INfluencia : Même s’il y a eu T18 en juin dernier, le lancement d’une nouvelle chaîne de télévision est un événement rare, d’autant plus ces dernières années dans un environnement audiovisuel en pleine mutation. Un défi pour Ouest-France ?
Guénaëlle Troly : C’est un lancement important dans le groupe et le paysage audiovisuel. Car, en effet, créer un nouveau média et à fortiori une chaîne de télévision nationale généraliste est en soi un événement rare. Mais un événement intense et enthousiasmant car NOVO19 portera des valeurs fortes : accessibilité, proximité, ancrage dans les territoires. C’est ce qui la rend différenciante dans le paysage audiovisuel actuel.
Nous devons devenir un acteur majeur dans ce monde des contenus diffusés sur les grandes plateformes de streaming.
François-Xavier Lefranc : Je n’emploierais pas le mot « défi ». Certes, c’est un beau défi mais c’est surtout un acte d’entrepreneur nécessaire, une étape nouvelle et logique dans l’évolution de notre groupe. Nous sommes passés du journal régional à une plateforme digitale puissante. La plateforme Ouest-France est aujourd’hui sur le podium des plateformes françaises d’information avec une audience à 60% qui se fait en dehors de notre zone historique. Aujourd’hui, le monde évolue à une vitesse vertigineuse le glissement du texte vers l’audio et la vidéo est en pleine accélération. La vidéo est devenue un langage incontournable, notamment pour les jeunes générations. Il était naturel de franchir cette étape. Nous devons devenir un acteur majeur dans ce monde des contenus diffusés sur les grandes plateformes de streaming. C’est important pour notre mission.
Dans un monde où le streaming et la publicité vidéo restent porteurs, il était indispensable d’accéder à ce marché pour diversifier les revenus et devenir une référence.
IN. : Il y a eu un précédent de chaîne locale chez Ouest-France mais ce projet de chaîne nationale était-il dans les cartons depuis longtemps ? Pouvez-vous revenir sur la genèse de ce projet ?
F-X. L : En effet, il y a quelques années Ouest-France avait expérimenté les télévisions locales, mais leur modèle économique fragile avait conduit à un retrait progressif. Aujourd’hui, Aujourd’hui, le groupe reste toutefois actionnaire de TVR Rennes (35 %) et de Télénantes (15 %). Avec le nouveau directoire installé depuis juin 2023 (dont François-Xavier Lefranc assure la présidence), la conviction s’est imposée : le développement passe par l’image et le son. Le constat était que même si notre plateforme numérique était puissante, la vidéo y était encore trop peu développée. L’appel à candidatures de l’Arcom pour la TNT, début 2024, a alors été une opportunité décisive. Le groupe s’est lancé dans une préparation intense, du dépôt du dossier à la convention signée en décembre 2024. Depuis, une équipe dédiée a été constituée, alliant expertise éditoriale, technique, juridique et publicitaire. Notre objectif est de bâtir une offre télévisuelle ambitieuse, capable de séduire annonceurs et publics. Car dans un monde où le streaming et la publicité vidéo restent porteurs, il était indispensable d’accéder à ce marché pour diversifier les revenus et devenir une référence. Parallèlement, nous travaillons sur d’autres projets autour de la vidéo.
Notre mission, c’est de donner la parole à ceux qu’on entend peu.
IN. : Vous décrivez une chaîne positive, vivante et connectée à la réalité. En quoi NOVO19 est-elle différente des autres ?
G.T : Une étude Ipsos a révélé que 83 % des Français ne se sentent pas bien représentés ou même représentés dans les médias. L’information est souvent perçue comme parisienne, déconnectée de la réalité des territoires que ce soit en métropole ou en outre-mer. Notre ambition est d’apporter cette proximité, une accessibilité, ce lien direct. C’est le sens de notre JT en direct « On a de l’info », tous les jours à 18h10 : montrer comment l’actualité, nationale ou internationale, résonne concrètement dans les territoires.
F-X. L : Notre mission, c’est de donner la parole à ceux qu’on entend peu. Valoriser la diversité des territoires, y compris ultramarins, urbains, périurbains ou ruraux. La France est un pays trop centralisé. Nous voulons mettre en lumière cette richesse et ces énergies locales, souvent ignorées. Nous avons quelque chose de singulier à apporter. La mission que nous menons se déclinera désormais à travers ce nouvel outil : une chaîne pensée pour être utile à tous. Nous voulons une télévision populaire, au plus beau sens du terme, apaisée et ouverte. Un lieu où l’on puisse faire vivre de vrais débats, contradictoires et intelligents et constructifs, mais aussi valoriser ce qui se crée et se construit dans notre société. Car lorsqu’on regarde autour de nous, on se rend compte que le monde n’est pas aussi sombre qu’il y paraît : il existe une multitude d’initiatives et de talents à mettre en lumière. NOVO19 veut être cet acteur positif de la démocratie.
Notre engagement est d’abord démocratique : un média existe pour servir la démocratie.
IN. : Une chaîne engagée…
F-X. L : Oui, NOVO19 est une chaîne engagée, car nous sommes un média engagé. Notre engagement est d’abord démocratique : un média existe pour servir la démocratie. Cela suppose de préserver la diversité des voix et des territoires, aujourd’hui menacée. Aux États-Unis, la disparition progressive des médias locaux entraîne celle de la démocratie elle-même — une alerte que nous prenons au sérieux. Mais, nous ne sommes pas seuls dans ce combat, mais nous voulons apporter notre contribution avec NOVO19.
IN. : Concrètement, comment travaillez-vous avec les territoires ?
