18 janvier 2022

Temps de lecture : 7 min

Où se cache la data utile ? Seb, Fnac Darty, Flying Blue, La Redoute, Yves Rocher racontent…

INfluencia a rencontré cinq groupes dont la data utile est au coeur des enjeux marketing et business. Un sujet tentaculaire, complexe et mouvant. SEB, fabricant de biens d’équipement, un secteur longtemps dépourvu de relation directe avec ses clients et prospects ; La Redoute, pionnier de la vente à distance devenue marketplace ; Fnac Darty, retailer « historique » français ; Yves Rocher, botaniste et producteur de cosmétiques issu de la vente par correspondance ; et Flying Blue, le programme de fidélité d’Air France-KLM ont la parole ! Pour vous abonner à la revue INfluencia, La Data, nouvelle identité, c’est ici.

Depuis au moins une quinzaine d’années, les marques et les agences expérimentent au quotidien la course quasi frénétique aux technologies innovantes et aux infrastructures pour servir leurs stratégies de marketing et communication. Suivant le courant d’un métier qui ne cesse de se réinventer, leurs ressources humaines se forment en permanence à des compétences nouvelles. Au cœur de ces changements : le digital, et avec lui la data.

 

Pour beaucoup de (grandes) marques, il est devenu impératif de maîtriser en direct la collecte, le traitement et l’utilisation de la data à des fins diverses – connaissance et relation client, analyse d’audiences, positionnement, achat média, mesure des performances… « C’est aussi un enjeu d’indépendance vis-à-vis des plateformes », déclare Anne-Sophie Cruque, directrice générale de Publicis Media, en faisant référence à la montée en puissance des Gafam. Les finalités du recours aux données étant très nombreuses et les volumes disponibles de ces dernières croissant à un rythme exponentiel, comment, en fin de compte, cerner et maîtriser la data véritablement utile ?

 

Pour répondre à cette question, INfluencia a rencontré cinq marques : le groupe SEB, fabricant de biens d’équipement, un secteur longtemps dépourvu de relation directe avec ses clients et prospects ; La Redoute, pionnier de la vente à distance devenue marketplace ; Fnac Darty, retailer « historique » français ; Yves Rocher, botaniste et producteur de cosmétiques issu de la vente par correspondance ; et Flying Blue, le programme de fidélité d’Air France-KLM. Nous en ressortons convaincus : la data utile est au cœur de leurs enjeux marketing et business, et c’est un sujet tentaculaire, complexe et mouvant.

La data à votre service

« La data utile est celle qui nous permet de mieux comprendre les comportements des consommateurs et d’identifier des opportunités d’interaction avec eux : c’est un starter de discussion très stimulant, qui s’inscrit dans une réalité d’usage », résume Benoît Bertrand, DGA et directeur de la stratégie chez Isobar France, agence qui accompagne Flying Blue. Il y a en effet la data qui permet de séduire et de créer du lien. Il y a la data qui transforme et qui vend, celle qui mesure et qui corrige et sans laquelle on ne peut tenir sa promesse. Il y a également la data qui dérange et dont il faut expliquer l’utilité. Parfois il n’y a pas de data du tout et il faut la créer… Bref, derrière le nouveau paradigme du data marketing, on retrouve autant d’enjeux que de stratégies, autant d’usages et utilités que d’objectifs, des opportunités mais également des risques qu’il faut savoir maîtriser.

 

« La data doit se mettre au service de la stratégie », rappelle Magali Mayanda, directrice marketing de Flying Blue. Cela suppose de se poser les bonnes questions en amont, en cohérence avec ses objectifs et sa stratégie, et de disposer des bonnes ressources humaines et technologiques pour la collecter et l’exploiter. « Il faut aborder le sujet avec humilité et pragmatisme et se mettre à l’affût de toute information pertinente, dans une logique de test and learn permanente », conseille Guillaume Planet, vice-président marketing et communications du groupe SEB.

La data pour exister

« Les marques ont toujours eu besoin de données, ce n’est pas nouveau dans le marketing et le business, pensez aux études de marché et aux panels de vente », rappelle Guillaume Planet. Preuve du rôle stratégique des données, le groupe SEB a dû se transformer en profondeur pour corriger le fait qu’il n’en n’avait pas ! « Pour des acteurs comme nous, historiquement représentés par les retailers, c’était un énorme enjeu d’être dépourvus de data », déclare-t-il, en se souvenant de son arrivée dans le groupe, il y a sept ans.

 

Pour établir un lien direct avec ses consommateurs, la marque alimente en permanence ses propriétés digitales (site, application, pages sociales) avec du contenu engageant. « Ce virage vers le numérique a représenté une fantastique opportunité pour nous de mieux faire notre travail en accédant à une information nouvelle, variée et changeant à une vitesse exponentielle, c’est pourquoi nous avons fait de la data propriétaire notre grande priorité », raconte-t-il. Être là où les consommateurs se trouvent, là où ils lisent, écoutent, se renseignent, achètent, c’est accéder à des informations et des opportunités en or pour rentrer en contact avec eux, les attirer et mesurer la performance de ses initiatives.

