4 juillet 2023

Temps de lecture : 8 min

« Notre ambition est de dépasser les 100m€ d’ici 3 ans » , Sophie Lacoste, co-présidente de Fusalp

Fondée en 1952 à Annecy, la marque Fusalp a été rachetée en 2014 par les héritiers du groupe Lacoste. L’ambition des petits-enfants du célèbre joueur de tennis René Lacoste est d’en faire une griffe de sportswear d’excellence. En quelques années, le chiffre d’affaires s’est démultiplié tout comme l’ouverture de boutiques à travers le monde ( plus de 60 en Europe,  Asie et aux USA). Sophie Lacoste, co-présidente de Fusalp explique les raisons du succès et ses ambitions pour la marque.

 INfluencia : Cela fait presque 10 ans que vous avez repris Fusalp. Quelle était la raison de ce rachat ?

Sophie Lacoste : C’est avant tout une histoire d’équipe – j’ai repris Fusalp avec mon frère Philippe, ma belle-sœur Mathilde Lacoste directrice artistique et Alexandre Fauvet, directeur général de Fusalp et ancien numéro 2 de Lacoste – et de valeurs. Fusalp a des valeurs qui nous correspondent. Nous avons tout de suite eu une vraie vision de ce que pouvait devenir la marque, qui était alors une belle endormie, repliée sur elle-même, qui n’avait plus de logo ni d’identité, mais qui avait de très beaux fondamentaux. L’idée de reprendre une marque déjà existante, de lui redonner une identité stylistique et une personnalité forte pour la transmettre était un challenge passionnant.

INF. : Concrètement, qu’est ce qui vous a séduit chez Fusalp ?

S.L. : Son lien au sport évidemment, puisque nous sommes une famille de montagnards et de sportifs, son histoire, véritable épopée qui a accompagné les grands skieurs de l’équipe de France, sa modernité, son style dans le vêtement à la fois technique et chic, qui permet le mouvement avec élégance sur les pistes, en voyage, à vélo ou en ville, le tout avec une vision totalement internationale. Nous nous sommes dit que nous pouvions faire grandir cette marque dans un réseau de boutiques à travers le monde. Notre grand enjeu est de développer l’urbain, d’amener ces vêtements techniques à la ville.

 

    Nous sommes une marque de sportswear de luxe

INf. : Vous définissez-vous comme une marque de luxe ?

S.L. : Oui. Avant on parlait de produits premium, mais je pense qu’il faut assumer ce que nous faisons. Quand nous avons repris Fusalp, nous avons tout de suite fait le pari d’une montée en gamme des produits. Désormais nous fabriquons des produits d’excellence, et nous voulons offrir un service de luxe à chaque client.  C’était la seule stratégie que nous pouvions avoir. Fusalp n’est pas une marque de créateur. C’est une marque de mode avec des produits pérennes, qui s’inscrivent dans un usage quotidien, un peu comme une valeur refuge. Nous ne sommes pas dans le luxe inabordable mais sommes une marque de sportswear de luxe.

 

INf. : Vous avez fortement augmenté le chiffre d’affaires de la marque depuis son rachat. Comment expliquez-vous ce succès?

S.L. : Clairement grâce aux produits innovants et de qualité que nous avons proposés dès notre arrivée. Quand nous avons repris la marque, nous étions  à un peu moins de 6 millions de chiffre d’affaires. En une année, nous l’avons doublé sans multiplier le nombre de pièces vendues ni augmenter nos prix. Nous avons simplement accru la qualité et changé le style de nos vêtements avec une nouvelle direction artistique. Nous avons d’abord élargi l’offre afin de nous affranchir du 100% ski. Aujourd’hui, 60% de la collection est positionnée en ligne urbaine. Nous avons aussi travaillé la distribution en ouvrant de nombreuses boutiques en nom propre. Notre chiffre d’affaires 2023 (exercice clos en mai) atteint aujourd’hui environ 51 millions d’euros. Et notre ambition est de dépasser les 100m€ d’ici 3 ans.

 

INf. : Chaque mois apporte son lot de marques de vêtements qui disparaissent. Comment résistez -vous ?

S.L. : Grace à notre positionnement luxe. Pour s’en sortir, soit une marque fait de l’entrée de gamme et du gros volume , ce n’est pas notre philosophie,  soit elle arrive à produire des vêtements très techniques et de qualité avec  des marges plus importantes,  mais le milieu de gamme cela ne marche pas.

