10 octobre 2022

Temps de lecture : 5 min

Michel Field et Daniel Khamdamov, défricheurs de tendances et médiateurs culturels

La culture a pris une place croissante dans le quotidien des Français et les médias y participent pleinement, dans leurs formes les plus classiques et à travers les nouvelles pratiques culturelles numériques. Michel Field et Daniel Khamdamov  expliquent la manière dont ils ont, chacun à sa manière, démultiplié leurs propositions, et la créativité qu’ils déploient pour que toutes les cultures deviennent accessibles au plus grand nombre.

 

Ces derniers mois, plusieurs lancements en presse ont eu lieu : Geste/s, Lyrik et Le Musée Idéal.

À travers toutes leurs expressions (presse, radio, télé, Internet ou réseaux sociaux), les médias ont développé pour la culture un intérêt privilégié qui offre au public des moments d’émotion et des spectacles auxquels ils n’auraient pas eu accès près de chez eux, et qui les ouvre à des productions artistiques variées. Ces derniers mois, plusieurs lancements en presse témoignent de cette grande diversité d’approches : Geste/s (Groupe Beaux-Arts & Cie) qui offre un écrin aux métiers d’art, aux savoir-faire d’excellence et à la création contemporaine, Lyrik (I/O media) qui veut faire venir les jeunes urbains à l’opéra, ou encore Le Musée Idéal (Géo/Le Monde/Éditions Prisma) qui construit un musée imaginaire pour s’émerveiller, se cultiver et s’évader.

Tous les pans de la culture trouvent à s’exprimer sur les chaînes thématiques, de Mezzo à Trace Urban, en passant par Museum TV… Sur les chaînes généralistes – surtout publiques – la culture se décline à travers des magazines réguliers et une programmation cinéma qui met en avant les jeunes réalisateurs, et ponctuellement du théâtre et de l’opéra. Le public, qui a souvent une conception plus large de la culture, se délecte aussi de leurs émissions de divertissement, des talent shows (The Voice, Prodiges…), des documentaires et de tous les contenus qui épousent l’évolution des pratiques culturelles numériques.

Lancée en 2009 sous l’appellation Arte Live Web, Arte Concert favorise la découverte de genres musicaux des plus variés et s’est montré précurseur dans la politique de « plateformisation » qui, trente ans après ses débuts, fait une partie du succès de la chaîne culturelle Arte. Depuis février 2021, France Télévisions met à l’honneur le spectacle vivant sur Culturebox en linéaire et sur le numérique, mais a su faire émerger des rendez-vous événementiels comme Le Concert de Paris, devenu au fil des ans un grand rendez-vous d’audience de France 2. Sur France Culture – deuxième radio française la plus écoutée à la demande avec 43,1 millions d’écoutes en mars 2022 (source Médiamétrie) – Les chemins de la philosophie frôlent les 6 millions d’écoutes mensuelles, rappelant à quel point le podcast et l’audio sont propices aux disciplines qui font appel à l’esprit et à la pensée. Culture Prime, le média social culturel des six entreprises de l’audiovisuel public français lancé fin 2018, connaît un important succès avec ses vidéos 100 % culturelles (30 millions de vues par mois en moyenne sur l’ensemble de l’offre) qui permettent de toucher un public rajeuni et féminisé. Parmi les plus plébiscitées, les récits sur L’Origine du monde de Courbet, Ingres ou des vidéos de l’INA fourmillant d’archives.

Michel Field: « Avoir réinscrit France Télévisions dans le stand-up contemporain est une vraie satisfaction »

Environ 13 millions de personnes passent chaque semaine sur Culturebox, lancée en février 2021 par France Télévisions en chaîne linéaire et sur le numérique. Le directeur de l’unité culture, en explique les ressorts.

« La régularité quasi métronomique de la programmation permet de multiplier les genres. »

INfluencia :  comment Culturebox contribue-t-elle à l’exposition de la culture à France Télévisions ?

Michel Field:  cette offre a été une formidable opportunité pour accueillir une grande diversité de disciplines du spectacle vivant jusqu’alors peu exploitées à la télé ou de manière marginale, et de se mettre au service des festivals. Le défi consiste à sensibiliser les téléspectateurs de nos offres traditionnelles à des formes d’art plus contemporaines et peut-être de faire venir un public plus jeune, autour de 40 ans. La régularité quasi métronomique de la programmation avec un soir par genre permet de multiplier les pratiques artistiques et de privilégier la modernité des approches. Culturebox assume une culture au sens large. C’est un instrument privilégié pour se permettre un opéra très classique un soir et, le lendemain, un spectacle de hip-hop. Ou une combinaison de tout cela, car aujourd’hui la pluridisciplinarité est devenue assez naturelle. La manière dont le hip-hop a été accueilli à l’opéra avec Les Indes Galantes est l’exemple parfait de la manière dont la culture populaire irrigue la culture savante et est capable de faire naître une proposition ébouriffante.

