10 octobre 2022

Temps de lecture : 4 min

Et si nos corps pouvaient résoudre tous nos problèmes de chauffage ?

A mi-chemin entre la réalité dystopique de The Matrix et le rêve de tout militant écolo, un festival musical écossais a récemment dévoilé un procédé technologique qui sert à recycler l’énergie dégagée par nos corps pour chauffer ou même refroidir ses espaces. Sauver le monde en tapant du pied sur le dancefloor ? Quel doux remède.

La semaine dernière, le festival musical SWG3, organisé depuis 2017 à Glasgow, dévoilait à son public une refonte totale de son système de chauffage énergétique. Très fier de ses équipes, Andrew Fleming-Brown, le directeur général de l’évènement, le présentait en ces termes : « après trois ans de planification, nous sommes ravis de pouvoir mettre en service notre nouveau système de chauffage et de climatisation par énergie corporelle ! Nous espérons que cela incitera d’autres acteurs de notre secteur à suivre notre exemple et à œuvrer dans la même direction pour lutter contre le changement climatique ». Concrètement, à partir de cette année, la chaleur corporelle de toutes celles et ceux qui se rendront aux concerts, aux expositions et aux ateliers sera capté dans un réseau de tuyaux et de pompes pour être ensuite recyclée afin de chauffer ou refroidir, selon les besoins, un certain nombre d’espaces du site. En sommes, vous leur ramenez The Prodigy et vous aurez assez d’énergie pour alimenter l’Ecosse jusqu’à la prochaine ère glaciaire.

Sur une note beaucoup moins légère, le procédé nous rappelle au bon souvenir du film The Matrix, où les êtres de chair et d’os que nous sommes finissent par être colonisés par les machines qui siphonnent notre chaleur corporelle afin de les alimenter. Comme expliqué par Morpheus, dans une scène qui n’aura pas manqué de faire cauchemarder les cinéphiles des années 2000, à la fin du processus, nous, les humains, sommes réduits à la simple fonction de piles prêtes à être consommées. Une vision quelque peu dystopique, je pense qu’on peut le dire sans crainte, mais dont l’idée de base – recycler la chaleur que nous générons pour chauffer aussi bien des machines que des bâtiments –, mériterait d’être reconsidérée dans le contexte d’une lutte décarbonée contre le changement climatique.

 

 

Dis-moi Jamy…

Examinons les faits scientifiques – un grand merci aux cours de physique-chimie publiés gratuitement sur internet – : le corps humain moyen émet environ 100 watts de chaleur au repos. Au moment de pratiquer un exercice physique, cette chaleur peut facilement dépasser les 1 000 watts, de quoi faire bouillir un litre d’eau en six minutes contre deux minutes pour une bouilloire électrique. Pas trop mal pour faire chauffer des pâtes. Cette énergie provient essentiellement de la nourriture que nous ingérons.

Comme l’explique Amin Al-Habaibeh, professeur d’Intelligent Engineering Systems à la Nottingham Trent University, à The Conversation : « Notre métabolisme, au moment de la digestion, profite des glucides et des acides gras secrétés pour produire l’énergie nécessaire à la contraction des muscles. Cependant, environ 70 à 95 % de l’énergie produite est libérée sous forme de chaleur. Une grande partie de cette chaleur est évacuée du corps par convection ou par la transpiration, qui sert à refroidir la peau au moment de l’évaporation ». Cela explique pourquoi, dans le contexte d’un air saturé par des températures extrêmement chaudes et humides, votre sueur ne s’évapore pas aussi facilement.

Plus on est de fous plus on se réchauffe

Lorsque plusieurs personnes se rassemblent en intérieur, cette chaleur, en toute logique, s’accumule. « Imaginez un théâtre d’une capacité de 500 personnes. Si l’on suppose que chacune produit 100 watts d’énergie thermique, cela signifie que 50 kW de chaleur seront émis au total : l’équivalent de 25 à 30 bouilloires faisant bouillir de l’eau en continu. Si ces personnes sont physiquement actives, par exemple en dansant, elles pourraient générer ensemble 150 kW de chaleur, soit 3600 kWh sur 24 heures », résume M. Al-Habaibeh. En France, on estime que la consommation mensuelle en gaz naturel par ménage est de 1 050 kWh pour un appartement ou une petite maison de 70 m². Elle augmente à 1 150 kWh par mois pour une maison de 130 m². Comme une chaudière à gaz domestique moyenne a une puissance d’environ 30 kW, 500 danseurs seulement pourraient produire l’énergie de cinq chaudières à gaz.

La question 1 000 dollars est de savoir comment réutiliser au mieux cette source d’énergie propre sans équivalent, pour chauffer, par exemple, nos bâtiments. Ces derniers utilisent habituellement des systèmes de ventilation ou de climatisation pour réduire les températures et améliorer la qualité de l’air. Cette chaleur extraite est ensuite perdue dans l’environnement extérieur, ce qui entraîne un gaspillage énergétique non négligeable. Pour le contrer, on pourrait installer des échangeurs capables de faire circuler la chaleur corporelle de leurs habitants d’un espace à l’autre afin de chauffer ou refroidir leurs habitations. Une autre option, explique Amin Al-Habaibeh, consisterait à utiliser « des pompes à chaleur, qui sont à peu de chose près des systèmes de climatisation inversés qui pompent la chaleur à l’intérieur plutôt qu’à l’extérieur. Une technologie de ce type est déjà utilisée dans les centres de données, où les importantes quantités de chaleur émises par les réseaux informatiques doivent être extraites pour éviter toute défaillance du système ». Les alternatives ne manquent pas.

 

 

Les exemples Suisses et Suédois – pour changer –

Ce concept est déjà une réalité dans certaines parties du monde. En 2017, le canton de Lucerne en Suisse avait par exemple rénové plusieurs de ses immeubles en leur installant le procédé. Josef Schmidli, directeur des Constructions et de l’Environnement à Emmen, expliquait à l’époque que « le soir, l’air froid passe à travers un système de régulation, avec des volets. Cela permet d’assurer une température et une qualité de l’air satisfaisante », et de garder le mercure entre 22 et 26 degrés. Du côté Suédois, la municipalité de Stockholm a érigé en 2009 un immeuble du même style situé en bordure de sa gare centrale. 20 % du chauffage des 25 000 m² constitués de bureaux, de commerces et d’un hôtel provient de la chaleur corporelle dégagée par les 200 000 personnes empruntant chaque jour la gare avoisinante, ce qui réduit ses besoins en chauffage de 5 à 10 %. Let’s dance alors!

 

 

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