INfluencia : que retenez-vous de cette édition 2024 des Cannes Lions ?
Laurent Solly : s’il fallait faire le bilan de cette année, il porterait sur l’essor très rapide de l’intelligence artificielle dans notre secteur. C’est certainement le mot qui est revenu le plus dans les discussions. Pour être plus spécifique, ce qui marque, c’est la rapidité de l’évolution du secteur en un an : l’intelligence artificielle est aujourd’hui présentée comme un élément absolument structurant pour le marché de la publicité dans les années à venir.
Le deuxième sujet, c’est l’utilisation et le mariage entre créativité et technologie (et donc l’IA) : pour qui ? comment ? avec quel rôle pour les grandes agences ? Celles-ci qui ont toujours une place très importante dans la définition de la création, de l’idée, de l’émotion, de la façon de toucher le public, de raconter les histoires. D’ailleurs on le voit très bien avec les prix qui ont été décernés cette semaine : le talent, l’idée et la création sont toujours indispensables. Mais dans le fond, la technologie et l’innovation technologique au sens large ont toujours été des outils qui ont permis aussi d’exprimer cette créativité.
IN : et pour Meta ?
L.S : j’ai plus que jamais le sentiment que Cannes est vraiment devenu le point de rencontre de toute l’industrie de la créativité, de la communication, du marketing, de la publicité… et du business. Parce que tout ça, ce sont des leviers de la performance des entreprises. Donc on y trouve aussi bien les grandes agences que des plus petites, d’à peu près toutes les nationalités, dans le domaine de la création ou l’achat média, ainsi que les plateformes technologiques, les médias, et les marques. Les grands groupes comme Mondelez, Unilever, LVMH et beaucoup d’autres sont d’ailleurs présents ici avec des délégations souvent très importantes.
Et puis, pour une entreprise comme la nôtre et nos équipes, Cannes, c’est un moment pendant lequel le marché se concrétise. Là, autour d’une table, d’un petit-déjeuner, d’une conférence, on nous pose des questions, on nous challenge, on nous interroge sur nos outils. Cela nous permet d’expliquer ce qu’on fait, de présenter notre roadmap, notre timing, les premiers résultats… et aussi d’être à l’écoute du marché et de ses préoccupations.
IN : en termes de roadmap, justement, on voit que vos innovations dans le domaine de l’IA sont d’abord lancées outre-Atlantique et en Asie, alors que l’Europe semble moins concernée…
L.S : en effet, l’assistant Meta.AI se déploie progressivement dans le monde, et vous allez le retrouver sur Facebook, sur Instagram, sur WhatsApp et dans les lunettes connectées… Bien sûr, nous avons pour les annonceurs des produits publicitaires générés par IA et des technologies d’IA générative qui seront intégrés à nos outils publicitaires pour aider à la conception même des contenus publicitaires.
En Europe, le régulateur a défini des règles spécifiques depuis le RGPD, avec d’autres textes ensuite, comme le DSA et le DMA, complété par des décisions au niveau de la Cour de justice de l’Union européenne ou de notre régulateur de référence, le DPC en Irlande. Donc oui, il y a des débats sur l’utilisation de l’IA en Europe, sur l’utilisation des datas qui entraînent les modèles, sur comment des outils – ceux de Meta, mais tant d’autres – peuvent se déployer, comment les entreprises qui investissent dans l’IA peuvent travailler en Europe, utiliser les datas d’entraînement des Européens, etc. La position du régulateur européen est un peu différente. Nous la respectons.
IN : avez-vous une idée de la date de déploiement de Meta AI en Europe ?
L.S : le plus vite possible, on espère ! Nous pensons qu’il ne faut pas perdre de temps, parce qu’il s’agit d’une révolution qui va très vite… Il faut que l’Europe reste à la pointe de cette innovation technologique, d’autant qu’il y a beaucoup d’Européens très talentueux dans l’IA, et notamment des Français, mais aussi des Allemands, des Néerlandais, des Anglais. L’IA vient aussi de la recherche poussée d’Européens. Donc ce que nous disons sur le sujet c’est que, bien sûr qu’il faut de la régulation – nous l’avons toujours réclamée – mais il faut aussi de l’innovation, pour que l’Europe soit l’un des moteurs de la révolution de l’intelligence artificielle. C’est d’ailleurs en Europe, à Paris, que nous avons installé il y a 10 ans notre grand laboratoire d’IA où nous continuons à investir. C’est une équipe très importante qui comporte maintenant aussi une équipe de Generative AI. L’Europe a toute sa place dans l’IA.
IN : avec l’IA, le sujet du métavers, que Meta a porté ces dernières années, semble un peu en retrait…
L.S : Non, pas du tout. Le sujet métavers a toujours été présenté comme un projet à 5 à 10 ans et il y a eu récemment des progrès assez considérables. Nous avions des démonstrations du Meta Quest 3 sur notre plage : cette technologie de réalité mixte n’existait pas en 2022. Nos lunettes connectées embarqueront demain de la réalité augmentée : elles n’existaient pas il y a deux ans. Et nous voyons déjà des déploiements du métavers, notamment en B2B dans des secteurs particuliers, comme la santé et la formation, sans parler du gaming pour le grand public. Donc nous continuons ! D’autant plus que l’intelligence artificielle et le métavers sont deux piliers complémentaires : sans IA, on ne peut pas accélérer sur certaines technologies. Sans IA, il n’y a pas de réalité mixte par exemple. Donc Meta continue d’investir dans le métavers, nous annoncerons des innovations en septembre lors de notre conférence « Connect » où Mark Zuckerberg prendra la parole : rendez-vous le 24 et le 25 septembre.