10 avril 2022

Temps de lecture : 6 min

« Nos 5 plus gros clients sont Spotify, Google/Youtube, Deezer, Apple, Amazon. », Pascal Bittard, Idol

Sélection à Coachella, nomination aux Victoires de la musique… Pour en apprendre plus sur le récent triomphe de l’Impératrice, groupe d’électro pop parisien, nous avons eu la chance de rencontrer les stratèges de cette success strory. À cette occasion, l’interview en exclu de Pascal Bittard, président d’Idol.

Pascal Bittard, Président fondateur d’IDOL. Paris, 7 mai 2021.

L’Impératrice cartonne depuis quelques années. Après un développement éclair sur le marché étasunien, le groupe d’électro pop s’est retrouvé propulsé il y a deux ans sur le line up de l’iconique festival Californien Coachella. Un véritable accomplissement pour une formation française, signée, qui plus est, en indépendant. Loin de se laisser griser, ses six membres sont retournés en studio pour nous livrer il y a tout juste un an Tako Tsubo, leur second album.

Un projet salué par les critiques qui les a conduit jusqu’à une nomination surprise à la dernière édition des Victoires de la Musique, dans la catégorie Révélations. De quoi fêter ça sur les planches du Zénith le 28 mars dernier et par la même occasion fouler la plus grosse scène parisienne de leur carrière. Success is sweet.

Pour en apprendre plus sur les stratégies mises en place pour faire grandir le groupe et conquérir le marché US, mais également sur les évolutions structurelles rencontrées par l’écosystème musical indépendant ces dernières années, nous avons eu la chance de converser avec Pascal Bittard, président et fondateur d’Idol, et Antoine Bisou, fondateur et directeur artistique de Microqlima, respectivement distributeur et label du groupe. Aujourd’hui nous vous livrons notre entretien avec la tête pensante d’Idol, l’une des structures les plus importantes du secteur. Celui d’Antoine Bisou sera publié dans la newsletter de demain*!

 

INfluencia : considérant la relation que vous entretenez avec Antoine Bisou et les équipes de Microqlima, en quoi Idol se démarque des autres distributeurs indépendants ?

Pascal Bittard : Idol est un distributeur singulier car nous faisons depuis longtemps ce que l’on appelle du label service, à savoir proposer à nos partenaires un accompagnement plus approfondi que nos concurrents. Normalement un distributeur ne s’occupe que des dernières étapes de la vie d’un projet, essentiellement le marketing commercial. Il entame pour ce faire une collaboration avec le label responsable de ce dit projet, qui l’a vu naître, afin de le distribuer, en physique comme en digital. Concrètement, notre métier revient à optimiser la visibilité de nos labels sur les plateformes de streaming. Mais dès nos débuts, nous avons voulu nous imposer en tant que distributeur haut de gamme en leur apportant différents services additionnels. Pour Microqlima, il s’agissait en premier lieu de leur faire profiter de notre expérience sur la distribution en physique. Eux venaient initialement nous chercher pour le digital, et nous avons dû rapidement leur faire comprendre que l’un n’allait pas sans l’autre. Nous essayons, à chaque collaboration, d’être force de proposition. Aujourd’hui, nous accompagnons également Antoine sur la vidéo et le web marketing.

 

IN : comment choisissez-vous vos partenaires ?

P.B : on est très sélectif, quitte à s’asseoir sur de gros deals, pour éviter de surcharger notre catalogue et de ne plus avoir le temps de nous investir pleinement auprès de nos clients. Mais nous nous positionnons sur tous les genres musicaux, du jazz à l’électronique. Ce dont je suis le plus fier dans ma carrière c’est d’avoir grandi au contact, et parallèlement, de certains labels, tels que Microqlima. C’est un très bon exemple. Antoine Bisou est venu nous voir il y a 6,7, 8 ans en nous tenant à peu près ce discours : « je suis en licence chez un autre label mais je ne veux plus me cantonner au rôle de producteur. Je veux créer mon propre label pour être plus impliqué dans les projets sur lesquels je travaille ». Malgré tout il hésitait, alors on l’a poussé et il nous a rapidement montré qu’on avait eu raison de le faire, vu le succès de plusieurs de ses artistes. C’est un parfait exemple de réussite mais surtout d’une bonne synergie entre label et distributeur. Antoine est très créatif, notamment en community management, mais on l’a beaucoup aidé à se structurer, et eux nous ont beaucoup apporté par leur jeunesse et leur talent.

 

 

IN : plus concrètement, sur l’émergence de l’Impératrice, comment avez-vous apporté votre pierre à l’édifice ?

