14 avril 2010

Temps de lecture : 3 min

 » Les marques sont des esprits vivants dans la tête et les écrans des consommateurs « 

Penser mémorisation ou agrément est aujourd'hui très clairement insuffisant, il faut raisonner en réceptivité à l'information et à l'environnement ambiants. Interview de Christophe Benavent, Professeur à l'Université Paris-Ouest, Directeur Adjoint, UFR Sciences Economiques, Gestion, Mathématique et Informatique.

INfluencia: Quel est le rôle d’une marque en période de crise?

Christophe Benavent: En temps de crise comme en toute période, son rôle est essentiel. Une marque est un médiateur, qui doit sécuriser, rassurer. Elle est un condensateur d’un ensemble de croyances sur l’entreprise, et sur la relation à l’entreprise. Le consommateur se dirige vers des marques qui sont garantes, justes et légitimes dans leur domaine d’activité. Plus elles sont fiables et reconnues, plus le consommateur s’y attache, et plus elles  seront efficaces dans leur rôle de réducteur de risques

Toutes les entreprises affirment faire de la relation client leur cheval de bataille ; mais qu’est ce qu’une bonne relation client pour vous ?

Une relation, ça se caractérise par la confiance. Or quand peut-on faire confiance ? Dans deux occasions : quand est capable de prédire ce qui va se passer. Et quand on sait que celui auquel on a fait confiance, ne profitera pas d ‘occasions particulières pour en tirer avantage. Dans une bonne relation il  y a donc toujours une notion très importante de  bienveillance.
Ensuite il faut comprendre qu’on est dans le donnant donnant : si un consommateur a le sentiment d’être fidèle et de contribuer à la marque, il va attendre qu’elle agisse de même et reconnaisse son effort. Il doit impérativement y avoir réciprocité. Et si un jour un incident se produit  -il n’y a pas de produit parfait, comme il n’ y a jamais de relations sans heurts- et si la marque a le courage de s’en expliquer,  le consommateur comprendra et pardonnera. Regardez le cas Toyota, le problème n’était pas tant dans la défaillance mais dans l’attitude du constructeur. Les clients ont estimé qu’il n’avait pas fourni une réponse appropriée.
Enfin, une bonne relation est une relation qui dure, il ne faut jamais l’oublier, et cette durée fonde la légitimité de la marque, et permet de développer beaucoup  d’initiatives, de lancer avec succès de nouveaux produits, d’étendre son territoire, et par-dessus tout, faire que ses messages soient entendus et écoutés…

Comment les réseaux sociaux transforment-ils la relation ?
Jusqu’à maintenant, on a pensé la relation comme une affaire de one to one. On était dans le huit clos du couple. Aujourd’hui, de nouveaux acteurs  jouent un rôle considérable : les autres consommateurs,  les blogueurs, les associations, les comparateurs… La relation client est  immergée dans un tissu dense d’interactions, notamment avec les « brand advocates», ces avocats de la marque qui sont des leaders d’opinion mais aussi ses détracteurs. Et les réseaux sociaux ne font que matérialiser l’intrusion de tiers dans cette vie de couple.  Il en résulte que la réputation participe à la relation. Au-delà des échanges, la question de la confiance est aussi une question de bonne réputation.

Autrefois, les marques communiquaient à coup de campagnes sporadiques et de promesses qui se réalisaient dans la consommation du produit. Aujourd’hui on va au-delà, la communication est constitutive de la consommation, et la consommation est elle-même une expérience relationnelle. Les réseaux sociaux nourrissent la relation au quotidien, ils instaurent une continuité dans laquelle les marques sont amenées à s’installer, ils les font résonner dans le voisinage des consommateurs. Elles sont désormais des esprits vivants dans la tête et les écrans des consommateurs. Le comprendre aidera les marques à s’adapter.

Faut-il parler de consommateur ou de client ?

Le consommateur, c’est une figure de style, un produit de cabinet d’étude; le client c’est un nom et une adresse, une identité. Les consommateurs se transforment progressivement en clients dans la mesure où on les identifie, on les cible, on les fidélise et on leur parle directement. Le client est le sujet d’un échange continu, il raconte ce qu’il fait et l’entreprise lui fournit des informations qui sont plus que des slogans, mais des renseignements objectifs sur les produits et leur consommation. Les entreprises deviennent de ce point de vue des media à part entière. Avant, elles avaient besoin d’intermédiaires publicitaires mais aujourd’hui elles ont des canaux permanents à leur disposition, les réseaux sociaux en font partie. Penser mémorisation ou agrément est très clairement  insuffisant, il faut raisonner en réceptivité aux messages, à l’information ambiante. C’est là où la relation prend une couleur nouvelle. Dans un couple, il n’y a relation que si l’on peut échanger, il faut que l’un nourrisse l’autre. Bien sûr, cela pose de gros problèmes d’ingéniérie aux communicants. Plutôt que de vendre l’USP, le rôle de la communication est d’amener les clients vers des sites web, les catalogues, les blogs, l’ensemble des supports d’info en continu pour maintenir cette relation et cette double écoute.
Finalement, autrefois les marques raisonnaient de manière sporadique,  en terme de campagnes « militaires » (« j’attaque, je contre attaque »). On est aujourd’hui dans un registre plus domestique qui s’inscrit dans le long terme, il s’agit de  construire une maison commune, ou d’irriguer un jardin. On est passé à une communication organique.

Propos recueillis par Isabelle Musnik

Rubrique réalisée en partenariat avec l’agence Meura

 

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