6 janvier 2022

Temps de lecture : 5 min

Olivier Goulet (Iligo) : « faire des sondages qualitatifs est pour ainsi dire un acte politique »

Iligo, l’agence d’études dédiée à la compréhension des comportements de consommation et à la mesure des leviers Marketing créée en 2010 et multi-primée aux Trophées Études et Innovations, lance « Drive to Responsibility », une analyse de la communication RSE avec une suite de protocoles.

Rencontre avec le CEO et fondateur d’Iligo, Olivier Goulet.

IN : comment se porte Iligo depuis cette période de crise sanitaire ?

Olivier Goulet : le cœur de l’année 2020 a été compliqué d’un point de vue business mais nous sommes repartis sur une croissance très forte, et l’activité 2021 dépassera nettement celle de 2019. Nous avons deux grands piliers : l’un qui est une mesure d’efficacité des actions de communication très liée à nos contrats annonceurs, c’est un secteur qui souffre un peu. Le deuxième volet shopper concerne des enquêtes-consommateurs autour des produits et des innovations. Il est en plein boom. Les marques sont revenues dans le jeu, elles sentent que le marché reprend donc elles sont pleines de projets. La partie marketing marche donc mieux que la partie communication même si on arrive à trouver des ponts entre les deux.

IN : pourquoi Drive to Responsibility ?

O. G. : même si le secteur de la RSE se développe énormément, il manque un peu de rationnel. Parfois, la communication est mise en premier avant même de faire des choses concrètes. Nous avons essayé de remettre l’église au milieu du village en bâtissant un protocole qui va de la réflexion sur les valeurs de la marque, de l’entreprise, de l’institution, aux points de contact à investir, en passant par les messages à adresser et jusqu’à la mesure ensuite des effets des actions.

On a vu qu’on était dans un marché d’opportunité pour ne pas dire parfois d’opportunisme et nous avons essayé de le structurer. Quand on veut communiquer sur plein de sujets sociaux, sociétaux ou environnementaux, cela ne marche pas, plus rien n’émerge. Donc on a décidé de rationaliser cela.

IN : pouvez-vous nous présenter Drive to Responsibility ?

O.G. : Drive to Responsibility est un set de 4 mesures qui peut s’acheter par tiroirs ou au global, selon vos besoins. Cette offre a été constituée de choses que nous avions déjà et enrichie de choses que nous n’avions pas.

Tout d’abord, les valeurs. Nous avons des sets de mesures basées sur les valeurs de Schwartz, un universitaire américain qui a développé ce modèle il y a une trentaine d’année. Il s’agit de 20 valeurs sur lesquelles on peut mesurer à la fois quelles sont les valeurs des consommateurs, quelles sont les valeurs des marques et quelles sont les valeurs des entreprises. Dans les 20 Valeurs, il y en a 3 ou 4 qui sont liées à la RSE mais le fond d’une marque aujourd’hui n’est pas de faire de la RSE. C’est bien de le rappeler.

Il y a deux volets : les valeurs de la marque dans l’esprit des consommateurs et les valeurs des consommateurs eux-mêmes.

La deuxième mesure consiste à définir quels points de contact sont légitimes pour exprimer toutes ces valeurs liées à la RSE. On note par exemple que l’émotionnel fonctionne bien sur l’audiovisuel mais qu’il a besoin d’une vraie rationalisation : on ne fait passer qu’un message par ce canal. Ensuite, il faut apporter du rationnel avec des supports print ou digitaux.

Le troisième point concerne les messages eux-mêmes. On utilise à la fois de l’eye-tracking et des tests de contribution d’éléments créatifs. Nous avons des modèles de contribution qui permettent automatiquement de noter une communication sur un certain nombre de critères et de voir en quoi ces critères sont contributifs de l’appréciation de la création. Cela permet d’éviter des erreurs, de ne pas aller trop loin.

