23 avril 2024

Temps de lecture : 2 min

Laurence Gosse (ISCOM) : « L’IA peut créer des deepfakes mais aussi les détecter ».

L’école supérieure de communication et publicité (ISCOM) propose à ses étudiants de première année une matinée de cours dédiée à la sensibilisation aux deepfakes. Laurence Gosse, la directrice scientifique de cet établissement qui possède dix campus en France, nous explique les dangers liés à ces vidéos truquées et les enjeux de la formation pour les déceler.

TECH

INfluencia : Qu’appelle-t-on un deepfake ?

Laurence Gosse : Un deepfake est une vidéo qui a été détournée de son message initial grâce à l’intelligence artificielle. Les logiciels peuvent désormais « calquer » le corps et le visage d’une personne sur les mouvements effectués par un autre individu sur des images filmées. Le morphing peut notamment transposer votre visage sur celui de Leonardo Di Caprio par exemple. Votre voix aussi peut-être modifiée pour imiter celle d’une autre personne et vous pourrez ainsi lui faire dire ce que vous souhaitez. Ce deepfake de l’acteur Morgan Freeman en est un exemple parfait.

IN : Quand est apparu ce phénomène ?

L. G. : Le cinéma a été la première industrie à utiliser ces technologies dans certains long-métrages. Notamment Terminator 2. Ce phénomène s’est ensuite démocratisé au fur et à mesure de l’arrivée des nouvelles technologies et de logiciels gratuits de plus en plus efficaces.

IN : À quand remonte l’arrivée massive des deepfakes sur le web ?

L. G. : À deux ans environ. Toutes ces vidéos truquées ne cherchent toutefois pas à manipuler les personnes qui les regardent. Loin de là.

IN : Quelles sont les motivations alors des personnes qui diffusent ces fausses vidéos dont le nom est la contraction de « deep learning » et de « fake » ?

L. G. : La plupart de ces vidéos sont ludiques et humoristiques. Elles sont souvent publiées par des jeunes qui veulent amuser leurs copains et les internautes en faisant dire des choses amusantes à des personnes connues ou en posant leur visage sur le corps d’une star. On peut classer dans cette catégories la fausse interview de Hugo Decrypte avec la chanteuse Angèle.

Certains deepfakes ont, quant à eux, une vocation créative. C’est notamment celui de la publicité Cartier tournée par le réalisateur Guy Ritchie qui montre Catherine Deneuve à différentes périodes de son existence.

Les autres deepfakes sont ceux qui posent problème car ils cherchent à faire de la propagande et à manipuler l’opinion. Des étudiants de l’Université de Washington ont montré l’efficacité de l’IA dans ce domaine en créant une fausse vidéo de Barack Obama.

 

IN : L’arrivée de l’IA générative ne va-t-elle pas encore accélérer ce phénomène ?

L. G. : C’est déjà le cas. Les nouvelles technologies vont être de plus en plus perfectionnées et c’est pour cela qu’il va falloir faire très attention et mieux éduquer les jeunes notamment afin qu’ils prennent conscience des risques liés à ces fausses vidéos.

IN : Existe-t-il des moyens de détecter les deepfakes ?

L. G. : Oui, bien sûr. Il existe des logiciels qui le permettent. Mais, l’intelligence artificielle peut aussi créer des deepfakes capables de les détecter.

IN : Les jeunes sont des boulimiques de l’image. Pensez-vous qu’ils prendront le temps de vérifier la véracité des vidéos qu’ils regardent par milliers ?

L. G. : Non, c’est pourquoi il est important de bien les former. Il n’est pas facile de séparer le bon grain de l’ivraie. Lors de la formation que nous proposons à nos étudiants, ils doivent répondre à un quiz qui comprend vingt vidéos et déceler les deepfakes. Je peux vous dire que ce challenge n’est pas simple à relever. La méthode la plus simple est d’identifier l’origine de la vidéo. Regarder les images au ralenti permet également souvent de déceler certaines erreurs de synchronisation et de voir des différences entre le mouvement des lèvres et les paroles prononcées par la voix que vous entendez. Pour résumer, méfiez-vous des contrefaçons mais sachez également que chaque poison ou presque possède son antidote.

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