INfluencia : comment est né le projet Mieux, qui a fait ses débuts le 1er septembre sur la télé d’Orange et sur Free, et à qui s’adresse-t-il ?
Michel Cymès : avec mon frère Franck (avec lequel il avait déjà lancé le magazine Dr. Good, ndlr), nous nous étions dit qu’il y avait peut-être une place dans le paysage audiovisuel pour un média entièrement consacré à la santé, une thématique peu exploitée à la télé, hormis sur France 5 avec Le Magazine de la santé, Enquête de santé… Après le tsunami de fake news arrivé au moment du Covid, nous avons décidé d’en faire une chaîne militante pour informer et contrer la désinformation.
Valérie Bruschini : la santé est la première préoccupation des Français. Nous lançons donc un média global et une fabrique à contenus qui fonctionne comme une « safe zone » avec des contenus 100 % inédits, vérifiés et fabriqués par la rédaction, accessibles gratuitement et le plus largement possible, afin de répondre à toutes les questions que se posent les Français en matière de santé. Pour toucher toutes les cibles et toutes les générations, il fallait être partout : sur la télé avec une chaîne généraliste d’information santé, prochainement sur la plateforme france.tv qui a un très large public, sur le digital, sur les réseaux sociaux pour répondre à des questionnements plus précis et adresser des communautés plus fines. Nous sommes en train de construire l’audience en nous nourrissant des différentes plateformes. Des contenus natifs arriveront sans doute fin septembre ou début octobre. Nous irons également sur le terrain avec des événements.
Pour toucher toutes les cibles et toutes les générations, il fallait être disponible partout
IN : n’est-ce pas un peu paradoxal de lancer un média qui s’appelle Mieux au moment où le contexte général incite plutôt à la sinistrose ?
M.C. : c’est une manière de donner du paracétamol à ceux qui ont mal à la tête ! Le philosophe Alain disait que « Le pessimisme est d’humeur ; l’optimisme est de volonté ». Nous avons pour ambition de rendre les Français optimistes sur leur santé.
V.B. : nous retenons la dimension positive de ce mot et « le plus », pour ce qui est augmentable sans tabou ni injonction. Nous ne parlons par exemple pas de « malades » mais de patients et de gens qui vivent avec des pathologies, qui doivent aux aussi vivre bien et mieux.
IN : vous voulez lutter contre les fake news et le complotisme. Pourtant, les complotistes santé sont dans une bulle qui n’est pas du tout la vôtre…
M.C. : les complotistes purs et durs, qui ont fait douter les gens pendant le Covid, ne viendront pas sur Mieux. Ils ne m’intéressent pas mais me trouveront toujours en face d’eux. Nous serons en revanche très ouverts à ceux que les complotistes font douter et qui se posent des questions. Je veux qu’ils puisent venir nous voir, par exemple pour expliquer à ceux qui pensent que la chimiothérapie est un poison, pourquoi ces traitements sauvent des vies même s’ils ont aussi des effets secondaires. Parfois un médicament fait un peu plus de mal que ce que l’on aurait voulu…
Nous serons très ouverts à ceux que les complotistes font douter et qui se posent des questions
IN : la chaîne s’appuie sur des personnalités déjà bien connues du public : Eglantine Eméyé, Laurent Bignolas, Wendy Bouchard, Michaël Jérémiasz, l’ancien ministre de la Santé Olivier Véran… Est-ce un gage de curiosité et/ou de réassurance pour le public ?
M.C. : tous nos incarnants connus sont des produits d’appel. Ils font parler d’eux car ils nous ont rejoints, tout en donnant une image sérieuse et attractive au projet. Ce qui nous importait surtout, c’était certes de travailler avec des personnes connues, mais surtout des gens intéressés et parfois experts du sujet qu’ils traitent ou qui leur tient à cœur. Il fallait aussi qu’ils aient un bon esprit car il n’y a pas de mégalos chez nous. Ils sont venus parce qu’ils croient à un projet parti de rien et qu’il a fallu construire, en acceptant de s’adapter à un budget qui doit être consacré essentiellement à ce que l’on propose au téléspectateur.
IN : pour cibler les audiences plus jeunes, accueillerez-vous des influenceurs parmi vos incarnants sur les réseaux sociaux ?
M.C. : nous n’allons pas prendre des influenceurs qui s’improvisent professionnels de santé, ni des créateurs de contenus uniquement parce qu’ils ont une grosse communauté et qu’ils feraient venir du monde. Ce qui nous intéresse, c’est l’expertise.
