17 janvier 2024

Temps de lecture : 3 min

Les mots à connaître en 2024 : Solocratie

Les derniers bouleversements de notre société sont désormais plus souvent liés à l’accumulation de crises et de pics d’accélérations technologiques que de glissements discrets et progressifs d’une situation. C’est sans doute pourquoi nous prêtons moins attention à ce qui sera, pourtant bientôt, une nouvelle donne socio-économique de notre pays, l’avènement des foyers solos.  

Selon l’INSEE, le nombre de foyers français composés d’une seule personne est en effet en constante augmentation : de 22% en 1975 à 35% aujourd’hui, il pourrait atteindre 43% en 2030. Cette tendance est évidemment portée par le vieillissement de la population, liée à une érosion de la natalité et l’arrivée aux grands âges des nombreux baby-boomers, avec une plus grande espérance de vie en bonne santé que les générations précédentes. Ainsi, en 2050, plus de 2 millions de personnes de 85 ans et plus vivront seules, soit deux fois plus qu’en 2018. De même, les familles monoparentales, essentiellement représentées par des mères célibataires, continueront à renforcer les rangs de ces foyers solos, à hauteur de 7% en 2050.

Pourtant, ce qui affectera le plus demain la croissance et la taille des ménages en France ne sera pas l’âge du départ du foyer des enfants ou le placement en maisons médicalisés de nos anciens, mais bien l’évolution du taux de cohabitation à un âge donné, autour d’hypothèses sur le nombre de séparations et la part des personnes vivant volontairement seules et sans enfants. Quand on sait aujourd’hui que près d’un mariage sur deux en France se termine en divorce (sans compter les Pacs et les unions libres) et que déjà 30% des femmes en âge de procréer déclarent ne pas vouloir d’enfants (Ifop pour le magazine Elle, 2020), les hypothèses vont bon train. D’autant que l’éco-anxiété est la première raison évoquée par 39% des femmes ne désirant pas d’enfant et 44% quand elles sont très sensibles à la cause écologique ; une préoccupation qui ne risque malheureusement pas de diminuer à moyen terme.

Qui sont les célibattants ?

Au-delà, le célibat est désormais envisagé comme une possibilité non anxiogène : fin 2022 déjà, dans une étude Sociovision, près de la moitié des Français reconnaissait ne pas être dérangée par l’idée de vivre seul, soit 3 points de plus qu’en 2020. Certains même y voient un moyen de reprendre le contrôle de leur vie, en faisant fi des préjugés, comme dans le livre Vieille Fille de Marie Kock ou le tube planétaire Flowers de Miley Cyrus (chanson la plus écoutée sur Spotify en 2023).

Cette évolution démographique silencieuse, corrélée à la montée de l’individualisme de nos sociétés urbaines et l’exercice des confinements, ne sera pas sans conséquences sur nos attentes, usages et comportements. Elle vient renforcer le constat posé par Vincent Cocquebert, dans son dernier essai Unique(s), d’une société toujours plus égocentrée qui peine à imaginer du commun.

Mais tout cela masque mal le sentiment régulier d’isolement relationnel dont souffre ouvertement déjà 1 personne sur 5 de plus de 15 ans en France (Crédoc/Fondation de France, Solitudes 2022). Ce à quoi la technologie pourrait offrir rapidement une réponse : comme l’appli Replika, qui propose dès aujourd’hui, pour 300$, un compagnon virtuel, à totale disposition, sans sautes d’humeur et toujours fidèle. Ce qui pourrait nous faire préférer demain la compagnie de robots humanoïdes, construits à l’image de nos stars préférées et déstabiliser les applis de dating.

Quoiqu’il en soit, cette perspective socio-démographique pourrait venir confirmer le désir de premiumisation et de considération, observées sur nombre de secteurs au-delà du luxe, proposant produits et services sur-mesure, dédiés à ce statut particulier, désormais valorisable, du célibattant. Des offres qui misent sur un bien-être individuel optimisé d’un célibataire qui doit prendre autant soin de lui que de sa carrière, avec l’explosion de nouvelles pratiques comme le yoga, la méditation, les voyages, jusqu’à la lune de miel en solo (#meemoon et ses 11,7 millions de vues sur Tiktok) ou encore l’explosion du coaching, comme l’a très bien compris Google qui lance son programme d’accompagnement personnalisé, le Google Life Advice.

Il est possible d’imaginer que ce statut influence également une nouvelle vision du monde en redimensionnant nos horizons dans un contexte où ce qui est exogène ou trop grand nous échappe. Il n’y a qu’à regarder les propositions des créateurs avec leur micro accessoires, les micro doses de produits de beauté ou de substances psychédéliques pour nous aider à planer en douceur, ou encore le succès des Tiny houses ou Tiny shops. Sans parler des portions alimentaires qui se réduisent de plus en plus pour éviter le gaspillage à des célibataires pressés mais responsables.

Tout devient mini dans notre vie !

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