7 janvier 2019

Temps de lecture : 6 min

Paris 2024 : quelle identité pour des jeux « Puissance France » ?

Alors que l’appel d’offre pour l’identité de Paris 2024 est en cours, que faut-il attendre du logo des futurs Jeux Olympiques et Paralympiques ?

Alors que l’appel d’offre pour l’identité de Paris 2024 est en cours, que faut-il attendre du logo des futurs Jeux Olympiques et Paralympiques ?

Évènement sportif planétaire, les Jeux Olympiques transcendent tout : la politique, les religions, les réalités économiques. Ils cristallisent les fiertés, la force d’un rêve -comme l’évoquait la campagne de candidature-, les idéaux et les imaginaires. Rassemblant les plus grands athlètes de chaque nation, une olympiade exige une exemplarité totale. D’ailleurs, organiser les Jeux Olympiques revient souvent à résoudre un ensemble d’équations qui ne sont pas que sportives. Technique, finance, logistique, sécurité, politique, toutes les disciplines sont représentées lorsqu’il s’agit de délivrer l’excellence. Car accueillir les Jeux c’est non seulement mettre en lumière l’esprit sportif, mais également faire rayonner un pays et un territoire. Dans le déroulé même de l’évènement, il faut transcender l’espace (les différents sites de compétition) et le temps (six ans de préparation, deux semaines d’épreuves), et ce pour offrir une expérience toujours renouvelée. L’exemplarité, c’est d’ailleurs l’une des promesses de la candidature de Paris 2024, avec la volonté affichée d’une planification durable, d’une réflexion sur un héritage des infrastructures et de celle de la création de valeur pour les départements connexes (notamment la Seine-Saint-Denis).

Au regard de la complexité d’une telle organisation, les enjeux de marque -et donc d’identité visuelle- peuvent sembler dérisoires. Question de perspective, comme toujours. Car dans ce type de méga évènement, la marque, ses symboles et ses signes, sont en réalité partout. Ils éclairent, indiquent, inspirent, rassurent, statuent et fédèrent. Et les publics à y être exposés sont nombreux : sportifs, médias, spectateurs, téléspectateurs, organisateurs, partenaires, et habitants. La marque Paris 2024 et son expression visuelle à venir ne traduiront ainsi rien de moins que les folles ambitions de ces Jeux.

La promesse des Jeux « Puissance France »

« Créer les Jeux du Futur », c’est l’ambition affichée de Tony Estanguet pour Paris 2024. En effet, il s’agit de produire des Jeux inédits qui enthousiasment par leur vision, surprennent par leur exécution, fédèrent par leurs engagements sociétaux, et époustouflent par leurs expériences. Soyons sans détour, nous évoquons bien ici les plus grands Jeux de l’Histoire. Des Jeux qui auront à cœur de faire progresser la société et feront preuve de créativité pour donner à voir le meilleur de la France. « Si l’on veut que les Jeux soient raisonnés et raisonnables, écologiquement et économiquement, je pense que la créativité va être le socle pour marquer notre différence ». Thierry Reboul, Directeur de la Marque, de la Créativité et de l’Engagement de Paris 2024, est sans ambiguïté sur le sujet : il faudra oser pour se démarquer.

Par le truchement de cette future identité, il s’agit d’imaginer comment la France va se raconter au monde en donnant corps -et esprit- à la promesse française. Celle-ci reposant sur trois piliers, comme le mentionne le spécialiste en nation branding, Philippe Lentschener :

– La recherche perpétuelle du Sens, d’abord. Celle qui veut par exemple que « lorsque la France crée le TGV, elle n’imagine pas juste un train mais elle désenclave les territoires », et se donne ainsi une mission toujours plus grande que le simple développement de produits et de services.

– L’amour du Geste, ensuite. Lié à une puissante culture du savoir-faire et à la capacité de la France « à développer une expertise, à nommer des maîtres, à juger et enseigner, pour finalement créer les conditions de la reproductibilité », il inscrit le pays non pas dans la fulgurance comme tant d’autres nations, mais bien dans la durée.

– L’art de la Surprise, enfin. Car en voulant n’être la copie de rien et le modèle de tout, la France innove sans cesse, s’amusant à défricher des terrains où personne ne l’attend.

D’après l’expert : « La France n’est pas créatrice de valeur : la France est un multiplicateur de valeur. Avec la France, tout devient « plus ». La France est une sorte d’exposant mathématique, les choses sont alors « factoriel France »». Avec cette promesse sans équivoque, ces Jeux seront assurément « Puissance France » : des Jeux plus créatifs, plus innovants, plus audacieux, plus surprenants, plus responsables, plus engagés, plus fédérateurs aussi. Un siècle après son introduction lors des Jeux de 1924, « Plus vite, plus haut, plus fort », est définitivement d’actualité.

Une identité visuelle qui conjugue expériences et références

Des Jeux réussis sportivement sont le socle même de l’Olympisme. Mais dans notre économie actuelle où l’expérience est devenue la monnaie sociale, c’est l’âme de ces Jeux qu’il va falloir percevoir, ressentir, éprouver, grâce aux expériences qui seront données à vivre mais également via les incarnations graphiques qui encoderont les espaces et les évènements.

