9 décembre 2010

Temps de lecture : 3 min

«Ne pas confondre la représentativité de l’opinion avec l’opinion sur le web social».

La crise a accentué les changements fondamentaux de comportement et de valeurs. Place à de nouveaux consommateurs qu’il faut écouter et influencer différemment. Interview de Stéphane Truchi, président de l’Ifop

Influencia: Quelles grandes mutations observez-vous dans le comportement des citoyens et des consommateurs?

Stéphane Truchi: la crise a accentué les changements fondamentaux de comportement et de valeurs que l’on constate depuis une dizaine d’années.
Tout d’abord les consommateurs sont passés d’une dimension collective à une dimension très individuelle. On voit très bien par exemple dans nos études que la notion de foyer n’a désormais plus beaucoup de valeur. Et on constate cette montée de l’individu partout, notamment dans les réseaux sociaux.

Deuxième élément de mutation: l’individu était assez singulier, il est devenu beaucoup plus mosaïque. Les nombreuses facettes de sa personnalité s’expriment dans des contextes différents, dans une multiplicité de groupes communautaires d’appartenance qui se définissent par des affinités. Ce ne sont plus les caractéristiques socio-démographiques qui structurent désormais la population.

Troisième donnée: l’individu était plutôt captif, le voici totalement libéré, dans son expression, dans ses choix, dans son action, dans ses relations aux autorités, aux institutions, aux marques… Il est en pleine crise d’indépendance par rapport à la société.

Quatrième constat: on est passé d’un individu connecté à un individu hyper connecté, sur son mobile, sa télévision, son ordinateur… Il est en contact permanent avec des communautés reliées entre elles et avec lui en même temps et dans le monde entier.

Cinquième observation: l’individu récepteur s’est transformé en individu émetteur, qui a acquis le pouvoir de communiquer, d’informer, et d’influencer. On assiste donc à un phénomène de réciprocité, à une volonté de participer et de contribuer.

6e dimension: place à un citoyen-consommateur, plus engagé et responsable, qui prend la mesure de la dimension corporate, pour lequel l’engagement est au moins aussi important que la marque, et qui est en attente de preuves.

Influencia : Blogs, Twitter, facebook… On n’écoute plus le consommateur de la même façon. Comment utilisez-vous les réseaux sociaux ?

S.T : les réseaux sociaux sont bien sûr un champ d’expression et d’échange qu’on ne peut pas ignorer. Mais j’y mettrais deux bémols. Premièrement ,le web social est une représentation incomplète de l’opinion puisque tout le monde ne s’y exprime pas. Et deuxièmement c’est un terrain extrêmement libre, beaucoup plus spontané et moins contrôlé que dans une expression orale plus classique.
Donc il faut faire preuve d’une double vigilance: ne pas confondre la représentativité de l’opinion avec l’opinion sur le web social. Et ne pas lire au premier degré ce qui y est écrit, parce qu’on peut en faire de très mauvaises interprétations, ou en tout cas donner un effet de loupe sur des faits qui ne le méritent pas.

En revanche c’est un champ d’expression important parce qu’il est « peer to peer » donc « consumer to consumer ». Beaucoup de réactions s’expriment par ce biais, et si on ne les surveille pas, elles échapperont à la vigilance qu’on doit avoir sur les signaux faibles. C’est par le croisement des analyses entre enquêtes classiques -interviews individuelles, de groupes, données quantitatives- et systèmes de veille de la webosphere que l’on arrive à bien comprendre ce qui se passe dans la société.

Influencia : Avez-vous le sentiment d’influencer la société et les comportements?

S.T: l’opinion a un effet sur le comportement, c’est certain, et la communication de l’opinion également. À partir du moment où nous collectons et communiquons des données de ce type, savoir ce que les autres pensent fait partie des éléments qui influencent. Les sondages sont d’ailleurs souvent pris comme un élément de caution et passionnent les habitués du Café du Commerce. Même s’ils sont décriés, tout le monde les regarde, et d’ailleurs surtout ceux qui les critiquent!

Je ne nierai pas leur rôle et leur importance, ce serait malhonnête. En période électorale notamment, on voit bien par exemple, que si le candidat que l’on soutient ,commence à marquer des signes de faiblesse, on aura plus envie de se mobiliser pour voter à l’élection suivante! Les sondages influent également certainement le comportement des consommateurs sur des thématiques de responsabilité et d’engagement comme le développement durable.

Mais aujourd’hui l’importance verticale des émetteurs que nous sommes, s’est un peu estompée au profit de l’influence des pairs, des gens entre eux, et notamment des réseaux sociaux. Et puis on assiste aussi à une forme de saturation des sondages. On ne peut pas se réveiller un matin sans entendre un élément de sondage. A cela s’ajoutent toutes les télés et radios qui font une consultation de leurs auditeurs par texto, ou mail. Cela donne des scores qui n’ont pas de valeur statistique mais qui sont communiqués comme des sondages. Il ne faut pas oublier que nous sommes tous soumis à quelque 400 messages quotidiens. Notre influence est donc un peu diluée!

Propos recueillis par Isabelle Musnik

Rubrique réalisée en partenariat avec l’agence Meura

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