#1 – Etre un business punk
Pour faire la promotion de son nouvel opus, Jay-Z n’a utilisé aucune des règles classiques de lancement d’album. Pas de single en radio, pas de promo journalistes, la stratégie a été totalement différente. Au contraire, l’artiste a su se faire désirer et utiliser le bon contexte. Un mini-film de trois minutes a été diffusé au cours du cinquième match des Finales NBA en guise d’unique promotion, pour créer le buzz. Ce petit film se terminait par une phrase de Jay-Z : « il faut inventer de nouvelles règles ». Quelques minutes plus tard, un autre film était diffusé et les mots SAMSUNG GALAXY projetés sur l’écran. Les téléspectateurs étaient alors dirigés vers un site permettant de télécharger une application gratuite, donnant accès à l’album cinq jours avant sa sortie. 1 million de copies numériques ont ainsi été vendues, assurant l’album de platine avant il est même sa sortie officielle. Le partenariat entre Samsung et Jay-Z a été estimé à 20 millions $ selon le Wall Street Journal. En se montrant aussi visionnaire, Jay-Z a clairement fait bouger les lignes.
L’enseignement : inventer de nouvelles règles du jeu est une question de volonté et de courage. En ne s’inscrivant pas dans les schémas classiques mais tout en assurant un mix win-win entre l’ambition et le bon partenariat, Jay-Z a tout simplement démontré que la stratégie n’est pas morte. Sortir du lot avec intelligence est toujours aussi important quand on est une marque et une stratégie porteuse de retour sur investissement.
#2 – Descendre dans l’arène
Le 8 juillet, Jay-Z a créé l’évènement sur son compte Twitter. Alors qu’il était très rare sur le réseau social (il ne l’avait utilisé que 4 fois dans toute l’année 2012), le rappeur a cette fois tweeté pendant quasiment une journée entière, répondant à tous ses fans sur différent sujets et plaçant le hashtag #MCHG numéro 2 des Trending Topics mondiaux. Pour tous il a eu un petit mot, une petite critique, une anecdote, réagissant aussi bien aux compliments qu’aux inévitables critiques. Suscitant d’abord l’incrédulité (car beaucoup ont pensé que le compte du rappeur avait été hacké), Jay-Z a joué à fond la discussion, la carte de la communauté, mais surtout celle de la surprise… Les résultats parlent d’eux-mêmes : l’événement a été mentionné plus d’1.5 million de fois, généré plus de 325 000 mentions en 24 heures et obtenu un impressionnant x15 du nombre de fans normalement obtenus sur la même période.
L’enseignement : Be spontaneous or die. Les réseaux sociaux ne sont pas des medias comme les autres. Jay-Z l’a très bien compris, et utilisé Twitter comme un outil vivant, où le live, la spontanéité sont essentiels. Loin des tweets sponsorisés et des stratégies pré-packagées, les marques peuvent aussi faire vibrer le monde si elles savent être naturelles.
#3 – Inspirer le respect en prenant des risques
Continuant sa stratégie de lancement, imaginant presque un « coup » par jour, Jay-Z a réalisé une performance incroyable le 10 juillet en interprétant la chanson « Picasso Baby », a capella, 6 heures sans s’arrêter dans une galerie d’art. Se transformant en œuvre vivante, Jay-Z a réalisé une performance saisissante inspirée par l’artiste Marina Abramovic (d’ailleurs présente lors de l’événement) qui s’était installée dans la cour intérieure du Musée d’Art Moderne de Manhattan et y était restée assise pendant plusieurs mois dans le cadre de l’exposition ‘The Artist Is Present’. Cette dernière s’était mutilée sous les yeux du public. Cet hommage à l’art contemporain et au body art semble inattendu de la part d’un rappeur, comme l’attestent des réactions contrastées (NDA : dont cet article ridicule et inculte qui mérite d’être souligné) mais à l’heure où les artistes rechignent à prendre des risques, il continue de montrer à quel point le génie de Jay-Z l’a incité à prendre des risques.
L’enseignement : savoir se mettre en danger pour se rapprocher de ses publics. Les expériences artistiques dont Marina Abramovic est une pionnière méritent qu’on s’y attarde un peu pour mieux comprendre. Voici ce qu’elle en dit : « (le corps) est un lieu de sacrifices et de légendes. Je crée des situations sans intermédiaire entre l’artiste et le public. La performance n’est pas une disparition, mais au contraire une présence au monde. C’est une façon de renouer avec des cultes primitifs et des rituels. » C’est aussi ce que les marques doivent faire. Savoir se montrer elles-mêmes, directement, sans artifice. L’art brut.
#4 – Pratiquer le potlach
Il y a fort à parier que la stratégie de Jay-Z n’est pas terminée. Toute sa stratégie rappelle simplement que le business et les nouvelles règles de communication sont basées sur une nouvelle donne : le potlach. Il s’agit d’un « comportement culturel, souvent sous forme de cérémonie plus ou moins formelle, basé sur le don. (…) Un système de dons / contre-dons dans le cadre d’échanges non marchands. » où un individu donne et reçoit en échange. Un système vieux comme le monde. Mais qui est aujourd’hui réinventé à l’heure du Brand Content, comme l’exprime Olivier Altmann, co-président de Publicis Conseil en charge de la création en préface de mon livre « Les Nouveaux Défis du Brand Content – Au-delà du Contenu de Marque » : « Le Brand Content c’est finalement ce que devrait être la bonne publicité. Un échange entre une marque réussissant à construire une relation émotionnelle avec son public et un consommateur ayant le sentiment d’être diverti sans sentir la pesanteur d’une pression commerciale ». Ces nouveaux liens sont au cœur du dialogue entre une marque et ses publics.
L’enseignement : devenir un media du présent. En donnant, en étant généreux de bien des manières, Jay-Z offre à ses publics bien plus qu’un album, bien plus qu’un produit. Il offre un univers, il s’engage, il propose, il invite. En comprenant que ses consommateurs sont avant tout des publics, il crée l’événement. Il marque durablement les esprits.
Thomas Jamet – Moxie – Président / CEO
thomasjamet.com / @tomnever
Auteur de « Renaissance Mythologique, l’imaginaire et les mythes à l’ère digitale » (François Bourin Editeur) et « Les Nouveaux défis du Brand Content – Au-delà du Contenu de Marque » (Pearson Village Mondial)