 

       Nos deux grosses priorités aujourd’hui sont les Etats-Unis et la Corée

 

INf. : Quelles sont vos priorités aujourd’hui ?

S.L. : L’international et la recherche. Nous nous sommes assez vite développés à l’international. Nous avons 8 filiales et un peu moins de 60 boutiques dont 5 magasins en Suisse, une boutique en Grande Bretagne, nous espérons y ouvrir bientôt une deuxième, et d’autres magasins en Espagne, Italie, Belgique …  Nos deux grosses priorités aujourd’hui sont les Etats-Unis et la Corée. Nous sommes présents à New York sur Madison Ave et à Aspen. Nous allons ouvrir une nouvelle boutique à Vail dans le Colorado. En Corée nous avons un flasgship  à côté de Hermes à Seoul et nous avons ouvert récemment des très beaux shops in shops dans les trois plus grands magasins de Seoul. Tout ceci nous permet de bénéficier assez rapidement d’une bonne visibilité sur le ski et de développer tout l’urbain.

 

INf. : Est-ce pour réussir le pari de l’international que vous avez fait rentrer un partenaire ?

S.L. :Les fonds Mirabaud Patrimoine Vivant et Mirabaud Lifestyle Impact & Innovation, représentés par Renaud Dutreil et David Wertheimer sont en effet entrés au capital. Ils nous accompagnent dans la formidable aventure de Fusalp et dans cette nouvelle phase d’expansion particulièrement intense que connait la marque à la fois à l’international mais aussi en termes de création et de recherche et développement.

 

INf : Votre autre priorité est  la recherche sur le produit

S.L.:  Fusalp poursuit sa mutation vers le développement des collections dites «Fashion Tech» qui s’inspirent de ses savoir-faire techniques originels. Faire revivre l’esprit de la marque avec un biais contemporain fort a été la ligne suivie par les équipes de la direction artistique. Ma belle-sœur (ndlr Mathilde Lacoste directrice artistique) dit toujours que nos vêtements se conçoivent en 3D, et que c’est vraiment de l’architecture. C’est pour cela que nous avons étoffé nos équipes. Nos ateliers de création et de patronage, historiquement basés à Annecy, ont été renforcés par un nouvel atelier de stylisme et de montage à Paris, au plus proche de Mathilde . Nous avons également un laboratoire de contrôle et d’innovation à Annecy où plus de 6 500 tests sont réalisés chaque année pour améliorer la technicité de nos matières et de nos produits.

Nous accompagnons, pour la troisième année, à la demande des skieurs eux-mêmes, GB Snowsport , l’équipe de ski alpin de Grande Bretagne*. Notre investissement en compétition, véritable laboratoire de recherche et développement, nous permet de maintenir un haut degré de qualité et d’innovation dans la confection de nos vêtements.

Nous avons également un pool d’une quinzaine de jeunes sportifs de plusieurs disciplines -skieurs, patineurs… – suisses, suédois, français, les meilleurs dans leur domaine en descente, slalom…  que nous avons envie d’accompagner dans leur vie et que nous équipons à la ville.. Nous avons dans notre équipe Antoine Dénériaz , médaille d’or en descente à Turin ainsi que Claudia Riegler, qui a été numéro 2 mondiale en Géant pendant très longtemps. Nous organisons des rencontres avec cette équipe de jeunes champions pour leur apporter des points de vue sur différents sujets comme le coaching mental, l’alimentation, etc… C’est une sorte de think tank. Cela nous apporte aussi beaucoup au niveau de l’entreprise et de nos salariés. Avec une croissance comme la nôtre -quand nous avons repris Fusalp il y avait 30 salariés, aujourd’hui il y en a 250- c’est important de créer une culture d’entreprise. Et avoir ce pool de sportifs nous permet de nous rappeler les valeurs fondamentales de la marque

 

INf. : Quelle est l’importance des collab’ avec des marques de luxe ?

