INfluencia : Qui sont les Prosumers que vous mettez en exergue dans cette étude ?
Marc Freschi : Les prosumers sont des consommateurs qui sont en avance de 6 à 18 mois sur les tendances. Influents, proactifs, engagés socialement et écologiquement, ils représentent 15% de la population française. Ce sont souvent des citadins vivant dans des grandes villes. Pour identifier ces profils, nous analysons leurs comportements médias qui sont en avance de phase. Nous étudions aussi notamment leur rapport au temps, leur capacité d’influence, leurs pratiques sur les réseaux sociaux et leurs comportements d’achat. Les prosumers évoluent au fil du temps. Ceux qui le sont aujourd’hui ne l’étaient pas forcément hier et ne le seront peut-être pas demain. Nous analysons ces profils depuis de nombreuses années. BETC a commencé à le faire pour ses créatifs avant de valider leurs messages et leurs stratégies. Nous avons ensuite adopté ce modèle pour étudier la consommation média de cette catégorie.
IN : Cette étude n’est donc pas la première du genre?
M. F. : Non, il s’agit de la seconde mais en 2024, nous avons analysons les principales tendances concernant leurs consommation de médias alors que cette année, nous nous sommes concentrés sur l’écosystème vidéo.
IN : Quels sont, selon vous, les principaux enseignements de votre enquête?
M. F. : La tendance qui nous a le plus surpris concerne la SVOD. Les plateformes de vidéo à la demande par abonnement comme Netflix, Prime Video ou Disney +, semble avoir atteint un plafond de verre. Elles ont triplé de volume ces deux dernières années mais leur croissance commence à se stabiliser.
IN: Comment expliquez-vous ce phénomène?
M. F. : C’est assez simple. Les études montrent que nous disposons en moyenne de 5 heures de temps libre par jour. 3 à 4 heures de ce temps est déjà consacré aujourd’hui au visionnaire de vidéos par abonnement. Cette plage horaire ne peut pas continuer d’augmenter au même rythme que dans le passé. Nous constatons qu’il existe des transfert des audiences d’un média à un autre mais ce mouvement ne va pas profiter à un seul et même média. Notre étude le prouve clairement. Ainsi, même si la consommation de SVOD des Prosumers âgés de 25 à 49 ans ne diffère guère de celle des individus mainstream, ils se rendent au cinéma au moins une fois par mois pour 33,1% d’entre eux contre seulement 18,7% des individus mainstream. Leur consommation de l’AVOD sur TV est même supérieure de 5 points à celles des individus mainstream. A l’inverse, leur consommation de la TV linéaire et de BVOD (contenus produits par les opérateurs et disponibles gratuitement à la demande et en ligne comme TF1+ et 6Play, ndlr) représente 4 points de moins que celle du reste de la population.
IN : La TV linéaire semble toutefois faire de la résistance…
M. F. : C’est très clair. Beaucoup laissaient entendre ces dernières années que la TV linéaire était morte mais c’est loin d’être le cas. Leurs potentiels de reach atteignent des sommets mais la consommation se transforme, notamment grâce aux offres des constructeurs. La TV de demain sera Smart et les Prosumers âgés de 15 à 34 ans ont une consommation trois fois supérieure à celles des individus mainstream sur des plateformes comme Samsung TV, Apple TV. Ces profils ont tendance à picorer. Cette accélération du « cherrypicking » de contenus variés s’est beaucoup développé. Ainsi, une personne sur deux consomme de nombreuses chaînes vidéo différentes.
IN : Comment les annonceurs vont pouvoir s’adapter à cette nouvelle donne ?
M. F. : Ils vont devoir trouver les carrefours d’audience les plus adaptés aux contenus et aux messages qu’ils souhaitent diffuser. Cette fragmentation des audiences va leur compliquer la tâche et certainement entraîner une hausse de leurs dépenses mais les résultats qu’ils vont enregistrer seront supérieurs à ceux affichés dans le passé. Les agences vont, elles aussi, devoir s’équiper pour mieux comprendre la complémentarité de toutes les plateformes disponibles. Il ne fait toutefois aucun doute que la publicité est et restera un levier clé de performance et de construction de marque. 47% des prosumers jugent en effet la publicité télévisée divertissante, contre 22% des individus mainstream. De plus, 51% d’entre eux acceptent la publicité si cela leur permet d’accéder gratuitement aux programmes, contre 39% pour le grand public.