4 octobre 2023

Temps de lecture : 6 min

Ning Li profite du conservatisme de l’industrie cosmétologique française pour installer Typology

Audacieux, voire carrément culotté, Ning Li qui créait Made.com en 2010, se lançait dans l’aventure de Typology en 2018. Des affiches minimalistes et mystérieuses sont apparues par milliers dans le métro (une fois par an seulement), nous mettant l’eau à la bouche, avec ses signatures comme des haiku « Le moins est parfois un plus« , et « Ce sérum ne promet pas la jeunesse éternelle« … Une nique à l’industrie cosméto qui en fait des tonnes sur ses soins miraculeux, futuristes ou sorciers… Aujourd’hui il lance ses produits contre l’eczéma et le psoriasis. Encore un mélange des genres qui semble lui être tout à fait naturel, tant l’industrie française de la cosmétique lui paraît conservatrice! Au rapport Ning Li.

INfluencia : la mystérieuse Typology lance aujourd’hui des produits pour soulager ceux et celles qui souffrent de psoriasis et d’eczéma. N’avez-vous pas l’impression de casser les codes en allant sur le secteur de la dermatologie ?

Ning Li. : j’ai lancé Typology en 2018, alors que je m’occupais de ma petite fille. Je réfléchissais, comme tous les parents aux produits que l’on applique sur la peau des petits, et très vite, c’est devenu une idée fixe. Je me suis mis à faire des recherches sur ce secteur que je ne connaissais guère. Lorsqu’à la pharmacie ou en parapharmacie je me suis trouvé confronté à des dizaines de crèmes, de sérums aux formulations complexes, aux listes d’ingrédients interminables, -certains produits comprennent jusqu’à cinquante ingrédients-. Que j’ai appris quels étaient les effets secondaires, cancérigènes, ou bien perturbateurs endocriniens. Que j’ai parcouru les étiquettes vendant des promesses miraculeuses, je me suis dit qu’il y avait sans doute une place pour une nouvelle vision du soin. Ces constats m’ont amené à en parler avec des gens autour de moi, des amis, qui eux aussi en avaient assez de ces crèmes censées soigner ou arrêter le temps, cela m’a donné envie de me lancer dans une aventure autour du soin. Au final Typology est née en 2020.

j’ai pensé que les consommateurs d’aujourd’hui, les plus jeunes notamment, avaient changé, tandis qu’en face, la cosmétologie continuait de tirer sur les ficelles du marketing habituelles !

IN. : la cosmétique repose en effet sur les possibles miracles, et cela continue de marcher. Que pensiez-vous alors apporter à ce marché de vraiment différent ?

N.L. : en fait, cela fait plus de cinquante ans que chacun copie sur le voisin pour lancer ses produits. Pour Typology, j’ai pensé que les consommateurs d’aujourd’hui, les plus jeunes notamment, avaient changé, tandis qu’en face, la cosmétologie continuait de tirer sur les ficelles du marketing habituelles ! L’opportunité pour moi de me positionner différemment. De là, je suis parti en quête d’un soin en adéquation avec son public… Ne plus prendre les gens pour des idiots en leur mentant sur de potentiels remèdes miraculeux étant hors de question.

IN. : facile à dire… Mais comment parvient-on à inverser l’offre et la demande ?

N.L. : dans un premier temps, j’ai réduit la liste d’ingrédients inutiles, surtout ceux qui pouvaient avoir des effets secondaires. Et avec nos chimistes, chercheurs, professeurs en biologie nous sommes passés de 50 à 10 ingrédients maximum dans la composition. Un acte philosophique et radical. Faire de Typology, une marque prenant soin des personnes sur le long terme, sans lui vendre du rêve.

Simple, fonctionnelle, sans blabla. Notre Hit étant La crème aux 9 ingrédients.

IN. : vous lancez votre marque sur le digital et contournez ainsi la distribution physique…

N.L. : oui ce n’est pas la distribution physique qui permet à Typology de vivre, mais bien ses clients qui l’achètent pour ce qu’elle est. Simple, fonctionnelle, sans blabla. Notre Hit étant La crème aux 9 ingrédients. Le bouche à oreille, notre politique sur les réseaux sociaux, le fait que Typology crée un produit parce qu’il y a un besoin réel et non un chef marketing qui décide de créer un nouveau besoin, ont été nos atouts majeurs.

les gens veulent être soulagés avec des ingrédients de qualité, car souvent malheureusement, ces problématiques de peau surviennent tout au long de nos vies.

IN. : tout est marketing… Vous le dites-vous même. Typology est parfaitement marketée …

N.L. : oui si l’on veut. Mais la démarche est inverse. Il ne s’agit pas d’une course au profit, nous sommes sur une niche, mais d’une entreprise de soins qui rencontre ses potentiels clients parce que l’époque, le bruit, le trop plein de produits inutiles et mensongers règnent. Ainsi, en seulement cinq ans nous avons su développer une centaine de produits. C’est sans doute nouveau, mais les gens veulent être soulagés avec des ingrédients de qualité, car souvent malheureusement, ces problématiques de peau surviennent tout au long de nos vies.

notre promesse concernant ces maladies aux origines méconnues, n’est pas de soigner, mais de soulager.

