11 octobre 2021

Temps de lecture : 3 min

L’impact économique des applications de consommation responsable telles que Yuka ou BuyOrNot

Phénomène récent, les applications de consommation responsable ont pour but de renseigner leurs utilisateurs quant aux informations nutritionnelles de leurs produits alimentaires. Une étude Ifop a calculé que ces applications, parmi lesquelles Yuka ou encore OpenFoodFacts, réunissent aujourd’hui jusqu’à 25% des consommateurs. Ces nouveaux outils de consommation, portés par un positionnement de transparence, ont le potentiel d’impacter profondément les pratiques du secteur agro-alimentaire, voire mêmes les industriels.

En juin 2021, la start-up Yuka était condamnée en première instance par le tribunal de commerce de Paris à la suite d’une plainte de la Fédération des Entreprises Françaises de Charcuterie Traiteur (FICT) pour « pratique commerciale déloyale et trompeuse ». Ce groupe d’industriels de la charcuterie estimait que le mauvais score attribué aux produits contenant des nitrites et nitrates était injustifié. Une réponse judiciaire à contre-courant de la tendance générale à la responsabilisation des industriels. Car une autre démarche, plus constructive, pourrait également se développer entre industriels, applications et consommateurs. Face à cette tendance de fond, l’enseigne Intermarché a annoncé avoir reformulé neuf cents de ses recettes en supprimant 142 additifs. Plutôt que s’en prendre aux messagers portant la voix des consommateurs, les acteurs de l’alimentation tendent donc progressivement à intégrer l’existence de ces outils dans leurs stratégies pour préserver leurs ventes. Mais que se passerait-il si cette logique de transparence s’étendait à l’ensemble des univers de produits ?

L’influence écologique et sociale bénéficie de nouveaux critères

L’extension de cette logique demanderait d’abord la définition de nouveaux critères d’évaluation potentiellement plus complexes à élaborer que les scores nutritionnels afin de mesurer des aspects comme l’impact écologique ou encore les pratiques sociales. Mais certaines applications ont ouvert la voie en intégrant un « éco-score » conçu en coopération avec l’ADEME et tenant compte de l’impact de produits en termes écologiques. L’application BuyOrNot quant à elle relaie des appels au boycott liés à l’impact social des entreprises productrices (emploi de personnes mineures, mauvaises conditions de travail, corruption) et prévoit la création d’une rubrique proposant des produits alternatifs. Un autre critère potentiellement déterminant pourrait être la durée de vie et le degré de réparabilité des produits : à la fois moins chers sur le long terme et plus responsables écologiquement, les produits les plus durables seraient logiquement préférés par les consommateurs. C’est selon ce principe que, depuis début 2021, un indice de réparabilité a été créé par l’ADEME et rendu obligatoire pour les ordinateurs portables, les smartphones, les télévisions, les lave-linges à hublot et les tondeuses à gazon électriques. Dès 2022, il sera progressivement déployé sur d’autres équipements électriques et électroniques.

Les mêmes applications pour les produits tech ?

Rien n’empêcherait donc que les mêmes méthodes d’évaluation s’étendent à d’autres secteurs industriels comme ceux des produits technologiques. Mais certaines problématiques propres à ces autres marchés pourraient toutefois s’imposer. Si les alternatives écologiques et socialement responsables sont particulièrement développées dans le domaine de l’agro-alimentaire, ce n’est pas le cas dans de nombreux autres secteurs comme l’informatique. Les terres rares – ces métaux indispensables à la fabrication de nombreux composants comme les batteries – sont par exemples utilisées par l’immense majorité des acteurs de l’électronique et ne sont, comme leur nom l’indique, pas renouvelables. En matière de téléphonie, le FairPhone fait figure d’exception mais n’est pas encore en mesure de concurrencer sérieusement les géants du smartphone dont le rapport performance/prix repose en partie sur des économies d’échelles. 

La promesse de la transparence

L’absence d’alternative pourrait donc être un frein à la transformation des pratiques des industriels. Mais il est tout de même probable que l’information diffusée par des applications de ce type entraînerait une prise de conscience d’une partie des consommateurs et pourrait donc accélérer le développement d’offres nouvelles, plus adaptées aux nouvelles exigences sociales et environnementales. Comme le bio en matière alimentaire, ces offres nouvelles pourraient, du fait de leurs coûts de production plus élevés que ceux des offres traditionnelles, être plus chères, et donc destinées dans un premier temps aux consommateurs à fort pouvoir d’achat. Les pratiques destructrices de l’environnement et socialement nuisibles ne sont en effet privilégiées par les industriels que dans l’objectif d’augmenter leurs marges et la compétitivité de leurs prix en faisant des économies. Mais les normes de production responsables écologiquement et socialement pourraient à plus long terme devenir un nouveau standard et se démocratiser, transformant ainsi par le jeu de la concurrence et de la communication RSE l’ensemble de ces marchés. C’est notamment en cela que l’application de cette exigence de transparence aux prix pratiqués par les marques peut se révéler particulièrement décisive. En donnant aux consommateurs des données fiables et exhaustives sur les conditions de ses choix, les moteurs de recherche leur permettent de faire des choix plus éclairés et en accord avec leurs valeurs.

La preuve d’un engagement socio-environnemental prouvé

En se démocratisant, les applications de consommation responsable ont ainsi gagné une véritable influence sur les choix des industriels. En s’étendant à l’ensemble des produits, cette logique de transparence pourrait ouvrir la voie vers un meilleur alignement des pratiques des producteurs et des distributeurs sur les exigences de leurs clients. Face à des politiques RSE tendant trop souvent vers le greenwashing et réduites à de simples stratégies de communication, ces outils pourraient redonner un véritable contenu à l’idée de responsabilité sociale et environnementale des entreprises.

 Romain Gavache, LeDénicheur

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