IN : des courants artistiques ont-ils trouvé un écho particulier ?

MF : incontestablement le stand-up ! En collaborant avec Kader Aoun et le Paname Art Café, nous avons pu programmer régulièrement Génération Paname sur France 2 en deuxième partie de soirée, tandis que le Paname Comedy Club est un des rendez-vous qui marche le mieux sur Culturebox. Le stand-up est, avec le hip-hop, un des domaines artistiques où règne la plus grande diversité sociale et culturelle, et qui traite des questions de société avec décalage, humour et audace. Réinscrire France Télévisions dans le stand-up contemporain est une vraie satisfaction.

IN :  quelle place tient le numérique ?

MF : il permet de continuer à nourrir des petites populations passionnées. L’offre de musique baroque du numérique aurait bien du mal à trouver sa place sur une antenne, même sur Culturebox linéaire. Je travaille à ce qu’il y ait des passerelles de plus en plus intimes entre Culturebox numérique et nos chaînes ou Slash. La série Bâtiment B sur les musiques urbaines a été accueillie avec succès sur la chaîne. Avec le baroque ou le métal, la distance entre ces deux univers est encore assez grande et on joue plutôt la complémentarité. J’espère que, dans quelques années, on montera des projets et on décidera après coup de ce qui sera destiné au numérique ou au linéaire et, dans cet univers, à Culturebox ou aux autres chaînes.

 

Daniel Khamdamov: « Sur Arte Concert, les programmes ne sont pas bien rangés mais puissamment recommandés »

Arte élargit son audience sur son antenne, sa plateforme arte.tv et ses chaînes sociales. Focus sur la place et la stratégie d’Arte Concert avec le directeur de l’unité Arts et Spectacles d’Arte France.

INfluencia : quelle est l’approche privilégiée par Arte Concert au sein de l’offre culturelle d’Arte ?

Daniel Khamdamov :   Arte Concert y pense la musique en tant que programme destiné à l’antenne, à la plateforme ou à nos chaînes sociales, en fonction des genres musicaux et des cibles. On y retrouve du classique (romantique, baroque, opéra, ballets…) comme des musiques actuelles (pop, rock, électro, rap…). Le festival de métal Hellfest, qui est un peu le couronnement de notre diversité musicale, est devenu un rendez-vous très important avec nos audiences. Cet univers assez carnavalesque et très bon enfant fait un carton en numérique. YouTube représente un potentiel de visionnage et de nouveaux publics énormes. Sur cette plateforme, où règne une certaine sérendipité, les musiques actuelles sont très regardées – la session de Sting enregistrée au Panthéon pour les 50 ans de FIP a été vue plus de trois millions de fois.

« Dans nos dispositifs filmiques, la nourriture visuelle est à la hauteur de la programmation musicale. »

IN:  comment fidéliser le public ou l’ouvrir à d’autres univers ?

DK:  sur Arte Concert, les programmes ne sont pas bien rangés mais puissamment recommandés. La recommandation se fait de manière artisanale, pas algorithmique, sans véritable schéma mais avec toujours la volonté d’ouvrir les musiques les unes aux autres. Elle encourage à passer d’une session de ballet à une captation à Aix-en-Provence, ou à un opéra européen voire un live électro. La plateforme se construit comme un média qui interagit avec l’agenda musical, mais vit aussi selon son propre tempo. Elle a par exemple des choses à dire sur les cheffes d’orchestre en captant le concours La Maestra. Son émission Dans le club expose la jeune garde du rap avec une captation mensuelle. Le dialogue est différent selon les publics mais il s’inscrit toujours dans le langage de la musique et dans l’amour du son.

IN:  quelles sont les pistes d’innovation ?

DK:  nous cherchons à raconter la musique dans des dispositifs filmiques où la nourriture visuelle est à la hauteur de la programmation musicale. De manière immersive, avec nos émissions Echoes et Ground Control, ou à travers nos collections, qui représentent un bon tiers des productions dans les musiques actuelles. Pour ses sessions live, Passengers invite par exemple les groupes d’électro-pop dans des lieux signifiants : L’Impératrice au Grand Palais pour un dernier concert avant les travaux, ou Metronomy à la galerie de paléontologie du Museum d’Histoire naturelle, en écho aux propos de son dernier album sur l’écologie et l’extinction des espèces.

 

 

 

 

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