 

Pour opérer cette transformation, SEB a dû investir lourd en technologie et infrastructures, et accompagner le changement des compétences de ses ressources humaines en s’appuyant sur une réallocation sévère de ses budgets marketing. Les investissements sur les canaux offline ne pèsent plus que 50% aujourd’hui, contre 90% en 2014.

La data pour tenir sa promesse

Samir Amellal, directeur data de La Redoute France et International, sait de quoi on parle quand il s’agit de planifier des investissements ou d’évaluer les nouvelles technologies lui permettant d’accéder à une data utile. Avec 600 fournisseurs dans sa marketplace, en plus de ses propres marques et d’un stock porté, faisant 2,3 millions de références au total, la data est un enjeu prioritaire pour l’e-commerçant. C’est ce qui lui permet de répondre aux attentes de ses clients dans un contexte concurrentiel devenu encore plus rude depuis la pandémie. « Je ne peux laisser échapper une intention d’achat dans notre environnement hyper concurrentiel, et la data est déterminante pour cela », explique celui qui copilote également pour le gouvernement une mission sur l’IA dans les grandes entreprises. Étant capable de détecter un comportement ou une intention d’achat – par exemple, une requête sur un moteur de recherche ou la lecture d’un article sur un produit – la marque peut choisir de payer le prix fort pour tenter de gagner l’enchère et le droit d’adresser son message aux consommateurs au bon moment.

Il ne suffit cependant pas de vaincre la bataille de l’attention : la data doit permettre à la place de marché de tenir sa promesse, et ce à plusieurs niveaux. D’abord en anticipant les risques de rupture, d’autant que La Redoute ne stocke pas les produits de ses 600 vendeurs. « Nous avons développé un outil de tracking et des algorithmes qui nous permettent de prédire les risques de retard et de rupture de nos vendeurs, et ce pour aider ces derniers à bien choisir les offres qu’ils diffusent sur notre site. » Même chose pour les prix : grâce à la data et aux algorithmes, La Redoute détecte et corrige des erreurs de prix avant que le message n’arrive au consommateur. Et quand il n’est pas possible d’anticiper, les données permettent de modifier la publicité en temps réel, en fonction des stocks disponibles, et ce même dans le cas d’e-mails déjà diffusés.

Poussant plus loin ses ambitions, La Redoute mise sur la data pour dans un avenir proche détecter des risques élevés de problèmes de livraison afin d’avertir ses clients avant même que cela ne se produise. Si la marque réussit son pari, elle fera sans doute plus que tenir sa promesse : elle enchantera sa clientèle.

La data de la relation client : moins et mieux

La perception que les consommateurs ont de l’utilité de la data est au cœur des réflexions de Karine Chouchou, directrice cycle de vie data clients et fidélité du groupe Fnac-Darty. Ce dernier comptabilise 10 millions d’adhérents en France et dans le monde, et 44 millions de visiteurs uniques par mois de ses sites fnac.com et darty.com. Cette experte est convaincue qu’une partie encore considérable de la population française refuse de partager ses données pour se protéger, par manque d’information. « La data peut avoir plusieurs utilités, mais pour cela il faut que nous et les consommateurs puissions savoir à chaque fois pourquoi nous la récupérons et la conservons », déclare-t-elle. C’est pourquoi elle entend renforcer les initiatives d’information et de communication sur ce sujet dès 2022. « On doit tendre vers une situation où le client est systématiquement informé de la raison pour laquelle on lui demande ses données, que l’on n’utilisera qu’avec son accord et à bon escient. »

Si cette priorité donnée à l’information sur l’utilité de la data relève d’une volonté affichée par le groupe de renforcer la transparence et la confiance dans la marque, elle n’en est pas moins une tactique trouvée pour s’assurer d’une plus grande qualité de la donnée récupérée : « Une data utile doit rester fraîche, et pour y accéder il nous faut pouvoir échanger davantage avec nos clients », ajoute-t-elle. Une date de naissance ou un centre d’intérêt peuvent, par exemple, servir à sécuriser la relation commerciale, à enrichir la connaissance client et à adapter des promotions. « Mon client ne souhaitera me fournir ces informations que s’il comprend qu’il a un intérêt à le faire : il sera avantagé avec du conseil, une expérience personnalisée et des informations pertinentes, c’est un échange win-win », confirme-t-elle.

En se concentrant sur une data plus qualitative et sans doute moins volumineuse, Fnac-Darty cherche à relever un autre défi : celui de simplifier la tâche de faire le lien entre les différents points de contact avec chaque client et prospect. Issues de canaux et formats divers – mobile, site, application, magasin physique, réseaux sociaux… – ces données sont encore traitées en silos par l’enseigne. Le but à terme est de cerner en temps réel les dynamiques d’un comportement omnicanal afin de mieux interagir avec chaque consommateur. Mais est-ce vraiment possible ?

La data propriétaire : planche de salut ?