P.B : en premier lieu, sur le développement à l’international. Même en étant une structure plus petite que la plupart de nos concurrents, c’est l’une de nos spécialités car nous savons nous montrer plus créatifs. Il se trouve que ce groupe n’était quasiment pas développé hors de la France, et surtout outre Atlantique. Certains groupes, les plus chanceux, obtiennent des buzz immédiats, ce qui n’a pas été le cas de L’Impératrice qui ne cumulait, au début de notre collaboration, que quelques milliers de streams. On s’est alors posé cette question d’une hypothétique conquête des États-Unis, notamment avec Talent Boutique, leur tourneur. Ces derniers ont constitué une première petite tournée il y a 3 ou 4 ans et nous avons fait le choix de beaucoup les accompagner, en les aidant par exemple à choisir un attaché de presse aux US et au Mexique, on a établi ensemble toute la stratégie de conquête du marché etc. Tout s’est très bien passé en stream et en promo média, résultat nous avons récolté l’une de nos plus grosses victoires : être booké à Coachella. Une belle aventure qui n’a malheureusement toujours pas pu se concrétiser car le festival a été annulé ces deux dernières années à cause du Covid. Mais cette année est la bonne et le groupe est prêt à partir dans un mois. Le résultat de tout ce travail que l’on a fourni ensemble.

globalement pendant toute une partie de la crise du disque et l’émergence du digital ces 15 dernières années, les indépendants ont repris du poil de la bête.

IN : concernant votre nomination au conseil d’administration de Merlin, qui regroupe l’ensemble des distributeurs indépendants sous une seule et même bannière, l’industrie est-elle, selon vous, plus structurée que par le passé ?  

P.B : globalement pendant toute une partie de la crise du disque et l’émergence du digital ces 15 dernières années, les indépendants ont repris du poil de la bête. Ils se sont montrés réactifs face à cette transition vers le numérique. Une transition particulièrement longue car, au contraire de l’industrie photographique, par exemple, qui a connu une transformation similaire mais de seulement trois ou quatre ans, chez nous elle est encore d’actualité. De plus, l’industrie musicale a même sûrement été la première des industries culturelles à faire face à ce contexte technologique. Pourquoi ce processus est-il aussi long ? Simplement parce que le physique est toujours en vie. Dans ce contexte particulier, les indépendants ont su prendre une grande place au niveau international. Mais il faut se montrer prudent car le marché est bel et bien en pleine croissance. Bon, pas de la même intensité que dans les années 2000, mais une belle croissance quand même. On constate que beaucoup d’argent circule, certains n’hésitent pas à dire que les investisseurs ne savent plus quoi faire de leur argent, y compris dans l’industrie du disque. Quelques très gros indépendants ont su tirer partie de cette bonne santé économique, à l’image de Believe en France. Aux US, par ailleurs, nous avons vu de nombreux fonds qui se sont montés pour racheter d’importants catalogues. Nous sommes donc en mesure d’affirmer que le marché se consolide, même si ce n’est pas forcément une bonne nouvelle pour les petits et les moyens indépendants.

 

IN : comment Merlin œuvre à cette restructuration et à la bonne santé financière de ses membres ?

P.B : au début, tout le monde était de son côté, mais on a voulu se regrouper pour lutter à armes égales avec nos concurrents. Même dans le physique , avec certaines structures comme la Fnac, Leclerc, Cultura etc. Quand on prend l’exemple d’Idol, nos 5 plus gros clients sont Spotify, Google/Youtube, Deezer, Apple, Amazon. Au moins trois de ces entreprises sont plus fortes que l’Etat Français. En fait le groupement de la presque totalité des distributeurs indépendants nous a apporté plus de poids et de légitimité dans les négociations avec nos interlocuteurs, en premier lieu les plateformes de streaming. Quand j’ai commencé, il existait six majors dans le monde. Aujourd’hui elles ne sont plus que trois, Warner Music, Universal Music et Sony Music – qui contrôlent à elles seules 80% du catalogue mondial des artistes présents sur les plateformes –. Nous nous positionnons, grâce à Merlin, comme la quatrième. Nous pouvons donc nous asseoir à la table des plateformes de streaming et leur dire : « regardez tous nos chiffres cumulés nous autorisent à vous demander des deals équivalents à ceux de nos concurrents ». Grâce à Merlin, la grande majorité des indépendants distributeurs, ont signé des contrats équivalents à ceux des majors.

 

 

*Demain, ne ratez pas l’interview d’Antoine Bigot directeur artistique de Microqlima.

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