 

S.L. : Nous réalisons deux collections par an que nous répartissons en  « drops »  tous les deux mois pour créer une dynamique dans les magasins et sur le site e commerce. La chance que nous avons avec le ski, c’est que la saison d’hiver est longue. Nous ne faisons quasiment jamais de soldes, nous avons des outlets qui permettent de trouver un an plus tard les pièces qui ne sont pas reconduites, toujours avec un souci de durabilité et de ne pas jeter des produits d’une saison à une autre. Tout cela demande une agilité importante en termes de création. Les collaborations aident beaucoup car elles permettent de rythmer le calendrier de l’année de manière plus forte. Nous avons réalisé récemment une collab’  avec Pucci, une Maison qui partage un lien historique avec l’univers de la montagne et plus particulièrement du ski – Emilio Pucci était moniteur de ski, il faisait partie de l’équipe nationale d’Italie -. Nous avons également, cet hiver, créé une mini capsule de montres et de vêtements de ski pour Femme et Homme à l’occasion de nos 70 ans avec Zenith. En octobre, nous lancerons une collab avec le designer Harry Nuriev, qui va être une projection dans un futur pas si lointain, entre le design de vêtement et le concept.

 

 

   Notre objectif est de nous diversifier
INf. : Allez-vous développer la marque avec des accessoires ?

S.L. : Oui, notre objectif est de nous diversifier. Nous avons lancé des accessoires de ski : masques et casques. Nous proposons maintenant des chaussures de ville, de la maroquinerie, des lunettes, qui peuvent être un vrai levier tant en termes de chiffre d’affaires, notamment avec le marché américain, que de conquête de nouveaux clients.

INf. : On accuse beaucoup les marques de mode de ne pas être éco-responsables.  Quelle est votre politique en la matière ?

S.L. : Bien évidemment la RSE est au cœur de nos préoccupations, à la fois pour nos boutiques et nos espaces de travail en termes d’énergie, de matériaux , de recyclage, et pour nos collections. Nous avons recruté quelqu’un qui a cette expertise et qui va nous permettre d’aller plus vite. Il s’agit d’établir concrètement une feuille de route spécifique à chaque membre du comité de direction, qui pourra être évaluée très régulièrement. Nous avons signé le Fashion Pact, nous réfléchissons a des solutions de packaging, de recyclage par exemple des housses, des cintres. Il y a une infinité de sujets à traiter avec une modification totale de nos modes de fonctionnement mais il ne faut pas en avoir peur, c’est un travail de long terme. Il faut aborder sujet après sujet et se réjouir des progrès. Produire un vêtement aura toujours plus d’impact que de ne pas le faire, il faut donc essayer de le concevoir de la façon la plus durable possible. Chez Fusalp tout est garanti 5 ans et surtout réparable à vie (sauf les mailles), ce qui exige des produits parfaits.

En ce qui concerne la production, nos produits sont fabriqués pour la moitié en Europe (maille, polos) et pour ce qui est très technique en Asie,  dans des usines haut de gamme. En fonction des produits, les matières viennent de Suisse, Italie, Corée et Japon. Quand nous avons racheté Fusalp, tout était produit à 100% en Asie, nous essayons de rapatrier le plus possible. La diversification de la production, et donc des risques, est un sujet central. Mais il est certain qu’aujourd’hui des usines de ce niveau de technicité sont assez difficiles à trouver. Nous cherchons d’autres opportunités, le covid a un peu bloqué notre recherche mais nous avons des équipes qui sont allées en Europe de l’Est. Pour l’instant on a du mal à trouver mieux, en tout cas aussi bien.

INf. : Comment voyez-vous la marque dans les 10 prochaines années ?

S.L. : Nous voulons garder une taille humaine, développer un réseau de distribution solide afin d’être représentés dans les principaux pays du monde, continuer à dessiner des produits qui soient dans l’air du temps tant d’un point de vue stylistique que d’un point de vue technique,  – C’est le principe de Fusalp : une conversation entre le style et la technicité- Notre objectif est d’ avoir une croissance solide et stable  pour permettre de sécuriser l’avenir, continuer à être fidèle à nos valeurs, limiter encore plus nos impacts négatifs et surtout avoir des impacts positifs sur notre éco-système. Une entreprise où les gens se sentent bien.

 

 

*Dave Ryding, Billy Major, Laurie Taylor, Charlie Raposo, Roy Steudle, Ed Guigonnet, Owen Winter, Calum Langmuir, Charlie Guest, Victoria Palla, Reece Bell

En savoir plus

  • Une progression de 27% des ventes en 2023
  • Une prévision de 100m€ de chiffre d’affaires d’ici 3 ans
  • 50% du chiffre d’affaires à l’international
  • 200 salariés
  • Plus de 60 boutiques dans le monde et 8 filiales à l’étranger

 

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