Cela nous a amené en 2021, poussé par des clients, à imaginer la création d’un panel qu’on a appelé « d’experts », pour juger des créations. Ces « experts » sont des gens très impliqués dans le domaine, qui écrivent et échangent sur le sujet par exemple… L’ambition est de pouvoir pré-tester des annonces en faisant le crash-test auprès des gens qui sont les plus durs, les plus exigeants. Ils vont chercher le petit détail. C’est intéressant car ça ne veut pas dire que vous ne pourrez pas lancer votre campagne en l’état, mais vous serez préparé aux points de friction potentiels sur lesquels on peut vous attaquer et cela vous permet d’anticiper la réponse.

Enfin, la dernière mesure développée en 2020 est le drive to purpose. Il s’agit de mesurer, après une action de communication, l’évolution des critères définis en amont comme la raison d’être de l’entreprise ou de la marque.

IN : comment vous êtes-vous appliquée cette responsabilité à vous-même ? Est-ce que dans le fonctionnement de votre métier il y a des choses qui ont changé ?

O.G. : nous avons mis en place début 2020 une charte RSE dans l’agence, ce qui est assez atypique à notre niveau, étant donné notre taille d’entreprise. Nous avons un responsable RSE qui vise à s’assurer que nous sommes cohérents par rapport à ces bonnes pratiques dans notre univers. Nous sommes peu polluants de par notre activité. Mais nous appliquons aussi des mesures de respect strict de la privacy. C’est très important à l’heure où les individus et les consommateurs doutent sur cette notion. Et même si cette notion d’espace privé est en train d’évoluer assez rapidement chez les jeunes générations qui acceptent facilement de partager avec nous des photos, des vidéos, du contenu sur leur quotidien.

IN: à quelques mois des élections présidentielles, Iligo ne fera jamais de sondage ?

O. G.: non. Nous faisons des sondages qui peuvent être explicatifs par exemple de comment évolue la classe moyenne, comment évoluent les attitudes et opinions par rapport à certains thèmes de société qui sont de fait politiques, mais nous ne ferons pas de baromètre sur les cotes de popularité des présidentiables !

Une petite remarque à ce sujet : faire des sondages quantitatifs c’est bien et très utile, mais aller rencontrer les gens en vrai en parallèle, c’est encore mieux. Ça rentre dans la logique du good, du respect des individus, de leurs réalités complexes. C’est presque politique. On vient à leur contact.

IN: sur les attentes clients (annonceurs, marques), comment voyez-vous le marché aujourd’hui ?

O.G : pour moi, le Good est un mouvement de fond. Demain les entreprises devront avoir cette obsession de suivre leur impact social, sociétal, environnemental… La difficulté aujourd’hui, c’est une forme de « cornerisation » de la RSE au sein des entreprises. C’est un peu comme le digital…  c’était bien au début qu’il soit à part dans les entreprises pour apprendre et aller vite, mais plus ensuite car il était tellement séparé qu’il n’infusait pas suffisamment. La RSE c’est un peu pareil, elle devra instiller partout. Sur l’image corporate, mais également sur les produits.

Il y a des secteurs sur lesquels les produits expriment facilement cette dimension comme la voiture électrique. Pour beaucoup d’autres produits ou services, c’est plus complexe, voire cela remet en cause le produit lui-même. On peut penser par exemple à l’eau en bouteille.

Ce qui va être très compliqué pour les marques, c’est de faire des choix. Dès lors que vous revendiquez des valeurs, forcément il y a des gens que vous allez potentiellement vous mettre à dos. Il faut l’accepter. En cela la marque peut devenir plus « politique ». On le voit déjà pour certaines grandes marques aux Etats Unis.

Les valeurs RSE sont aussi pour les marques l’occasion de retrouver du temps un peu plus long. On ne construit pas un positionnement de ce type en quelques semaines, ni quelques mois. Il faut de la persévérance, et prendre le temps de mesurer intelligemment les évolutions. C’est notre ambition.

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