G.T : La rédaction est basée à Rennes. Nous avons constitué un réseau constitué de nos collègues issus de la presse quotidienne régionale et correspondants indépendants. Nous produirons au quotidien un JT tout en images, en synergie avec Ouest-France, sans confusion des rédactions. Les journalistes d’Ouest-France pourront être invités pour apporter leur expertise sur des sujets politiques, économiques, de la vie courante… sur le JT comme sur le talk-show. Mais nous sommes vraiment au démarrage de cette organisation.
Partager des expériences, des initiatives concrètes, donner de la visibilité à ceux qui agissent.
IN. : Quelle est la ligne éditoriale de la chaîne ?
G.T : Donner la parole à ceux qu’on entend moins ou peu comme nous le disions précédemment, créer du lien et favoriser la discussion et la synergie. Si nous arrivons à créer cet échange, cela sera un grand pas. Mais c’est aussi proposer un média de solutions. Partager des expériences, des initiatives concrètes, donner de la visibilité à ceux qui agissent, ceux qui ont fait un premier pas, puis un deuxième… Notre promesse, c’est une information utile, qui inspire et qui rassemble.
Brut (digital) pour avoir une résonance sur les réseaux sociaux et sur les territoires. 80% de leurs contenus sont aujourd’hui massivement consommés hors des grosses agglomérations et dans les Outre-mer.
IN. : Vous misez sur deux rendez-vous clés, un JT quotidien d’actualité « On a de l’info » et un talk-show quotidien « On a du nouveau » à des carrefours très concurrentiels. N’est-ce pas un pari risqué ?
G.T : C’est un carrefour concurrentiel mais stratégique en nombre de téléspectateurs. Le JT à 18h10 et le talk-show en soirée sont deux rendez-vous majeurs, ces tranches horaires sont celles où l’audience est la plus forte. C’est donc primordial d’être présent à l’antenne à ces horaires. Le JT se fait à Rennes, dans notre nouveau plateau. Le talk, plus simple à produire depuis Paris, est confié à Together Media (production), Francetv Studio (opérationnel et technique) et Brut (digital) pour avoir une résonance sur les réseaux sociaux et sur les territoires. 80% de leurs contenus sont aujourd’hui massivement consommés hors des grosses agglomérations et dans les Outre-mer.
IN. : Vous indiquez avoir pour cible prioritaire, les 25-49 ans. Quels leviers allez-vous activer pour les séduire ?
G.T : Le rythme, les formats, la manière de parler, et surtout le prolongement sur les plateformes et les réseaux sociaux. Nous voulons que l’expérience se poursuive avant, pendant et après l’antenne. Notre feuille de route publicitaire est d’atteindre 2 % d’audience sur cette cible d’ici 2028.
Nous sommes en ligne avec notre plan d’affaires que nous nous sommes fixés avec notre régie TF1 Pub.
IN. : Les annonceurs sont-ils au rendez-vous ?
G.T : Oui. Ils sont attentifs et ont répondu présents dès le démarrage. Nous travaillons avec des annonceurs très diversifiés : grande distribution, alimentaire, automobile… Nous sommes en ligne avec notre plan d’affaires que nous nous sommes fixés avec notre régie TF1 Pub.
L’ensemble du projet représente entre 50 et 60 millions d’euros par an.
IN. : Quel est le budget de la chaîne ?
G.T: 30 millions d’euros par an pour l’achat de contenus, avec un équilibre prévu fin 2028. Nous avons déjà investi dans une cinquantaine d’heures de productions inédites : documentaires, magazines… Nous souhaitons aller à la rencontre des Français à travers une immersion dans les grands événements populaires comme les festivals de musique, la Braderie de Lille ou les fêtes de Bayonne. Nous produisons aussi des sujets sur le patrimoine et l’histoire, comme un programme sur la reconstruction de « La Mora », le Drakkar de Guillaume le Conquérant avec une équipe de scientifiques et d’historiens en Normandie. Notre objectif est clair : créer des rendez-vous de qualité, pérennes, ancrés dans la vie des Français.
F-X. L : L’ensemble du projet représente entre 50 et 60 millions d’euros par an. Ouest-France porte financièrement la chaîne (via la société Ouest-France TV), mais nous avons ouvert le capital à des investisseurs privés. L’entrepreneur Richard Mille (marque d’horlogerie) a été le premier à s’engager, séduit par l’ambition de valoriser les territoires. D’autres investisseurs devraient rejoindre l’aventure, nous communiquerons en fin d’année ou début 2026. Nous conserverons la majorité au sein de Ouest-France TV. Les banques nous ont accordé une confiance totale et immédiate, convaincues par la dimension territoriale du projet.
IN. : Un lancement de chaîne dans un contexte où le groupe a enregistré un résultat net déficitaire en 2024…
F-X. L : L’exercice 2024 a en effet été déficitaire. En 2022-2023, nous avons traversé notamment la crise de l’énergie et la hausse du prix du papier et en même temps nous avons réalisé des investissements lourds mais nécessaires. Notre plan d’actions doit nous permettre de retrouver rapidement une exploitation positive. Par ailleurs, le groupe dispose de bases financières solides pour porter le lancement de la chaîne.
NOVO19 s’inscrit d’emblée dans cette logique hybride : une chaîne linéaire et, en même temps, un acteur du numérique.
IN. : Quelles perspectives voyez-vous pour NOVO19, dans un environnement bouleversé par les plateformes, le streaming et les usages ?
F-X. L : La TNT a un avenir incertain, nous ne savons pas ce qu’elle sera dans dix ans. En revanche, le streaming et les grandes plateformes de partage représentent un secteur d’avenir. C’est pourquoi NOVO19 s’inscrit d’emblée dans cette logique hybride : une chaîne linéaire et, en même temps, un acteur du numérique. Nos contenus – JT, talk, documentaires – seront disponibles sur nos plateformes numériques dont celle de 20 Minutes.