17 décembre 2019

Temps de lecture : 4 min

La masculinité en Chine vue par les Millennials

Poussés par une envie de liberté et de se définir soi-même pour échapper à l’énorme pression sociale, familiale et professionnelle, les jeunes hommes chinois de la génération des Millennials sont en train de réinventer les codes du masculin.

Poussés par une envie de liberté et de se définir soi-même pour échapper à l’énorme pression sociale, familiale et du travail, les jeunes hommes chinois de la génération des Millennials sont en train de réinventer les codes du masculin.

Depuis quelques années, le modèle masculin dominant, apparu au moment de la révolution culturelle (le robuste travailleur défendant avec courage et discipline les valeurs du communisme et s’occupant honorablement de sa famille et de ses parents), est battu en Chine en brèche par la génération des Millennials. « Même si le modèle classique de l’homme « normal » perdure, il est moins aspirationnel pour ceux qui sont nés après 1990 », commente Nicolas Riou, CEO de la société d’études Brainvalue, qui vient de réaliser une étude sur « Comment les Millennials redéfinissent les codes du masculin en Chine ». « Ces derniers considèrent l’homme « normal » comme un « zhinan » c’est-à-dire quelqu’un qui n’a pas de goût dans sa manière de s’habiller. Pourtant, ces « zhinan » représentent encore la majorité des consommateurs d’automobile, d’ordinateurs et de produits électroniques », ajoute Nicolas Riou.

Des femmes plus exigeantes

Cette évolution a plusieurs origines. En premier, les nouvelles attentes des jeunes Chinoises. De plus en plus indépendantes financièrement (elles représentent désormais 43,1 % de la population active), elles sont plus exigeantes dans leurs relations avec les hommes et rejettent la pression du « life agenda », cette obligation de se marier à tout prix. Moins nombreuses que la gent masculine (il y a 34 millions de plus d’hommes que de femmes), elles ont plus de choix et ce choix va vers des hommes qui prennent soin d’eux, s’intéressent à autre chose qu’à leur travail et montrent plus d’écoute. « Les hommes ont de plus en plus de difficultés à trouver une partenaire », souligne Nicolas Riou. Le nombre de mariages chute d’année en année alors que le nombre de divorces augmente et que diminue la durée des mariages des jeunes nés dans les années 80 et 90.

L’influence de la culture coréenne

La pop culture coréenne si populaire en Chine au travers des séries et des chanteurs a apporté une nouvelle vision de l’homme, plus féminin, plus délicat, un homme qui n’hésite pas à se teindre les cheveux et à se maquiller. Une tendance qui a un nom : « The Little Fresh Meat ». Sous ce vocable, personnifié par l’acteur Lu Han, on retrouve la notion d’apparence irréprochable, un homme mince à la peau impeccable. Dans un classement des 20 hommes les plus célèbres auprès des Millennials chinois, paru en août 2019, tous faisaient partie de la catégorie des « Little Fresh Meat ». « une nouvelle esthétique masculine très féminisée fait son apparition, celle d’un homme qui prend soin de lui dans un souci d’amélioration et de différenciation », explique Nicolas Riou.

Une influence croissante auprès des jeunes femmes

Ces nouvelles idoles des Millennials et notamment des jeunes Chinoises, tous chanteurs et acteurs nés dans les années 80 et 90, sont devenues les égéries des grandes marques du luxe et des lignes de cosmétiques féminins. Wuang Yuan est l’ambassadeur des rouges à lèvres et des produits capillaires L’Oréal ainsi que des fonds de teint et des rouges à lèvres Lancôme. Lu Han apparait dans les publicités L’Occitane depuis 2017 (et depuis, les ventes ont progressé de + 250 %). Guerlain fait appel à Yang Yang pour promouvoir la ligne de soin Orchidée Impériale. Dans une catégorie à l’esthétique un peu plus musclée on trouve le chanteur et acteur Kris Wu, ex-membre du groupe EXO, qui est l’égérie du maquillage Givenchy, de la ligne Men Expert de l’Oréal et de Louis Vuitton ou encore l’acteur Chen Weiting qui s’invite dans les campagnes Maybeline ou Levi’s. « Aux yeux des Millennials, le maquillage pour les jeunes hommes est un signe de leur volonté de se perfectionner, de sortir du lot par leur look », fait remarquer Nicolas Riou.

Le street wear a également la cote puisqu’il permet de se définir et se différencier. Les acteurs Kanye West ou Eddie Chen ont aidé à populariser ce style en Chine. Sans oublier le sport, une façon de paraître plus fort et en forme pour mieux attirer les jeunes femmes Millennials.

Quand le gouvernement s’en mêle

Le gouvernement a pris récemment position contre cette tendance d’ hommes trop féminisés qui mettent à mal la fierté nationale. De nouveaux manuels scolaires pour les enfants de 10 ans ont pour but de leur apprendre à « être un homme ». En 2018, l’organe de la radio et de la télévision chinoise soulignait qu’il fallait apporter à l’écran une image plus saine et demandait aux animateurs et aux invités des émissions de ne pas se teindre les cheveux et de ne pas s’habiller en femme.

Quel impact pour les marques ?

« Les marques font de plus en plus appel à des hommes « Little Fresh Meat » pour cibler les femmes », constate Nicolas Riou qui ajoute que les taux de transformation et l’influence sur les ventes sont remarquables. Les influenceurs les plus célèbres pour les marques de cosmétiques et de maquillage en Chine sont d’ailleurs des hommes : Austin Li a 19 millions de followers sur TikTok et Benny M plus de 4 millions. C’est particulièrement valable pour les catégories de produits orientées luxe, mode et femmes, ces égéries masculines incarnant la vraie modernité. Pour autant, il convient d’être prudent dans l’exploitation de ce phénomène et ne pas surinvestir sur les Little Fresh Meat quand on est une marque de montres masculines, d’automobile, d’électronique par exemple, leurs consommateurs n’arrivant pas à se projeter dans ces nouveaux modèles masculins. On remarquera que les nouvelles égéries masculines font la promotion de lignes cosmétiques pour femmes. Le marché des cosmétiques pour hommes dans le secteur premium étant encore peu développé en Chine. Un marché à prendre ?

 

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