pont entre le sens d’une marque et la réalité de ses clients » . L’an passé « The Lodge » a par exemple employé une équipe de 20 personnes pour inventer une interface jouant de la musique avec du papier et un stylo. Le but ? Concevoir le premier smartphone immergé dans le monde de Minecraft pour redéfinir la façon dont les consommateurs jouent et travaillent grâce à la technologie.

Biborg : l’agence à l’avant-garde du prototypage à Paris

Les agences françaises ne sont pas en reste mais elles demeurent encore peu nombreuses à avoir opté pour la création d’un vrai Lab. Bruno Luriot un des co-fondateurs de l’agence interactive, Biborg, a perçu, dès 2011, le potentiel d’un pôle de ce type dans sa structure : « On s’est rendu compte qu’il y avait des attentes autour de l’interactivité. On voulait créer et présenter de nouvelles expériences autour du « Out of home » qui n’existaient pas. Et pour pouvoir convaincre nos clients du bien-fondé de ces nouvelles expériences, un Power Point ne suffisait pas, il fallait du concret. Et surtout passer le cap du « je demande à voir » à une approche positive de l’idée ».

Biborg a vite compris l’intérêt de développer un Lab axé sur le prototypage. Car avant de parler expérience client, il est parfois judicieux de travailler sur l’expérience client professionnel… « C’est grâce à une réunion de démonstration d’un de nos prototypes, que Warner a décidé de marcher avec nous sur une opération autour du lancement du film « Edge of Tomorrow ». Ils ont pu tester directement l’idée, pendant une réunion, et l’adopter dans la foulée. Et même si le prototype n’est pas un projet finalisé, il est générateur d’idées pour l’agence et pour le client », précise Bruno Luriot qui estime que son Lab, composé aujourd’hui de trois personnes placées au centre de l’open space de l’agence, est devenu incontournable pour les équipes à la fois commerciales, tech et du planning. « Désormais les barrières tombent et notre Lab peut répondre à de nombreuses possibilités que cela soit le jeu, la réalité-virtuelle, la 3D voire même la programmatique… ».

Razorfish Global investit gros dans la propriété intellectuelle

Dans un article publié dans AdAge, le mois dernier, le CEO de Razorfish Global, Shannon Denton, expliquait que son agence avait réalisé des efforts financiers pour créer un département entièrement consacré au développement de sa propriété intellectuelle. Parce que « ce modèle économique permet des plus grandes marges que celui traditionnellement utilisé par la pub », Razorfish y injecte désormais 4% de ses revenus globaux. Shannon Denton s’attend à ce que 20% des leads de l’agence proviennent, en 2016, de ses investissements en propriété intellectuelle. Idem chez Wunderman, qui planifie 20% de dépenses supplémentaires en PI.

Chez Deutsch Los Angeles, le Lab est intitulée Invention par Christine Outram, Creative Director, Platforms & Products & Invention Lead. « Il a été lancé en 2012 pour nous permettre de rapidement identifier de nouvelles opportunités pour nos clients et des espaces possibles d’innovation. Cela peut se décliner ensuite en une application, un produit physique, un nouveau service ou une expérimentation technologique », explique la VP de Deutsch. Combien de personnes y travaillent, pour quels résultats et quelle stratégie ? Christine Outram nous ouvre les portes du sésame : « La taille des équipes consacrées à chaque projet varie en fonction du problème mais généralement nous débutons la conception avec un groupe de cinq personnes : la stratégie, l’expérience utilisateur, la technologie, la créativité et la production. Une fois que nous passons à l’étape du prototype et de la fabrication, on agrandit l’équipe en fonction de ses besoins. Un des projets les plus réussis par le service Invention reste le Fuelcaster conçu pour Esurance. En seulement 8 semaines nous avons pu fabriquer une technologie analytique capable de prédire la montée ou la baisse du prix de l’essence dans les jours à venir. L’application web a cartonné avec un taux de retour des utilisateurs de 38% ».

Quant à la stratégie de ce Lab et son importance dans la croissance de l’agence, elle souligne : « Il est crucial, car les comportements digitaux évoluent et il faut créer de nouvelles relations avec les consommateurs, qui vont au-delà du message et des campagnes. Invention est un service plus agile avec un prix d’entrée qui commence à 25 000 euros et qui vise la solution idoine apportée au client : résoudre un problème humain, raconter une histoire puissante et dépasser les attentes de ROI. Pour arriver à cet objectif, nous respectons un processus bien établi : 10 jours d’immersion qui génèrent entre 5 et 8 idées examinées ensuite sur des critères de testing qualitatif et quantitatif. Nous entrons alors dans une phase de prototypage de 45 à 60 jours avec 50 développeurs in-house, qui sera suivie par des tests auprès de personnes réelles. Si cette étape est franchie, le produit ou le service est développé à plus grande échelle et lancé ».

Times Square, 7 écrans et 4 milliards de kilos-octets de data

L’année même où Deutsch lançait Invention (2012 donc), Framestore mettait en place son Labs. Pour le studio de production créatif de Los Angeles, l’intention « est de changer la manière dont les marques et les gens interagissent avec les espaces physiques », énonce Jonny Dixon, producteur interactif et co-fondateur de Labs. Quatre ans plus tard, le labo R&D de Framestore compte 9 personnes à temps plein, dont des créatifs, des développeurs, des designeurs et des producteurs. Chaque projet sur lequel travaille cette équipe est entièrement développé au sein du studio angeleno, « en développant un nombre important de technologies cousues mains et intégrées dans des systèmes que nous designons, fabriquons et soutenons », précise Jonny Dixon, pour qui le Labs « est obligatoire pour une agence comme la nôtre car il représente la nature même de notre travail ».

« Nous ajoutons notre flamme créative autant que possible dans chaque projet, tout en répondant au brief du client et en respectant ses envies. Avec le Labs, on traite en direct avec les marques, et ses outils nous donnent l’opportunité d’être créatifs du commencement à l’exécution », ajoute le producteur interactif de Framestore. Il s’épanche ensuite sur les réalisations du Labs: « Pour Morgan Stanley nous avons développé sur Times Square un média de sept écrans tous d’une taille différente recevant en tout plus de quatre milliards de kilos-octets de data chaque jour. Pour que cela fonctionne en temps réel et avec synchronisation, il a fallu développer des logiciels et des designs propres au projet. Pour le Tate Modern, on a crée un écran tactile interactif diffusant plus de 3500 œuvres d’art, et capable de surveiller le comportement de l’utilisateur, donc de permettre au musée de disposer d’une donnée précieuse sur leurs visiteurs ».

Jonny Dixon aurait aussi pu mentionner les collaborations avec la Bourse de Londres, la Somerset House pour l’exposition Valentino et l’Imaxshift de New York. Tandis qu’INfluencia aurait pu également parler des Labs de 72andSunny, qui vient d’investir des millions d’euros dans un studio de production, et de RG&A. C’est une tendance ? Non sire, c’est une révolution.

Biborg X INfluencia : Voyage au bord de l’interactivité

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