L’ONU met enfin d’accord ses 170 états membres sur un traité « historique » contre la pollution plastique
Les états membres de l’ONU viennent d’adopter une motion visant la rédaction d’ici 2024 d’un texte juridiquement contraignant pour mettre fin à la pollution plastique dans le monde. Le futur traité devrait s’appliquer sur « le cycle de vie entier du plastique », de sa production et sa consommation jusqu’à la gestion de sa fin de vie. Un choix stratégique qui est loin de contenter tout le monde… et notamment les entreprises les plus polluantes.
On aurait pu introduire ce sujet de la pollution plastique, maintes foistraité dans nos colonnes ces dernières semaines, avec des chiffres, des citations d’experts ou des graphes tous plus effrayants les uns que les autres. On aurait pu vous accrocher, par exemple, avec le rapport publié par Pew Charitable Trusts et SYSTEMIQ, Ltd. en 2020 qui estimait que la quantité de plastique déversée dans les océans devrait tripler d’ici 2040. Une vile tentative pour vous faire culpabiliser et chercher la réponse à votre éco-anxiété naissante dans nos colonnes. Non, rien de tout ça. « Aujourd’hui, nous écrivons l’Histoire. Vous pouvez être fiers ». Cet élan d’espoir, formulé ce mercredi 2 mars par Espen Barth Eide, ministre norvégien de l’Environnement à l’Assemblée des Nations unies pour l’environnement, qu’il préside, vient conclure le « processus de négociation internationale sur l’environnement le plus ambitieux » depuis l’accord de Paris.
Une approche fondée sur le « cycle de vie entier du plastique »
Les 175 pays membres de cette 5ème assemblée réunie à Nairobi, au Kenya, viennent donc d’adopter une motion créant un « comité intergouvernemental de négociation », chargé d’écrire un texte juridiquement contraignant d’ici 2024 pour mettre fin à la pollution plastique dans le monde. Bien plus qu’un simple coup d’épée dans l’eau. Les délégués ont convenu de s’attaquer au problème en adoptant une approche fondée sur le « cycle de vie entier du plastique ». Cela signifie que le traité qu’ils négocieront au cours des deux prochaines années devrait limiter la quantité de plastique que les signataires sont autorisés à produire. Bien que ce nouvel arsenal juridique semble véritablement contraignant, il subsiste encore quelques doutes quant à la latitude qu’il laissera aux nations dans leur respect des termes du futur traité. Néanmoins, il devrait inciter les États membres des Nations unies à adopter des mesures de grande envergure pour réduire la pollution plastique, en introduisant par exemple des plafonds de production maximum ou l’obligation pour les producteurs de payer pour la pollution qu’ils créent. Cette approche holistique semble pour l’instant se conformer à la volonté des scientifiques de s’attaquer à ce fléau écologique en limitant d’abord sa production. Une évidence pour certain.e.s, moins pour d’autres.
Un combat idéologique et stratégique
Cet accord fait suite à des années de négociation qui ont vu deux stratégies bien spécifiques s’opposer. La première et grande gagnante, surnommée la résolution Rwanda-Pérou, axait donc son combat sur toutes les étapes de fabrication du plastique, couvrant ainsi jusqu’à l’extraction des combustibles fossiles pour sa production, sa consommation et la gestion de sa fin de vie, à savoir son recyclage. Une réponse à la hauteur de la gravité de la situation et qui avait reçu l’appui de 70 pays, dont 27 de l’Union européenne. Elle était le résultat d’un long processus consultatif et bénéficiait ainsi d’un large soutien de la part des organisations de la société civile en se montrant capable d’impacter avec force les économies des principaux pays producteurs de plastique, comme les États-Unis, l’Inde, la Chine et le Japon. Dans l’autre coin du ring, le challenger bien moins considéré, la résolution Japon, avait été décrite comme la « peau » de la première « sans le muscle ». Elle mettait d’abord l’accent sur le nettoyage des déchets plastiques déjà en circulation dans les océans et n’avait réussi à rassembler que trois signataires : la république des Palaos, le Cambodge et le Sri Lanka. Avec tout notre respect, c’est maigre pour peser dans le débat public.
Comme l’a révélé le – très bon – média indépendant Grist, spécialisé sur la thématique environnementale, American Chemistry Council et Plastics Europe, des organismes regroupant les producteurs européens et étasunien de matière plastique, étaient largement favorables à cette approche. Rien d’illogique. Ces deux groupes ont ainsi fait pression sur les décideurs politiques pour tenter de les dissuader de soutenir la résolution Pérou-Rwanda. Matthew Kastner, un porte-parole de l’American Chemistry Council, a ainsi plaidé auprès des journalistes du média américain que limiter la production de plastique pourrait finir par faire augmenter les émissions de gaz à effet de serre parce que les alternatives au plastique ont tendance à peser plus lourd, ce qui signifie que leur transport nécessite plus d’énergie. On demande à voir. Fort heureusement, les États membres ont bien rejeté cette logique, confirmant la nécessité d’intervenir « de la source jusqu’à la mer ». Pour Monica Medina, la présidente de la délégation américaine présente à l’assemblée : « Ce n’est que la fin du début, nous avons beaucoup de travail devant nous. Mais c’est le début de la fin du fléau des déchets plastiques pour cette planète ».
Le site internet de l’ONU révèle que « le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) organisera, d’ici à la fin de 2022, un forum ouvert à toutes les parties prenantes en marge de la première session des négociations, afin de partager les connaissances et les meilleures pratiques dans différentes régions du monde. Il facilitera les discussions ouvertes et veillera à ce qu’elles soient éclairées par la science, en rendant compte des progrès réalisés tout au long des deux prochaines années ». En attendant d’avoir remporté le combat, si vous voulez vous refaire votre garde-robe tout en aidant à dépolluer la planète, c’est par ici.
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