21 juillet 2022

Temps de lecture : 4 min

Les 5 pays les plus pollueurs ont coûté 6 trillions de dollars à l’économie du reste du globe

Une enquête particulièrement attendue décortique enfin le lien des émissions de gaz à effet de serre des pays les plus riches et leur impact économique sur les Etats les plus pauvres. Conduite par des chercheurs du Dartmouth College, cette étude pourrait entraîner des conséquences dans notre manière d’appréhender la diplomatie intergouvernementales ces prochaines années.

A qui profite… et dessert le crime ? Avant toute chose, commençons par poser les termes du débat. La majorité des gaz à effet de serre émis à travers le monde provient à la fois de processus naturels et d’activités anthropiques. Concernant cette deuxième catégorie, près de 87% des émissions de dioxyde de carbone attribuables à l’homme sont causés par la combustion d’énergies fossiles, tels que le charbon, le gaz naturel et le pétrole, selon l’enquête The Global Carbon Budget conduite entre 1959 et 2011 par une trentaine de chercheurs renommés. Le reste serait dû au défrichage des forêts et à d’autres altérations dans l’utilisation des sols – 9% –, ainsi que par certains procédés industriels, tels que la fabrication de ciment – 4% –. Dès lors, il n’est pas étonnant que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat affirme que les émissions provenant des activités anthropiques sont probablement la cause principale du réchauffement observé depuis le milieu du XXe siècle.

Mais qu’en est-il de l’impact économique et politique ? On sait depuis de nombreuses années que les émissions de gaz à effet de serre sont essentiellement causées par un nombre très restreint de pays industrialisés, mais pour quelles conséquences sur le reste du globe ? Une enquête publiée le vendredi 15 juin dernier répond pour la première fois à cette éternelle question. En tant que premier émetteur historique de gaz à effet de serre, les États-Unis, par exemple, portent une responsabilité écrasante dans la détérioration du climat mondial. Selon les chercheurs de l’université de Dartmouth, ces dommages s’élèveraient ainsi à 1 900 milliards de dollars. My god.

 

Une enquête attendue

Dans la première étude de ce type, des universitaires du Dartmouth College ont quantifié le lien entre les émetteurs et les dommages économiques que leurs émissions ont causé aux différents pays du monde. Pour ce faire, ils ont examiné les pertes et les gains de PIB dans 143 pays pour lesquels des données étaient disponibles. Comme l’explique l’un des auteurs, Justin Mankin : « Les gaz à effet de serre émis dans un pays provoquent un réchauffement dans un autre, et ce réchauffement peut impacter la croissance économique de ce dernier ». Avant de poursuivre : « Cette recherche fournit des estimations juridiquement valables des dommages financiers que certaines nations ont subi en raison des activités des autres pays qui modifient le climat ».

 

 

Cette étude, qui combine des données historiques et des modèles climatiques, s’est concentrée sur l’impact économique du réchauffement des températures, conséquence des émissions rejetées entre 1990 et 2014. Les pays dont la croissance du PIB par habitant a été la plus affectée par ces émissions américaines se situaient de manière disproportionnée dans le Sud. Quelques pays, dont la Russie, l’Islande, la Finlande et le Groenland, ont vu leur économie progresser de façon spectaculaire en raison de ces émissions. Selon les résultats obtenus, les dommages attribués aux cinq plus grands émetteurs, les États-Unis, la Chine, la Russie, le Brésil et l’Inde, ont ainsi causé collectivement 6 000 milliards de dollars de pertes de revenus, soit 11 % du PIB mondial.

 

L’exemple Philippin

Des chiffres ahurissants mais qu’il est difficile de rendre tangibles. Prenons un cas concret : Les États-Unis, par exemple, ont infligé aux Philippines des pertes économiques de 34 milliards de dollars entre 1990 et 2014. Selon les chercheurs, les émissions américaines ont entraîné une variation de 0,054 degré Celsius des températures moyennes mondiales au cours de cette période. Cela s’est traduit par un changement de 0,04 degré Celsius de la température moyenne en Indonésie au cours de la même période, un changement attribuable uniquement aux émissions des États-Unis.

Comme l’analyse Christopher Callahan, l’un des auteurs de l’étude : « Ce changement peut sembler minime, mais comme l’Indonésie est un pays chaud et tropical, les hausses de température sont tout à fait néfastes pour son économie. Chaque augmentation d’un degré de sa température locale réduit sa croissance économique de 1,6 point de pourcentage ». Si l’on rassemble ces chiffres, on constate que les États-Unis ont réduit la croissance économique de l’Indonésie de 0,065 point de pourcentage chaque année au cours de cette même période. Et, toujours selon ce dernier, l’Indonésie étant un pays très peuplé et doté d’une économie importante, même ces petites réductions de la croissance économique s’ajoutent à un chiffre absolu important : une perte de 124 milliards de dollars sur la période.

 

 

 

Coûts économiques face aux coûts diplomatiques

Des évaluations quantitatives comme celles-ci sont utiles pour élaborer des politiques et des accords de sobriété énergétique équitables et, éventuellement, pour fournir une base juridique en vue d’éventuelles instructions juridiques. Vous voyez le Venezuela déposer une plainte contre les États-Unis en les accusant d’avoir durablement impacté leur économie ? Nous pas trop. Pourtant, ce travail de recherche apporte véritablement une réponse « à la question de savoir s’il existe une base scientifique pour les revendications de responsabilité climatique. La réponse est oui », a déclaré Christopher Callahan, l’un des auteurs de l’étude, dans un communiqué. « Nous avons quantifié la culpabilité de chaque nation dans les changements historiques de revenus induits par réchauffement climatique ». Le mot est fort mais juste.

Interrogé par l’émission Your Morning de CTV, Nikki Reisch, directrice du programme sur le climat et l’énergie du Center for International Environmental Law, a déclaré qu’aucune étude ne permettrait à elle seule de prouver la légitimité d’une affaire juridique, tout en avouant que l’étude était importante pour d’autres raisons. « D’abord, cette étude démontre à quel point l’impact économique du changement climatique est inégal et quels pays ont le plus contribué à ce coût croissant ». Selon M. Reisch, l’étude montre qu’il est possible de « relier les points » entre la pollution dans un pays et les dommages dans un autre, même si le fait de poursuivre un pays en justice pour des dommages climatiques entraînerait des coûts diplomatiques importants. « Mais ce calcul politique pourrait bien être en train de changer, car nous vivons au milieu d’une crise climatique qui s’accélère et qui fait peser des menaces littéralement existentielles sur certains pays et certaines communautés », a-t-elle déclaré. En bref, notre exemple de tout à l’heure sera peut-être loin d’être ubuesque dans les années à venir.

 

 

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