8 mai 2023

Temps de lecture : 6 min

MNSTR 3030: Et si plutôt qu’une rivale, l’IA devenait une alliée créative ? »

Les temps changent, et avec eux les voies de la communication. Alors pour éviter de perdre le fil de leur récit, les entreprises se doivent de faire évoluer leur identité de marque. Ont-elles seulement le luxe de pouvoir regarder un peu « plus loin que le trimestre suivant » ? mnstr 3030 c’est une série de talks, de tables rondes et d’exposition imaginées par l’agence parisienne autour de ces grand thèmes qui dessinent le futur du brand storytelling.

Mondes virtuels, mondes ouverts, décentralisation ou intelligence artificielle… Autant de nouveaux terrains d’expression qui obligent les marques à renouveler leur manière de se raconter pour continuer de capter l’attention – toujours plus volatile – des consommateurs. Umberto Eco, le disait mieux que personne : « un excès d’informations rend insensible à l’information ». Plus pragmatique, Brian Becker, vice-président du marketing éditorial chez JPMorgan Chase, déclarait en 2016 : « Le jeu a changé. Les canaux du marketing ont changé. Cela se traduit par la nécessité pour les marques d’en faire autant ».

Bien sûr, le brand content n’est pas né dans la bouche de Brian Becker. Cette manière, plus subtile, de bâtir tout un univers autour de son histoire, de ses valeurs et de son savoir-faire, pour que les consommateurs s’identifient davantage à ses produits, est aussi vieille que la création du guide Michelin dans les années 1900 par la marque de pneumatique qui voulait inciter ses clients à use de ses produits… Mais si le concept n’est pas récent, les percées technologiques de ces dernières années – certaines plus récentes que d’autres – le poussent à la mutation… et les marques à la réflexion. C’est justement pour prendre ce temps que Mnstr 3030, l’entité dédiée à la prospective de l’agence Mnstr, organisait le 30 mars dernier la deuxième édition de son grand raout autour de la thématique Les futurs du brand storytelling.

 

Comme le dit Lionel Curt, Président de Mnstr, au moment d’ouvrir le bal – on s’est permis de le paraphraser pour la bonne cause –, l’idée derrière cet évènement était de pousser les invités à « relever la tête pour se projeter un peu plus loin que le trimestre suivant. On est convaincus que la notion de marque doit être traitée de la même manière que celle de l’entreprise. L’une n’est pas un appendice de l’autre. La marque est l’entreprise, doit savoir unifier toutes ses parties prenantes dans une grande histoire partagée par tous ». Alors une fois les convives remerciés d’avoir « traversé tout Paris » pour se joindre à la fête, il annonce le programme : l’évènement consistera en trois talks portant sur l’évolution du concept de communautés, les nouvelles formes de créativité et les nouveaux récits de marque et sera clôturé par une table ronde et une exposition.

Le « virtuel agora »

Pour Guillaume Carrère, directeur du planning de stratégique de l’agence, le terme de communauté est définitivement galvaudé : « on l’entend partout, dans l’analyse de nos audiences, sur les plateformes sociales, dans les activations évènementielles, il a remplacé les fans ou les followers, on parle de faire croître sa communauté de marque, ou de l’engager ». Mais les marques en construisent-elles réellement ? La relation qu’elles entretiennent avec leurs publics est encore trop souvent verticale, dans des espaces qui laissent peu de place à la construction et à l’épanouissement des communautés. « Les plateformes médias ne favorisent pas réellement les mécanismes communautaires, dans leur interface, dans leur usage. Liker, commenter, partager… ça ne suffit pas » à rendre justice au contenu.

 

 

Il faut donc aller voir du côté de l’agora virtuel, comme il le décrit lui-même, et « rendre aux gamers ce qui appartient aux gamers ». On observe depuis quelques années un vrai retour en force de la culture forum, porté par les joueurs et dont les usages se démocratisent et se réinventent, qu’il s’agisse de Twitch, de Discord ou de Reddit, qui rassemblent des communautés dont les membres se comptent parfois par millions « et qui arrivent à créer un vrai tissu social ». « La niche devient la norme. Ce phénomène est amplifié par les algorithmes qui deviennent des passerelles vers une foule de micro-communautés inter-connectées, analyse Alexandre Lloveras, planneur stratégique chez mnstr. Une dynamique bien réelle que l’avènement du web 3 et de la décentralisation s’apprête à exploser en permettant aux communautés de se coordonner encore davantage

Les nouvelles frontières de la créativité

Et qu’en est-il du sujet épineux  de l’intelligence artificielle ? La psychose est partagée dans tous les médias, les programmes tels que DALL.E ou Chat GPT nous défient déjà jusque dans notre créativité. Pour Martin Friedrich, planneur stratégique au sein de mnstr il serait même impossible de faire « un mapping de tous les outils qui existent aujourd’hui en la matière, tant les nouveautés » se bousculent et nous permettent de repousser toujours un peu plus les frontières du possible. Mais si l’opposition binaire IA v. humains et in fine IA v. artistes s’est imposée comme le récit dominant, sommes-nous voués à nous affronter – et donc à perdre, pour les amateurs de science fiction – ?