Mettre la créativité au cœur des réflexions sur l’identité, c’est délibérément s’affranchir des conventions usuelles qu’induit inconsciemment une célébration sportive de cette envergure. Être prêt à envisager des ruptures qui créent du sens pour servir l’ambition du projet, c’est l’excitante responsabilité des agences de design en lice, qui auront probablement intégré à leur réflexion quelques-unes des pistes de réflexion branding suivantes.

1. Intégrer les codes de la nouvelle génération : que ce soit dans les stades ou dans les rues, dans le sport ou dans le domaine culturel, la nouvelle génération insuffle une energie nouvelle au Grand Paris et participe au rayonnement de la France sur des terrains où on ne l’attendait plus. Si cette jeunesse a l’audace de croire fermement en ses rêves, elle n’en est pas moins réaliste, et sait que seul un travail quotidien et acharné paiera. Nonobstant, tout est désormais possible pour qui le veut vraiment, à l’instar d’un Kylian Mbappé dont le motto « Le vrai rêveur est celui qui rêve de l’impossible » l’a mené de Bondy au Parc des Princes, puis à une deuxième étoile. Cette génération « qui ose » est irrémédiablement en action et ne recule devant rien. Elle est également résolument optimiste et pleine de vie (d’ailleurs « le spleen n’est plus à la mode » chantent en cœur Angèle et Roméo Elvis). Afin d’être en phase avec son époque et ceux qui la composent, Paris 2024 se devra d’intégrer les codes de cette nouvelle génération : vibrants et sans concession.

2. Faire le choix d’un design inclusif : afin de rester fidèle au souci historique d’égalité et d’inclusion des Jeux -mais également dans le but d’aider à réduire les inégalités de traitement et de médiatisation entre les Jeux Olympiques et Paralympiques- il serait pertinent d’intégrer dans cette réflexion les notions de design inclusif. Ce dernier prend en compte les contraintes particulières amenées par le contexte d’utilisation ou par l’utilisateur afin de s’adresser au plus grand nombre. Il existe par exemple des solutions graphiques dîtes inclusives : une typographie dont le dessin des lettres se voit doublé d’une mise en relief, permet ainsi d’être lue en braille. Mais voyons plus grand : quid de faire du design inclusif un véritable parti-pris de Paris 2024 ? Au-delà de graphisme, d’installations, de lieux, d’expériences et de codes pensés pour tous, faut-il continuer à faire le distinguo entre Olympique et Paralympique ? Paris 2024, dans la lignée de Londres 2012, sera-t-il moins ouvertement segmentant ?

3. Jouer de sa richesse pour ne jamais ennuyer : avant tout -et très pragmatiquement- un logo ne peut pas et ne doit pas tout dire : il ne contient jamais à lui seul toute la personnalité d’une marque. C’est là qu’entrent en complémentarité les riches méandres visuels d’un territoire graphique qui idéalement se réinvente à l’infini, ainsi que les expériences vécues au contact des marques. L’objectif pour l’identité Paris 2024 sera de développer des expressions qui permettront d’imprégner les lieux de sa présence sans pour autant les saturer, et de vivre en homogénéité avec tous les autres signes qu’accueillera l’évènement.

4. Se penser pour et par le prisme du digital : le digital a eu un impact considérable non seulement sur la construction des marques mais également sur leurs expressions. Désormais dans une relation conversationnelle, celles-ci ont dû revoir leur rapport au design. L’usage du digital n’allant qu’en s’intensifiant, il semble primordial de penser l’identité des Jeux de Paris 2024 en partant de ses usages et vocations online, avant de développer ses applications offline (et non pas l’inverse, comme c’est encore trop souvent le cas). Outre cela, partir du digital c’est d’abord penser la marque dans sa viralité, dans sa capacité à se propager, mais surtout à se partager -ce qui sera l’essence même de ces Jeux.

5. Être le reflet du design français : si le dynamisme de l’esprit français donnera spontanément une tonalité particulière aux Jeux, il sera intéressant de retrouver cette French Touch dans les identités visuelles des Jeux Olympiques et Paralympiques. Le design français se distingue par son histoire : plusieurs siècles de création artistique, technique, qui confèrent une capacité créatrice inégalée et une aptitude à mixer des styles et des influences qui sont reconnus comme uniques. En résulte un design made in France qui fait souvent preuve d’audace sans jamais tomber dans l’ostentation. C’est cette approche de la création -sensible, intelligente, simple et esthétique- que l’on peut s’attendre à retrouver dans la future identité de Paris 2024.

Au-delà d’encoder le sens, provoquer l’émotion

L’identité visuelle de Paris 2024 portera dans son sens et dans ses signes l’ambition immodérée de ces Jeux Puissance France. Mais au-delà de tout ce qui pourra être minutieusement encodé (les références, les symboles, les styles, les clins d’œil), cette expression visuelle unique devra avant tout être ressentie. Vécue. Expérimentée. Car il faudra toucher. Séduire. Emouvoir.

En clair, gagner l’affect quand tout le monde voudra y mettre de l’intellect.

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