12 juin 2022

Temps de lecture : 3 min

« Les cryptomonnaies resteront un outil de spéculation pendant un bon moment», Bertie Bosrédon.

Français expatrié au Royaume-Uni, celui qui sedécrit comme étant une sorte de « responsable digital en libre-service », Bertie Bosrédon a vingt ans d’expérience dans le domaine de la communication et de la collecte digitale. Il explique à INfluencia pourquoi les cryptomonnaies vont rester un outil de spéculation à long terme. Par ici l’inteview de l’électron libre.

INfluencia Les cryptomonnaies sont de plus en plus utilisées de nos jours. Est-ce une bonne chose?

Bertie Bosrédon : Je ne sais pas si l’utilisation des cryptos a vraiment augmenté. Il me semble qu’il y a de plus en plus d’investisseurs mais encore peu d’utilisation au quotidien pour des transactions commerciales.

J’imaginais que ces devises numériques aurait surtout une utilité dans les pays où l’accès aux banques est plus difficile mais il y a d’autres solutions plus pratiques comme M-Pesa qui regroupe déjà plus de 50 millions d’utilisateurs dans une dizaine de pays.

En 2015, j’ai vu un distributeur à bitcoin dans un café hipster du nord de Londres. Ces distributeurs sont aujourd’hui interdits au RoyaumeUni. Suite à cette interdiction en mars dernier, plus de 100 sociétés ont cessé leur activité. Il me semble donc que les cryptomonnaies sont plus une forme de spéculation qu’un outil qui va révolutionner les échanges monétaires entre les individus.

IN : Quel est l’impact environnemental de ces devises digitales ?

B.B. : Leur impact environnemental est bien documenté et c’est une catastrophe. Il y a de nombreuses comparaisons avec l’énergie utilisée par des pays. Une étude de 2020, de l’université de Cambridge estime que Bitcoin génère 132.48 térawatt-heure (TWh) par an, soit plus que la Norvège (123 Twh, 5.4 millions d’habitants). La même étude estime que le Bitcoin produit 40 milliards de tonnes de CO2 pour le Bitcoin… juste pour les Etats-Unis.

La deuxième cryptomonnaie la plus populaire au monde, l‘Ethereum, ne fait pas mieux avec une estimation de 112.6 Térawatt-heure par an, soit plus que l’émission de la Belgique dans son ensemble. Chaque transaction utiliserait 268.6 kilowattheure, ce qui équivaut à la consommation d’une famille américaine pendant 9 jours.

Il existe un calculateur très bien fait par Digiconomist qui montre l’impact environnemental des cryptos. On sait par exemple que l’empreinte carbone d’une transaction en Bitcoin est équivalente au visionnage de 197.059 heures de vidéos sur YouTube, soit 22 ans !

IN : Ce mauvais bilan peut-il être réduit?

B.B. : Ce bilan pourrait être réduit en changeant le mode de vérification de Proof of Work à Proof of Stake. C’est un protocole plus récent et plus complexe à mettre en place.

Ethereum a annoncé ce changement de protocole en 2018. Ils sont toujours en période de test et on attend une date officielle mais vraisemblablement ça n’arrivera certainement pas avant la fin de l’année 2023https://www.gfinityesports.com/cryptocurrency/ethereum-2-release-date-eth2-roadmap-phases-is-ethereum-2-new-coin-serenity/. Pour ce qui est de Bitcoin, je n’ai vu aucune information sur un changement de protocole et je ne sais pas si la campagne lancée par Greenpeace en mars dernier aura un impact.

IN : Les crypto sont-elles un danger ou une chance?

B.B. : Hormis le danger environnemental, à mon avis les cryptos sont l’arbre qui cache la forêt. Lorsque je me suis lancé dans la création de sites web en 1995 à Dijon, la plupart des entreprises que je rencontrais me disaient qu’internet n’avait pas d’avenir, que c’était juste des sites pornos et que je ferais mieux de faire autre chose. Je suis alors parti à Londres !  Mais cette comparaison me revient aujourd’hui car je crois plus aux Smart Contracts de la blockchain qu’aux cryptos. Il existe quelques tests de blockchains ecofriendly comme Distro dans le port de Rotterdam mais c’est encore rare.

IN : Des ONG ont tenté d’accepter des cryptomonnaies. Est-ce une bonne idée?

B.B. : Les décisions éthiques doivent être discutées en interne et l’équipe communication doit préparer des arguments en cas de crise car la réputation des ONG peut être mise en question. En mars dernier, WWF UK a mis fin à sa campagne NFT après tout juste 48 heures suite aux nombreux commentaires négatifs sur Twitter l’accusant de greenwashing. Pendant ces 48 heures, ils ont récolté $46,600 avec 174 NFTs. Selon une recherche du NFT Club, ajouter un NFT sur la blockchain c’est 83kg de CO2, chaque enchère 23kg, une vente 51kg, et un transfert 30kg, c’est donc minimum 187kg de CO2 par NFT et, pour WWF plus de 32 tonnes de CO2. En comparaison,  une transaction Visa c’est 35 grammes de CO2.

D’autres ONG ont cessé d’accepter les dons en crypto comme Greenpeace, Wikimedia Foundation ou International Animal Rescue.

IN : Les marques doivent-elles s’engouffrer sur ce marché?

B.B. : Je pense que les marques ont des équipes de communications plus expérimentées dans le greenwashing donc elles prennent sûrement moins de risques que les associations lorsqu’elles acceptent les cryptos.

IN : Quel est l’avenir des cryptomonnaies ?

B.B. : Je ne pense pas que les cryptos subiront le meme sort que les emprunts russes au début du XXe siècle mais j’imagine que ces monnaies resterontun outil de spéculation pendant un bon moment avant qu’une utilisation pratique et écologique émerge.

IN : Ces devises doivent-elles être mieux régulées et si oui, comment est-il possible de le faire?

B.B. : Pour l’instant, il y a des recommandations au niveau européen mais pas encore de framework pour les cryptos. Je sais que la Banque de France travaille sur une Central Bank Digital Currency et qu’il y a un projet européen de Digital Euro mais c’est encore récent. Cependant une régularisation étatique me semble aller à l’encontre de la philosophie décentralisée de la blockchain et des cryptos. Mais tout ça va bien au-delà de mes compétences de consultant digital…

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