 

« De grandes marques ont déjà commencé à l’utiliser pour communiquer », résume Guillaume Carrère. « C’est le cas de Coca Cola qui a lancé  un spot déployant  l’IA dans sa production et dans son esthétique ». Elle peut même aujourd’hui « réussir les examens d’entrée des universités les plus sélectives, telles que la fac de médecine de Stanford, ou accompagner des patients en prenant soin de leur santé mentale tout en leur prodiguant des conseils sur cette dernière». Face à ces résultats, « on est pris dans un vertige collectif », indique Martin Friedrich, qui poursuit, on a tendance à perdre pied face à ce rythme effréné et ne pas réussir à prendre la pleine mesure de ce qui se déroule sous nos yeux, qu’il s’agisse des pontes de la tech, des artistes, des observateurs ou des régulateurs car le sujet va se poser dans les prochaines années ».

En attendant de voir se concrétiser ou non cette crainte du déclassement, « soyons prêts»… même pour le meilleur. « Nous préférons nous interroger sur les opportunités à venir. Et si plutôt qu’une rivale, l’IA devenait une alliée créative ? ». Pour les deux intervenants, il faut d’abord laisser notre orgueil de côté et accepter que l’IA écrive, code, compose, dessine, apprenne plus vite et mieux que nous. « Le pinceau n’est plus entre nos mains mais nous restons maître des idées » tempère Guillaume Carrère. La direction artistique restera nôtre. « Nous ordonnons, elle exécute… à condition de maîtriser la syntaxe et le vocabulaire de ce nouveau langage pour converser avec elle. » La preuve en image avec Hugo Caselles-Dupré, membre du trio d’art contemporain Obvious, qui est venu présenter les œuvres et les activations de marques co-créées par son collectif avec l’intelligence artificielle.

 

 

Happy end

La journée s’est clôturée par une table ronde animée par Louis Bonichon et Marion Lacaugiraud, respectivement co-fondateur et planneuse stratégique de l’agence, avec la participation de Yasmina Auburtin, consultante pour Imagine 2050, société de conseil spécialisée dans la transition écologique et solidaire. La question posée en introduction tente de nous redonner de l’espoir : et si c’était aux marques de proposer un autre imaginaire du futur ? « On est tombé sur cette citation du fondateur de Spotify en préparant ce talk : la valeur d’une marque se résume à la somme de problèmes qu’elle résout », explique Louis Bonichon. Certaines marques ont déjà commencé à bousculer certains imaginaires et prennent peu à peu conscience du rôle de transformation qu’elles ont à jouer aujourd’hui. « Par exemple autour des représentations », poursuit Marion Lacaugiraud : « avec Gillette, par exemple », qui cherche à déconstruire les clichés sur la masculinité viriliste en faveur d’une masculinité plurielle, « ou Patagonia qui bouscule les imaginaires de consommation ».

Pourtant, « les imaginaires liés à la sobriété sont davantage portés par l’activisme et non par les marques. Mais si les marque ne sont pas à l’aise de s’en saisir, elles peuvent toujours donner la parole ». De plus en plus d’activistes engagés décident de transformer leur éco-anxiété en actions durables et optimistes tels que Zahra Biabani, leadeur du mouvement #Ecotok sur Tiktok, ou Marine Serre qui a fait rentrer la seconde main dans le luxe, grâce à l’imaginaire plus désirable de l’upcycling. D’autres initiatives issues de la fiction et l’art créent un storytelling du futur plus positif et sobre. Le mouvement Solar Punk encourage une vision optimiste du futur. On le retrouve dans de nombreux ouvrages de littérature, dans le design et l’architecture, mais aussi au cinéma, avec le film Black Panther par exemple qui présente le Wakanda comme une ville ultra développée qui a appris à vivre en cohésion avec la nature. La marque Chobani, qui produit des yaourts, s’en est inspirée pour sa dernière campagne exposant un monde loin des futurs dystopiques proposés par la fiction actuelle. En bref il ne tient qu’à vous d’embarquer vos clients dans un nouveau récit de marque davantage en phase avec les solutions de notre temps plutôt que ses problèmes. « Le futur est un terrain de jeu narratif sans précédent pour les communicants et les marques. A nous de l’imaginer, de créer, et d’inventer celui que nous désirons », conclut l’agence dans sa communication.

 

 

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