11 décembre 2013

Temps de lecture : 3 min

Les marques doivent respecter la culture

Pour Oliver Albert, DG de Zonefranche, plus les frontières sont floues et ténues, entre consommation culturelle et de loisirs, plus les marques doivent être vigilantes à ne pas « forcer » la culture à franchir la ligne ! Et les agences ont un rôle important à jouer.

Le 12 novembre dernier, l’agence Zonefranche et INfluencia organisaient une visite privée de l’exposition Pinault « A triple tour » à la Conciergerie*. Des oeuvres, qui dans la diversité de leurs formats et de leurs supports (installations vidéo, peintures, sculptures, photographies, automates…) renvoient à toutes les formes de l’enfermement: pénal, politique,psychologique et mental, affectif…  A cette occasion INfluencia a voulu continuer à creuser le thème de la culture et de ses relations avec les marques (abordé dans la revue N°7 consacrée à La Culture). Nous avons publié la semaine dernière l’interview du directeur du Centre des monuments nationaux, Philippe Bélaval. Cette semaine, c’est au tour d’Olivier Albert, DG de Zonefranche, de nous livrer ses réflexions.

INfluencia: le crowdfunding est-il une bonne méthode de financement ?

Olivier Albert: tant qu’il n’est pas un alibi pour permettre au pouvoir public d’oublier ses devoirs de préservation du patrimoine et d’accès à la culture par le plus grand nombre ! Nous en sommes loin. De toute façon, en France et en Europe, les fonds levés restent très modestes, même si le cinéma ou la musique commencent à voir des projets ambitieux réalisés à 100 % en financement privé. Attention, aussi, à ce que le crowdfunding ne soit un gimmick digital de marques en mal d’idées! Plus sérieusement, j’aime l’idée que le crowfunding permet justement de sortir de la simple consommation culturelle, pour devenir « co-fondateur » et acteur d’un projet culturel. Beaucoup de marques devraient saisir les opportunités offertes par cette technique pour embarquer leurs clients dans des projets cohérents avec leur ADN ! Elles seraient certainement surprises des (très bons) résultats !

INfluencia: comment regardez-vous les liens entre marques et culture ?

OA: ils sont évidemment de plus en plus ambigus, des repères symboliques disparaissent. Le Louvre devient une marque et s’exporte à l’international comme toute grande marque. Cet aboutissement du branding démontre surtout que l’art et la culture ont définitivement basculé dans le champ du marketing et du commerce ! Et cette « consommation » s’étend à l’ensemble des produits culturels, qui deviennent donc des produits comme les autres, ou presque! Cette tendance permet d’attirer un public plus nombreux, plus massif. Les expositions temporaires à succès « tirent » le public vers une consommation de « loisirs » culturelle. Mais tant que l’on reste vigilant à la qualité de cette production, comment ne pas être enthousiaste? Quand la France se débat dans une mondialisation « subie », savoir que les Industries culturelles pèsent plus de 74 milliards d’euro * et représentent plus de 1,2 millions d’emplois * (non délocalisables), démontre une dynamique qu’il faudrait rendre beaucoup plus centrale! Au-delà du soft-power, l’enjeu économique est considérable, et c’est bien un paradoxe amusant que de constater qu’en étant considérée comme une « industrie », la culture va peut-être pouvoir bénéficier d’une attention accrue des marchés et des pouvoirs publics.

INfluencia: comment les marques peuvent-elles aider la culture ?

OA: en la respectant tout d’abord ! Plus les frontières sont floues et ténues, entre consommation culturelle et de loisirs, (notion d’apprentissage, de curiosité active, d’ouverture à la différence…), plus les marques doivent être vigilantes à ne pas « forcer » la culture à franchir la ligne ! Elles doivent aussi faire confiance à l’intelligence de leurs clients et intégrer l’accès et la promotion de la culture comme une activité naturelle pour elles. Il faut aussi qu’elles dépassent le cadre du mécénat « classique », pour explorer de nouvelles formes d’associations : un consommateur « remerciera » toujours une marque de l’avoir entraîné dans une découverte culturelle inattendue. Et compte tenu du chemin effectué par la Culture vers une consommation culturelle plus « massive », les marques ont tout intérêt à quitter le champ de la culture élitiste, pour une ouverture vers le plus grand nombre.

INfluencia: quel rôle les agences peuvent-elles jouer dans les relations culture-marques ?

OA: Je vois quatre actions principales:

– Être des ouvreurs de perspectives, donner des impulsions, inciter à la prise de risque.

– Profiter de notre porosité à la culture, de notre agilité, de notre créativité, pour imaginer et vendre des associations inédites, des actions intégrant le champ culturel de façon centrale et non pas à la marge d’une plate-forme de marque ou bornée trop strictement à une seule fonction.

– Être à la fois des « vigies », à l’écoute très fine des évolutions de comportements de consommation, et des « influenceurs » qui peuvent créer, orienter et démultiplier des tendances. Cela nous donne une responsabilité particulière dans l’alliance délicate de la marque et de la culture.

– Enfin, en étant tout simplement acteurs, en tant qu’entreprises et décideurs ! Zonefranche est par exemple partie prenante de la start-up Guidigo, qui développe dans les capitales du monde entier des parcours culturels de visite individuelle en réalité augmentée, accessibles depuis un smartphone. Ces parcours sont créés par des passionnés comme vous et moi, mais également par les institutions gestionnaires de notre patrimoine. Elles trouvent là, une solution innovante de valorisation de leurs archives (picturales, musicales, écrites, etc.), d’attraction de nouveaux visiteurs et de propositions de solutions simples à la visite « accompagnée ».

propos recueillis par Isabelle Musnik

* source : Etude du panorama des industries culturelle et créatives.

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