7 mai 2025

Temps de lecture : 4 min

Nouveaux médias : mélange des genres ?

Le média contemporain se définit par sa capacité à créer une relation de proximité avec son public, grâce à une connaissance fine de son audience. Cette dynamique s’incarne dans un écosystème décloisonné où les créateurs de contenus circulent librement entre les canaux. Cette culture du featuring, propre au numérique est un marqueur important de ce décloisonnement des médias, qui privilégie l’affinité au programme.

Bienvenue dans l’ère de la Médiamorphose 

Les médias se transforment, nos rapports à l’information aussi. À l’ère de la défiance et de la surconsommation frénétique, Médiamorphose s’ouvre pour explorer les nouvelles règles médiatiques à travers une série de plusieurs articles pour décrypter ces bouleversements et mieux comprendre leurs conséquences, et un événement organisé par INfluencia Media Event le 21 mai 2025 au George V à Paris. Un rendez-vous pour penser la métamorphose en cours.

En partenariat avec l’agence UM et MédiaFigaro

Le regard porté, dans les premiers épisodes de notre série, faisait le constat de l’évolution technique, culturelle mais peut-être surtout épistémologique de la notion même de média, qui a conduit l’évolution des relations que nous entretenons désormais avec eux. Délinéarisation, désintermédiation, décloisonnement, dilution ont progressivement transformé cette relation dans un « grand mix » où le média n’est plus ni un support, ni un tuyau, ni un rituel, mais un peu tout ça à la fois. Toute la valeur de sa marque tend pourtant à se cristalliser dans sa capacité à connaitre son public et entretenir une relation de proximité avec son public. Une relation régie par l’analyse pointue de son audience et qui s’incarne de plus en plus au travers de l’écosystème communautaire des créateurs de contenus, qui n’ont aucun mal à bouger d’un canal à l’autre. Cette culture du featuring, propre au numérique est un marqueur important de ce décloisonnement des médias, qui privilégie l’affinité au programme.

L’information incarnée

Qu’ils soient journalistes ou non, Samuel Etienne, Claire Chazal, Gaspard G, Jean Massiet ou Hugo Clément sont devenus les incarnations mêmes de leurs propres médias. Ce qui pose non seulement la question de la responsabilité des créateurs de contenus, mais annonce aussi un phénomène de transfert d’influence qui se fait dans le grand mercato des médias. « Les réseaux sociaux d’HugoDécrypte cumulent plus de 14 millions de followers, surpassant ainsi Le Monde, et MrBeast compte plus d’abonnés que Netflix », rappelle Kati Bremme, la Directrice de l’Innovation de France TV[1]. La demande de relation directe, d’interaction et de dialogue entre le média et son audience est irrévocable et impose une nouvelle posture. « Un média, aujourd’hui, c’est aussi une relation active », rappelle Alexandra Klinnik, journaliste média et innovation à France Télévisions. « Ce n’est plus possible de passer à côté de la conversation. Ce que certains médias n’ont toujours pas compris », confirme Cyrille Frank, consultant et formateur media pour Mediaculture. « Ils refusent cette conversation, donc cette conversation leur échappe. Elle part sur les réseaux sociaux, les influenceurs ou toutes les autres plateformes. C’est ce que les gens recherchent. »

Des médias à deux sens

Le 37e baromètre La Croix Kantar confirme cette tendance. Les 18-34 ans sont aujourd’hui 24% à déclarer s’informer via les « influenceurs » qui remplissent ce besoin de proximité, d’affinité et d’incarnation de cette génération. « Les jeunes font davantage confiance que leurs aînés à des figures qui leur ressemblent et qui leur offrent une relation vécue comme plus horizontale et égalitaire, dans la façon de leur parler, dans le choix des sujets, dans les valeurs véhiculées », avance l’universitaire Arnaud Mercier[2].Un média ne doit par conséquent pas chercher à se faire plus intelligent que son public mais plutôt chercher à se mettre à son niveau, se poser les mêmes questions. « « Les médias doivent comprendre que l’essentiel de leur valeur n’est pas de diffuser de l’information mais d’entretenir la conversation », rappelle Cyrille Frank. Pour Nicolas Becquet, « un média comme HugoDécrypte va rester dans le factuel, va être incarné et ne va pas essayer de répondre à toutes les demandes. Il y a une humilité dans la posture journalistique qui souvent s’éloigne du commentaire et revient aux faits, ce qui est quand même l’essence de notre métier ». L’information se conjugue donc aujourd’hui au style direct, façon tuto, mêlant désir d’informer et de distraire et faisant une place décomplexée à l’infotainment. Un ton de la discussion libéré des carcans des plateaux traditionnels qui se retrouve dans des émissions comme Quotidien, C à vous, PopCorn ou BackStage et constitue un élément important de fidélité de l’audience. Et aussi une raison de sa critique, le niveau de langage attendu d’une émission ne répondant pas toujours aux conventions attendues pour ces types de programmes. Les médias retrouvent leur sens initial : ils sont avant tout un intermédiaire. Et un intermédiaire se pense à deux sens.

Informer, éduquer et distraire

Dans un tel contexte, l’information tend elle aussi à s’hybrider. En 2016, une étude menée par la BBC mettait en évidence la notion de « besoin utilisateur » et révélait que les attentes du public vis-à-vis d’un média en matière d’information ne se réduisaient pas à une « simple » mise à jour sur l’actualité. Elles concernaient les domaines plus larges de la pédagogie, de l’inspiration, du divertissement, du relai des tendances et de la mise en perspective. L’information généralement proposée ne remplissait donc qu’une partie du spectre de ces attentes. Cette catégorisation de l’information est aujourd’hui mise en œuvre au sein du quotidien l’Echo pour classifier les articles produits par ses journalistes. « On a mis en place une grille d’analyse pour changer notre façon de voir notre audience, savoir fondamentalement pourquoi les gens viennent nous lire » informe Nicolas Becquet. « C’est une partie de l’effort que l’on fait en tant que média pour mieux comprendre notre audience. Une manière de rapprocher les chiffres d’audience de la réalité éditoriale ».

Repenser la mission éditoriale

Cette grille de « besoins utilisateurs » a conduit à transformer la manière même de penser l’information et à changer les pratiques au sein de la rédaction. À réfléchir à la mission éditoriale de chaque article avant de l’écrire. « Là où on fonctionnait jusqu’à présent beaucoup par intuition, on est arrivé à cette confrontation avec la réalité des besoins et des usages multiplateformes des audiences ». L’enquête de la BBC révélait que 70% des articles produits ne concernaient que le seul domaine de l’actualité et ne représentait pourtant que 7% du trafic. Un hiatus important constaté également par l’équipe numérique de l’Echo. « On s’est rendu compte que ce qu’on pensait bien faire, on ne le faisait finalement pas si bien », conclut Nicolas Becquet. Une leçon d’humilité journalistique qui contribue à rappeler que le besoin d’information n’est pas un monolithe et peut aussi se faire en se divertissant, en comparant, en se cultivant, en imaginant, en réagissant. « Un média n’est pas une fin en soi non plus. Il ne se suffit pas à lui-même : il existe pour servir un objectif, qu’il s’agisse d’informer, de distraire, de persuader ou de vendre quelque chose », rappelle pour sa part Alexandra Klinik.

Prochain épisode : des médias de masse aux médias communautaires


[1] « Journaliste-Influenceur : moins de média, plus de service ? » – Meta-Media – Juin 2024 –

[2] « Jeune(s) en France – George(s) & The Conversation France – Octobre 2023 –

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