Olivier Goulet (Iligo) : « design fiction, quali, quanti… j’imagine que c’est le côté atypique et hybride de notre étude qui a séduit le jury »
Iligo vient de remporter le grand prix Etudes de Syntec Conseil 2025. Olivier Goulet son fondateur et Céline Pasquier, Chief Operating Officer de l'agence, nous dévoilent les coulisses de cette étude qui détonne sur le marché.
Céline Pasquier COO de Iligo et Olivier Goulet, CEO et fondateur de l'agence.
IN : Bonjour Olivier, Céline, bravo pour ce grand prix ! Quelle est votre première réaction ?
Olivier Goulet : On est ravis déjà ! Et un peu surpris. J’imagine que c’est le côté atypique et hybride de cette étude qui a séduit le jury. On mélange en effet de l’analyse quanti, quali, des data, du design fiction…
Cette étude conforte en tout cas notre positionnement depuis 15 ans : créer une « agence d’études » et pas simplement un institut d’études. La dimension conseil et accompagnement est importante pour nous, on n’est pas là juste pour fournir des chiffres.
IN : Vous avez proposé un dispositif hybride assez atypique dites-vous. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Céline Pasquier: Notre étude comportait plusieurs volets successifs en effet.
D’abord une phase d’écoute durant une heure, une heure trente (enquête qualitative) auprès de neuf journalistes et trois scientifiques.
On leur a demandé leur perception du traitement de la biodiversité : comment s’organise le traitement des sujets biodiversité dans leur rédaction, comment ils sont réalisés, y a t-il des freins divers et comment on pourrait faire mieux. Cela a donné lieu à des recommandations précises.
La deuxième phase consistait en une étude quantitative« data ». Il s’agissait de voir comment et à quelle fréquence les médias traitent de la biodiversité. On a analysé le traitement du thème de la biodiversité dans les médias audiovisuels de 8h à 23h sur un an.
Le panel était assez large (télé, radio et tous ceux qui ont des sessions d’info). L’idée est de proposer un suivi dans le temps de cette étude, pour créer un baromètre régulier (tous les semestres ou trimestres). Et de travailler sur les moyens d’aller plus loin dans le traitement des sujets biodiversité.
Le 3e volet de notre dispositif consistait en cinq ateliers de design fiction.
Durant ces ateliers de deux heures, on a confronté les journalistes (40 journalistes de 18 rédactions) à des scénarios dystopiques, via des vidéos un peu « choquantes »*.
[*NDLR : Comme cette vision ultra-robotisée et utopique de l’agriculture au sein des villes].
Céline Pasquier : « Il s’agissait de créer une réaction émotionnelle pour emmener les journalistes sur le terrain de l’action constructive.
Les journalistes invités étaient économiques et politiques, les deux catégories les moins sensibles et expertes sur les questions environnementales. On a tenu aussi à mixer les profils sur les tables pour susciter le débat : le journaliste du Canard enchaîné et des Echos, le jeune journaliste et l’ancien…
Et puis on leur a demandé à la fois les conséquences des scénarios présentés, mais surtout les solutions pour prévenir ces futurs « non-désirables ».
IN : Et le résultat ? Les réactions des journalistes ?
OG : Ils ont été surpris positivement par l’exercice. Ils n’ont pas l’habitude de faire de la projection, ils traitent de faits. Et puis, ils sont de manière culturelle plutôt orientés « problèmes » que « solutions ».
CP : Par ailleurs, la restitution des pistes d’amélioration les a un peu étonné aussi. Ils n’avaient pas conscience lors des débats, parfois animés, que des idées concrètes émergeaient.
NDLR :Exemples d’idées proposées par les journalistes pour favoriser la prise de conscience des sujets de biodiversité dans l’espace public :
Lancer une IA citoyenne de suivi en temps réel des politiques biodiversité – > Créer un outil libre et transparent, alimenté par des bases de données ouvertes (budgets, lois, impact environnemental), susceptible de calculer en temps réel un “score biodiversité” des politiques publiques.
IN : Et la dernière étape du dispositif, la diffusion ?
CP : Oui, on a réalisé les trois premières phases d’un projet qui va durer trois ans. On va ancrer l’étude dans la durée avec la publication d’infographies auprès des journalistes.
Puis suivront une formation biodiversité dans 15 rédactions à travers la France réunissant un journaliste et un scientifique, un Mooc à destination des journalistes est en construction, un prix annuel Reporters d’Espoirs sur la biodiversité est prévu dès 2026…
IN : Cette étude va servir de vitrine pour d’autres clients ?
OG: On l’espère. La méthodologie peut être utilisée pour n’importe quelle marque. Même si les clients ont du mal à se projeter dans leur problématique spécifique.
En tout cas, notre but est d’aller au-delà du constat et d’apporter des idées de solutions, sous différents angles; Il n’y a pas qu’une seule réponse bien sûr, et nous avons un devoir d’impartialité.
Les médias nationaux devraient s’en inspirer d’ailleurs, pour se rapprocher de leurs publics; ce que font davantage les médias locaux, confrontés à la dégradation « tangible » de leur habitat.