Avec son mapping wifi sur la mobilité humaine, Antonin Danalet, expert à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne, cherche plus qu’à améliorer les trajets de chacun. Il se penche sur le motif de leurs déplacements et leurs choix de destination. Offrant aux urbanistes et aux marques de nouvelles pistes pour optimiser les lieux et leurs services.
Face à l’augmentation de la population urbaine et aux réglementations de plus en plus restrictives à l’égard des véhicules motorisés en centre-ville, le piéton est un élément impossible à négliger. D’où l’importance de comprendre ses déplacements. Pas seulement pour en améliorer le flux, mais aussi pour l’accompagner en fonction de ses buts et de ses besoins et concevoir des endroits ergonomiques évidents. Antonin Danalet, chercheur spécialiste de la mobilité à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne en a fait le sujet de sa thèse et s’est servi du wifi pour l’étudier sur le terrain au plus près. « Nous sommes cernés par les points d’accès de ce réseau », explique-t-il « ce qui le rend très pertinent et bon marché pour étudier le comportement des piétons, en nous évitant d’avoir recours aux vidéos ou d’installer une autre source d’information ».
Les trajets de 2000 personnes passés au crible de 789 points de connexion wifi
En effet, si à chaque fois qu’on va sur Internet on laisse automatiquement et volontairement une indication sur nous, le Wifi permet de tracer l’itinéraire de n’importe quel propriétaire d’un smartphone. « Mais ces informations facilement collectées et utilisées en respectant le principe de confidentialité des données peuvent également servir le bien de la communauté », insiste-t-il. Pour mener à bien son expérience, il a donc construit un mapping à plusieurs entrées à partir des trajets de 2000 personnes -cantonnées au statut d’employés ou d’étudiants- grâce aux 789 points de connexion wifi qui jalonnent le campus de l’école. Puis les a combinés avec les informations collectées dans les différents lieux du campus comme sa configuration, les horaires de cours et les achats dans les 21 restaurants. S’il ne peut pas détailler les habitudes lors des trajets, il a déterminé comment les personnes choisissent leurs activités, leurs destinations et l’objet de leurs arrêts. Ainsi en étudiant l’endroit où les étudiants déjeunent, il a démontré que le type de nourriture choisie n’était pas autant déterminé qu’on pourrait le croire par son prix ou par la proximité et la taille du restaurant.
Regard détaillé sur la mobilité humaine
Ce mapping sur la mobilité humaine facilement réactualisable peut en intéresser plus d’un. A commencer par les urbanistes en charge de la conception des villes, des hôpitaux, des palais de justice, des gares… La Swiss Federal Railways qui a équipé en wifi 100 de ses stations et dont le nombre de passagers sur certaines lignes va doubler d’ici à 2030, réfléchit déjà à l’utiliser pour définir la façon dont elle doit étendre l’une de ses gares. « Ce genre de projet se chiffre en milliard de dollars, donc forcément les décideurs sont motivés pour savoir comment les usagers s’y déplacent pour que leur investissement soit optimisé », détaille Antonin Danalet, dont une partie de la chaire d’enseignement et le pôle de recherche et développement est financé par SBB.
Les autres professionnels concernés par cet outil sont les marques et leurs architectes d’intérieur dont la mission est d’agencer au mieux ces lieux publics, privés (entreprises, magasins, show-room…) ou culturels (festivals, foires, salons…) pour mieux gérer les flux et optimiser les prestations. Comme le précise le chercheur : « Notre outil permet de comprendre la meilleure façon de répartir par exemple des distributeurs (billets ou autres), des caisses automatiques, des magasins, des cafés ou encore de situer un bureau d’accueil ou un comptoir essentiel au bon fonctionnement d’une entité. Et ainsi en fonction de la circulation des personnes de désengorger les points chauds, d’en animer d’autres délaissés ou encore d’exploiter un coin plus retiré pour y installer un service incontournable mais moins crucial ».