IN. : ce lancement vous fait quand même entrer dans une dermatolgique, n’avez-vous pas peur d’envoyer un message troublant…

N.L.. : Typology ne se situe ni d’un côté ni de l’autre, il se trouve que c’est un concept mixte qui échappe au conservatisme ambiant. Nous ne nous considérons pas comme une société cosmétique, nous n’avons pas d’équipe marketing. Le lancement de cette gamme suit notre éthique de formulation Ne pas utiliser les produits controversés. Pas de parfums, pas de colorants, nos produits sont là pour leurs fonctions, pour soulager. Nous travaillons avec des chimistes, des chercheurs, des ingénieurs en interne, contrairement aux grandes marques qui pour la plupart ne formulent pas elles-mêmes leurs compositions et les confient à un labo externe. D’ailleurs, notre promesse concernant ces maladies aux origines méconnues, n’est pas de soigner, mais de soulager. Et l’on sait que beaucoup de crèmes médicamenteuses soignent à court terme, tout en provocant d’autres maladies ou allergies.

IN. : quelle est votre clientèle ?

N.L. : nous sommes vendus en ligne, donc c’est un peu biaisé mais je dirai quelle est plutôt jeune, mixte, car il n’y a aucune raison de créer des produits pour femmes ou hommes. Encore du marketing qui nous a obligé à consommer des produits segmentés pendant des années…

Ces formulations coutent donc très cher mais on peut le faire parce que nous n’avons pas de points de vente, et tout ce que cela implique.

IN. : vous ne pouvez pas vous comparer, même en termes de prix ?

N.L. : nous ne sommes pas les moins chers du marché mais on essaye d’être dans la moyenne. Pour moi la qualité se mesure surtout dans la concentration de l’actif. Si vous prenez un produit tel que l’acide hyaluronique, l’actif est très cher, mais pour être efficace il doit y avoir dans la formulation 3%, et non 0,01 % de milligrammes comme l’affichent certains. Un produit de qualité est un produit naturel. Ces formulations coutent donc très cher mais on peut le faire parce que nous n’avons pas de points de vente, et tout ce que cela implique.

 

IN. : par le passé vous avez créé Myfab , Made.com et, vous êtes un entrepreneur dans l’âme, comment passe-t-on d’un secteur aussi différent à l’autre ?

N.L. : c’est au fur et à mesure que cela se produit. Je vais vers les produits qui me parlent. Il est normal de mettre de soi dans ce que l’on entreprend. Nos envies, nos centres d’intérêt évoluent aussi. Mon approche quand je lance un projet, est une suite d’accidents qui m’y mènent.

 

IN. : vous quittez la Chine à l’âge de 16 ans, comment vous dépeignez-vous ? Un digital native certes, mais vos origines sont-elles aussi pour quelque chose dans votre soif d’entreprendre ?

 

N.L. : à Paris ou dans les grandes métropoles, il y a souvent un Chinatown, je viens de Canton, une région commerçante, faite d’expatriés, d’entrepreneurs, pour beaucoup de Chinois, dont le choix s’est porté sur la restauration, les laveries, qui sont déjà des formes d’entreprenariat. Donc je dirais que la volonté des Cantonnais est de créer. Par ailleurs, lorsque l’on vient de l’étranger, on n’a pas les mêmes facilités pour se créer un réseau… Monter un business nous met sur un certain pied d’égalité avec les autochtones. Dans mon cas il y a un peu ça, en tant que Chinois j’ai vécu plus de la moitié de ma vie à Paris. J’aime beaucoup entreprendre dans ce pays, qui donne beaucoup de moyens, que l’on n’a pas ailleurs.

C’est sans doute prétentieux, mais la recherche de simplicité de Typology s’apparente pour moi à celle d’Apple

IN. : à quelle autre marque compareriez-vous Typology ?

N.L. : c’est sans doute prétentieux, mais la recherche de simplicité de Typology s’apparente pour moi à celle d’Apple. C’est une marque qui fait beaucoup de recherche et de développement et qui au final est simple et ne se compare pas.

C’est difficile pour moi de prédire le potentiel de Typology. Mais une marque simple, fonctionnelle devrait parler à beaucoup de gens.

IN. : Typology a quel avenir selon vous ?

N.L. : l’important c’est de trouver les gens qui partagent notre vision du monde, votre envie de naturalité. C’est difficile pour moi de prédire le potentiel de Typology. Mais une marque simple, fonctionnelle devrait parler à beaucoup de gens.

IN. : quel sentiment vous a laissé la fin de Made.com (pendant la covid) que vous avez créé avec un associé, puis quitté en 2017 ?

N.L. : c’est une belle idée,  une belle marque que j’ai créé à Londres en 2010. En tant que créateur j’ai eu beaucoup de peine, j’ai même proposé de racheter la marque… C’est une bonne leçon d’humilité.

 

 

 

 

 

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