V.B. : avec notre partenaire Webedia (déjà propriétaire de la marque Dr. Good mais pas au nombre des investisseurs dans Mieux, ndlr) et Michel qui a aussi cette expérience, nous allons identifier des incarnants forts des réseaux sociaux qui ont la légitimité pour parler de santé. Ils pourront peut-être un jour trouver leur place à l’antenne. Certaines des personnalités qui animent des émissions ont déjà de fortes communautés et une capacité de développer l’audience sur les réseaux sociaux avec des contenus issus de l’antenne.
Pourquoi pas imaginer un jour sur Mieux une émission qui s’appelle Dr. Good
IN : des passerelles sont-elles envisagées avec les autres activités que vous incarnez chez Webedia ?
M.C. : comme j’incarne Dr. Good et l’éditorial de Mieux, la logique voulait que l’on se rapproche de Webedia pour un partenariat que nous avons réussi à nouer. Pour le moment, Webedia va gérer toute la partie numérique et tous les réseaux sociaux de Mieux. Avec mon équipe chez Dr. Good, nous sommes en train de réfléchir à des passerelles entre les deux médias. Pourquoi pas imaginer un jour sur Mieux une émission qui s’appelle Dr. Good.
IN : le projet Mieux, initialement candidat à une fréquence TNT, a fait l’objet d’une campagne de crowdfunding sur SoWeFund avec une levée de fonds dont le montant est indiqué à 2,27 M€. Quel type d’investisseurs y ont pris part ?
V.B. : ce montant comprend des investissements déjà réalisés avant le lancement de la campagne de crowdfunding. Une douzaine de business angels se sont engagés à travers leur société ou à titre personnel et ont donné le socle de la première levée de fonds. Il y a eu ensuite un financement participatif, qui représente aujourd’hui entre 5 et 10 % du capital. C’est très intéressant car, la santé étant la première préoccupation des Français, nous devions permettre à ceux qui avaient envie de s’investir de partager les coulisses et de participer à un projet qui a du sens. La Banque Publique d’Investissement nous accompagne aussi avec plusieurs financements en levée de dette. Tout cela nous permet de lancer la chaîne et de diffuser une offre éditoriale qualitative avec quatre heures de programmes frais par jour, accompagnés par notre régie France TV Publicité avec laquelle nous avons un ADN commun autour des valeurs d’utilité publiques. D’ici la fin de l’année, nous allons tester ce qui fonctionne, adapter le rythme de la production… Nous lancerons plus tard une deuxième levée de fonds pour financer les développements futurs comme les événements, la technologie, la montée en puissance sur les contenus.
La santé étant la première préoccupation des Français, nous devions permettre à ceux qui avaient envie de s’investir de partager les coulisses et de participer à un projet qui a du sens
IN : la publicité pour les médicaments est étroitement encadrée. D’autres secteurs ou produits s’appuient parfois sur des affirmations de santé invérifiables ou relevant des fake news, comme l’a souligné l’ARPP au point que son Conseil de l’éthique publicitaire s’est emparé du sujet. Quelles sont vos lignes rouges en matière de publicité ?
M.C. : nous allons fonctionner de la même manière qu’avec Dr. Good depuis ses débuts : aucune publicité ne passe sans mon accord. Quand un produit fait référence à des allégations médicales que je ne veux pas voir dans le magazine, je renvoie l’annonce à l’agence. Soit ils la modifient, soit elle ne passe pas. Plusieurs règles, dont nous avons parlé avec France TV Publicité, seront donc appliquées. La première consiste à avoir une cohérence éditoriale dans tous les domaines de la santé. Il n’est pas possible que, dans notre émission consacrée à l’alimentation et à la nutrition, nous parlions des méfaits des sodas trop sucrés pour les enfants, et que nous acceptions des publicités pour ces boissons. Nous serons très stricts sur ce sujet, ce qui va probablement nous priver d’un certain nombre d’annonceurs, mais c’est essentiel pour l’image et la crédibilité de la chaîne. Avec les laboratoires pharmaceutiques, nous allons procéder comme je l’ai toujours fait sur les médias pour lesquels j’ai travaillé : ils peuvent tout à fait être présents mais il n’est pas question de parler commercialement de leurs produits puisqu’il est interdit de citer le nom d’un médicament. S’ils veulent communiquer sur une campagne de santé publique, ils peuvent en revanche nous aider à faire passer des messages. Un laboratoire qui produit un vaccin contre le papillomavirus pourrait par exemple encadrer une émission sur ce sujet avec une campagne qui explique l’importance de cette vaccination, qui parle des risques de contamination…
V.B. : nos piliers éditoriaux – la prévention, l’environnement, le futur et la tech, la beauté et la forme – permettent d’intéresser une palette d’annonceurs très large et nous avons d’ailleurs très bien commencé à travailler avec la régie. Plusieurs annonceurs – notamment Oui Care, Carrefour, Aesio, Veolia ou Malakoff Humanis – qui s’engagent sur des sujets de santé nous accompagnent pour le lancement.
