Lufe : la success story de l’Ikea basque

L’idée : remettre en vente au prix de 1euro des meubles renvoyés en raison de leurs (vilains?) défauts. On ne parle pas ici de défauts de fabrication mais bien de nervures de bois jugées trop irrégulières ou de nœuds inesthétiques. C’est pourtant la promesse de la marque LUFE. Local, que ce soit pour la main d’œuvre ou la matière première, Universel, Fonctionnel et Écologique, puisque la gamme est 100% recyclable et fabriquée à base de bois certifié PEFC. Un bois qui promet d’être assemblé à l’état brut.

Pour ceux qui n’en ont jamais entendu parler, LUFE est une enseigne lancée en 2014 par Enrique Arrillaga alors ruiné après avoir investi jusqu’à son dernier denier pour tenter de sauver l’entreprise familiale. « J’avais 47 ans, trois enfants et plus rien, après avoir passé 22 ans à travailler d’arrache-pied à fabriquer des beaux meubles en pin, des portes ou des fenêtres pour le compte de revendeurs. Le problème, en Espagne, c’est que 80% des clients paient quand ça les chante, voire jamais. On a fini par faire faillite à cause de nos créanciers.»

L’entrepreneur, qui n’a rien perdu de de son enthousiasme et de son amour du pin, se lance alors dans le e-commerce avec un catalogue réduit à l’essentiel : deux lits. Peu à peu viendront s’y ajouter chaises, tables, commodes… Des meubles sans artifices aux prix garantis accessibles au plus grand nombre. « On a développé notre offre en écoutant nos clients. C’est l’énorme avantage d’être en contact direct avec eux. On tente de répondre à leurs attentes, tout en veillant à rester fidèles à notre positionnement, en particulier en termes de prix ». 68e le lit simple, 108 le double. Autrement dit : imbattable.

Le IKEA basque

Les affaires reprennent et c’est un coup de com’ impromptu qui les fera décoller en 2017. Un journaliste d’ El País compare Lufe à un « Ikea basque ». Une étiquette qui colle encore à la peau de l’entreprise et un coup de pouce que l’entrepreneur n’est pas prêt d’oublier. Après le Pays Basque, c’est au tour des catalans et des madrilènes de passer commande; LUFE se lance en France et au Portugal. Entre 2019 et 2022, le chiffre d’affaires de la marque triple, passant 3,6 à 10 millions d’euros. L’entreprise devrait boucler l’exercice 2023 à 12 millions et en vise 16 l’année prochaine. « Une augmentation qui n’est que très peu due à l’augmentation des prix, malgré l’inflation folle des prix du bois l’an dernier qui a parfois frôlé les 50%. Nous avons réussi à minimiser l’impact sur les nôtres en améliorant l’automatisation de nos process. Heureusement, le cours du bois semble vouloir revenir à la raison » sourit Enrique Arrillaga. Ce succès il l’attribue à une qualité : « Notre honnêteté. Je ne connais aucune autre marque qui travaille avec autant d’honnêteté que nous. Notre moteur c’est d’éduquer les gens à notre façon de faire, fabriquer et sourcer local. Et au fait de vendre sans intermédiaire. Leroy Merlin nous a d’ailleurs demandé de produire pour eux, nous avons refusé. Nous voulons participer à remettre le bois brut au goût du jour, au juste prix.»

Longue vie aux meubles moches

C’est ce moteur qui a conduit au choix des mots de cette dernière opération « Les meubles moches » Un coup de com’ signé de l’agence BreakingMolds.

« Plus qu’une agence, c’est notre direction marketing. Notre politique de retours n’est pas un argument de vente, juste une façon d’incarner notre volonté de ne pas vendre pour vendre. Si un client n’est pas satisfait, nous non plus. Au total, les retours ne représentent que 6% de nos ventes et 60% d’entre eux font suite à un problème de transport. Mais BreakingMolds y a vu une opportunité pour communiquer. »

L’enseigne qui communique uniquement de façon digitale, investit « grosso modo, un quart de son budget en création de contenus, un quart en social ads, un quart en Google Ads, et le quart restant en partenariats avec des influenceurs », nous apprend Imanol Abad, directeur de création, qui a grandi dans le même village qu’Enrique et avec qui l’entrepreneur travaille sa copie tous les mardis.

« Cette opération était en droite ligne avec ce que l’on faisait depuis 2018 : revendiquer les défauts du bois. Dans ce cas précis, présenter leur qualité première comme un défaut nous a permis d’attirer une attention incroyable. » À l’heure où l’attention attise toutes les convoitises, on peut parler d’un beau succès.