La promesse de l’omnicanalité est depuis longtemps mise en avant par l’industrie des technologies marketing et publicitaires. La réalité semble cependant plus nuancée. Cette promesse se base en grande partie sur la « data propriétaire », soit les données que les marques et éditeurs disposent en direct de leurs clients et lecteurs repérables grâce à leur identifiant (ID). Mais pour que le principe d’un ID repérable quel que soit le point de contact soit opérationnel, les marques doivent traiter et consolider une donnée volumineuse et mouvante, dont la gouvernance est complexe. « Pour que la data soit utile, il faut qu’elle soit accessible et facilement actionnable, et la multiplication de points de contact et donc de données disponibles complexifie la tâche », explique Louise Elineau-Bleu, directrice e-commerce, communication et transformation digitale d’Yves Rocher.

 

Acteur historique de la vente par correspondance, Yves Rocher place les données CRM au cœur de son modèle depuis sa création, il y a soixante ans. Aujourd’hui, avec sa plateforme e-commerce, ses 3 100 boutiques en France et dans le monde et ses 30 millions de clients, dont 8 millions d’encartés en France, Yves Rocher dispose d’une data précieuse, qui lui sert à plusieurs titres. D’abord, à la personnalisation et à la mesure de la relation client. Ensuite, à l’acquisition de leads, la donnée CRM fonctionnant comme boussole et modèle pour lui permettre d’adresser le bon message aux bonnes cibles sur le Web et les réseaux sociaux.

Surtout, cette data propriétaire permettra à la marque de traverser dans de meilleures conditions les vents et marées d’un écosystème digital qui impose des restrictions grandissantes au ciblage et à la mesure des campagnes publicitaires. Louise Elineau-Bleu reconnaît que les marques disposant d’une relation directe avec leurs consommateurs seront moins impactées par les changements en cours et à venir, mais avec une précision : « Cette “data propriétaire” n’appartient pas aux marques en réalité, mais aux consommateurs, et nous devons toujours leur offrir un maximum de transparence sur l’usage que nous en faisons. » De fait, entre les enjeux du business et de transparence envers les consommateurs, la data est au cœur de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) et l’industrie de la publicité multiplie les initiatives pour s’emparer du sujet.

 

 

 

 

 

 

En résumé

Plus de créativité vers la résilience

Sorties de la crise sanitaire mondiale, les compagnies aériennes sont bien placées pour parler de résilience. C’est en observant les données de ses 16 millions de membres que le programme de fidélité d’Air France-KLM, Flying Blue, a trouvé l’inspiration pour créer ses dernières campagnes et choisir le bon moment pour les diffuser. Deux d’entre elles ont été conçues pour maintenir le lien à un moment où voyager était quasiment impossible. « My 2020 Travel Project » faisait vivre le rêve de partir au Japon d’un des membres du programme, alors que l’état d’urgence sanitaire avait cloué les avions au sol. Le film « What Moves You » a cherché à transformer la frustration du non-départ en autant d’opportunités de voyages, même en bas de chez soi.

 

« Le plus important, c’était de rester très vigilant sur le ressenti et sur ce que nos membres vivaient au quotidien, ce qui était possible grâce à la data qui est inscrite au cœur même de l’expérience du programme », relate Magali Mayanda, directrice marketing de Flying Blue. « À partir de l’été, cette même data était là pour nous permettre de suivre les tous premiers signes de la reprise d’activité, différents dans chaque région du monde, et de comprendre les nouvelles motivations et comportements de redémarrage des membres afin de continuer de piloter notre conversation avec eux », conclut Benoît Bertrand, DGA et directeur de la stratégie chez Isobar France.

 

L’éthique, clé de la responsabilité

L’utilité de la data est au cœur des échanges de la deuxième session du Positive Media Project du groupe Publicis. C’est même l’intitulé d’un des quatre ateliers qui rassemblent depuis l’automne des représentants de grandes marques annonceurs et médias et d’agences du groupe. Ses cofondateurs partent du constat que les consommateurs nourrissent une défiance grandissante à l’égard de la publicité et qu’ils sont las de la surexposition publicitaire. « Nous pouvons les aider à mieux décoder les données pour comprendre les engagements des marques en matière de transition écologique », déclare Adélaïde Chassort, DGA chez Zenith (Publicis Media). « En parallèle, nous devons nous interroger sur un ciblage et une sollicitation jugés excessifs. » Les participants de l’atelier réfléchissent déjà à un nouveau contrat de transparence et d’éthique autour de la data entre marques et médias. « En choisissant de collecter la data utile de manière encore plus optimale, on en collectera moins », ajoute Nicolas Vogtenberger, conseiller auprès du président de Publicis Media.

 

Lancé en 2020, le Positive Media Project fait partie de « No Impact for Big Impact », l’initiative que le groupe a adoptée pour participer à la transition écologique et sociale de la communication. « Le but est de minimiser l’impact environnemental de la publicité tout en augmentant son utilité sociétale dans ce contexte de transition », conclut Marie-Laure Monnet, la directrice du planning stratégique de Zenith et cofondatrice du projet.

 

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