La cohérence éditoriale et publicitaire va probablement nous priver d’un certain nombre d’annonceurs, mais elle est essentielle pour l’image et la crédibilité de la chaîne
IN : sur quels critères se basera votre diagnostic de succès du média au niveau économique et éditorial ?
V.B. : en tant que média indépendant, nous devons réussir à conquérir les publics sur tous les devices que nous allons adresser. Pour rester indépendants et autonomes sur notre business, les recettes de publicité, d’événementiel ou de diversification seront essentielles. Les entreprises s’intéressent davantage que par le passé à la santé des collaborateurs, des aidants, à l’impact de leur activité sur la santé. Dans le cadre de la réglementation, il faudra réfléchir et être créatifs en développant des offres qui répondent aux besoins des entreprises de communiquer en matière de santé.
M.C. : notre rêve le plus fou serait que Mieux devienne le média de référence en matière d’information santé. Cela ne va évidemment pas se faire en une semaine, mais j’aimerais que les gens aient le réflexe Mieux quand ils se posent une question à propos de leur santé ou qu’ils veulent avoir de l’information sur la santé. Qu’ils sachent que c’est là qu’ils trouveront une information positive, crédible et prouvée scientifiquement et qu’ils se disent « J’ai entendu ou j’ai vue cela sur Mieux » ou « Je vais voir ce qu’ils en disent ». Le jour où nous aurons fait cela, nous aurons gagné.
J’aimerais que les gens aient le réflexe Mieux quand ils se posent une question à propos de leur santé ou qu’ils veulent avoir de l’information sur la santé
IN : la chaîne se lance peu ou prou un an après les Jeux Olympiques de Paris 2024 sur lesquels la France avait fondé de gros espoirs pour devenir une nation sportive et dont vous étiez l’ambassadeur santé. Un an plus tard, quel regard portez-vous sur cet héritage ?
M.C. : le bilan est bien plus important que ce que l’on dit souvent. Tout n’est pas parfait mais nous n’avions jamais pensé que nous réussirions à mettre tous les Français à l’activité physique. Pendant huit ans, nous avons répété l’importance d’avoir une activité physique et de lutter contre la sédentarité. Nous avons réussi à faire entrer dans le cerveau des Français que la sédentarité n’est pas une solution et que l’activité physique ou le sport doivent faire partie de leur hygiène de vie. Aujourd’hui, 45 % des écoles appliquent les 30 minutes d’activité physique quotidiennes. Il en faudrait 100 % mais, avant, il n’y en avait pas du tout ! Il faut donc continuer à faire passer le message. Les entreprises sont de plus en plus sensibilisées aux mobilités actives et de plus en plus nombreuses à proposer des vélos ou des subventions pour les vélos. La France n’est toujours pas une nation sportive mais cela vient. Progressivement…
En savoir plus
Mieux a été cofondé par Michel Cymes, Pierre Fraidenraich (ex-DG de BFM Business et ancien cofondateur de B Smart), Franck Cymes (ancien DG de Dr. Good), Valérie Bruschini (ex-DG de B Smart et ancienne directrice marketing et développement d’altice Media) et Franck Papazian (Mediaschool).
Un comité éthique et scientifique qui accompagnera le média dans ses grandes réflexions est en cours de constitution.
Michel Cymes anime Mieux ou bien ?, une émission quotidienne de 26 minutes, dans laquelle il sera entouré de trois chroniqueurs, dont Emma Strack qui démonte les fake news en matière de santé. Il animera aussi En toute intimité, une pastille de 5 minutes avec Adriana Karembeu et un sexologue, qui traitera à chaque numéro d’une question sexo.
Dans les autres programmes phares : Les engagés, magazine d’Eglantine Eméyé consacré à ceux qui se mobilisent, Seniors et alors ? dans lequel Laurent Bignolas s’interrogera sur les moyens de mieux vieillir, Singulières avec Wendy Bouchard sur la santé des femmes, Tech Care avec Olivier Véran, consacré à la recherche et aux avancées technologiques en matière de santé…