22 novembre 2022

Temps de lecture : 3 min

Magali Tezenas (Sporsora) : « Les sponsors français du mondial se font discrets »

La nouvelle a surpris tout le monde. Deux jours avant le coup d’envoi de la Coupe du Monde au Qatar, l’émirat a interdit la vente de bières aux abords des stades. Cette nouvelle est un coup dur pour le brasseur Budweiser qui est un des sponsors majeurs de la compétition. Les autres marques qui ont dépensé des fortunes pour associer leur nom à l’événement phare de la FIFA font le dos rond depuis plusieurs mois pour faire leur promotion sans provoquer la colère du grand public. Magali Tezenas la directrice générale de Sporsora, l’association regroupant les acteurs de l’économie du sport en France (annonceurs, diffuseurs), nous explique les tenants et les aboutissants de ce Mondial pas comme les autres…

L’interdiction pour Budweiser de vendre ses bières pendant le Mondial n’a donc pas une grande importance pour le groupe AB-InBev qui possède le brasseur.

INfluencia : la décision du Qatar d’interdire la vente de bière près des stades vous a-t-elle surpris ?

Magali Tezenas : une telle décision prise juste deux jours avant le début de la Coupe du Monde peut sembler un peu surprenante mais nous avons tous compris, depuis quelque temps déjà, que cette compétition allait être plus compliquée que les précédentes.

IN : ce Mondial va-t-il avoir des conséquences sur l’attitude des sponsors à l’avenir ?

M. T. : il est clair qu’une marque qui dépense de très grosses sommes pour devenir sponsor souhaite avoir un certain retour sur ces investissements. Les tickets d’entrée sur quatre ans pour les partenaires de la FIFA se situent dans une fourchette comprise entre 50 et 70 millions d’euros… par an. C’est le cas notamment pour Adidas, Coca-Cola, Hyundai/Kia, Qatar Airways, Qatar Energy, Visa et Wanda Group. Les sponsors officiels (Budweiser, Byju’s, crypto.com, Hisense, McDonald’s, Mengniu et Vivo) paient, eux, entre 10 et 35 millions d’euros par an et les sponsors régionaux (The Look Company, Baaz, Winwin, Upl ltd, Algorand, Ooredoo, Frito-Lay North America, Nubank et Claro) déboursent annuellement entre 1,5 et 10 millions.

IN : comment peut-on rentabiliser de tels investissements ?

M. T. : la consommation de produits lors de la compétition n’est pas forcément un facteur déterminant pour les marques. L’interdiction pour Budweiser de vendre ses bières pendant le Mondial n’a donc pas une grande importance pour le groupe AB-InBev qui possède le brasseur. Les partenaires de la Coupe du Monde de Football cherchent surtout à s’associer à un événement de cette ampleur pour toucher un public planétaire. L’audience télévisuelle mondiale de Qatar 2022 devrait être proche de la précédente édition en Russie, soit environ 3,4 milliards de téléspectateurs. Les droits TV de la FIFA sont, par contre, passés de 1,4 à 3,5 milliards de dollars depuis 2006. Ceci s’explique car cette compétition reste un levier de communication extrêmement puissant.

Aujourd’hui, une marque ne peut plus se permettre de ne plus tendre vers l’excellence car tous les regards sont tournés vers elle et vers ce qu’elle fait.

IN : les consommateurs ne sont, par contre, plus prêts à prendre pour argent comptant tous les messages que les marques souhaitent leur faire passer…

M. T. : c’est certain. Les exigences du grand public vis à vis des marques sont de plus en plus strictes. C’est encore plus vrai dans le sport car les fans sont des communautés très engagées qui connaissent très bien les sponsors. Aujourd’hui, une marque ne peut plus se permettre de ne plus tendre vers l’excellence car tous les regards sont tournés vers elle et vers ce qu’elle fait. Elle doit intégrer dans sa communication tous les aléas environnementaux et sociétaux du moment.

IN : les sponsors pourraient-ils être tentés de faire pression auprès des organisateurs d’événements pour qu’ils n’organisent plus de compétition dans des pays « à problème » ?

M. T. : les marques ont en effet un rôle à jouer pour faire pression auprès des détenteurs de droits sportifs qu’elles soutiennent pour qu’ils maintiennent un niveau d’exigence important dans le choix des pays d’accueil de leurs compétitions.

Les sposors tentent de s’associer le moins qu’ils le peuvent à la compétition en elle-même afin d’éviter toute possible controverse

IN : quelle est l’attitude des sponsors de l’équipe de France de football durant ce mondial ?

M. T. : ils sont clairement assez discrets et prennent garde de ne pas faire un pas de côté en direction du Mondial. Toute leur communication est axée sur le fait qu’ils sont sponsors de l’équipe de France et non pas de la Coupe du Monde au Qatar. Ils tentent de s’associer le moins qu’ils le peuvent à la compétition en elle-même afin d’éviter toute possible controverse. Les partenaires majeurs français qui versent entre 5 et 8 millions d’euros par an à la Fédération Française de Football, comme le Crédit Agricole, EDFet Orange, n’ont pas invité de clients ni de collaborateurs dans l’émirat alors qu’ils l’avaient fait en Russie. Leurs campagnes média dans la presse, à la télévision ou sur les panneaux d’affichage vont aussi être très limitées par rapport aux autres Coupe du Monde.Cette édition est, sans aucun doute, la plus contestée de l’histoire d’un point de vue social, environnemental et économique.

Les campagnes média d’Orange, EDF et Crédit Agricole dans la presse, à la télévision ou sur les panneaux d’affichage vont aussi être très limitées par rapport aux autres Coupe du Monde.

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