La SACD alerte sur la disparition de la fiction radio du service public
La suppression de l’émission Autant en emporte l’Histoire sur France Inter marque une rupture brutale dans l’histoire de la fiction radiophonique publique. Dans un communiqué diffusé ce lundi, la SACD appelle Radio France à clarifier urgemment ses engagements et alerte sur l’avenir d’un genre qui fut longtemps un pilier culturel du média radio.
Le paysage sonore du service public s’apprête à perdre une voix singulière. Celle de la fiction, de ses récits écrits pour l’oreille, de ses comédiens invisibles, de ses ambiances immersives. À la rentrée prochaine, Autant en emporte l’Histoire, émission emblématique animée par Stéphanie Duncan, ne sera plus à l’antenne. France Inter met ainsi fin à ce rendez-vous de fiction historique, sans en annoncer ni le remplacement ni une quelconque alternative éditoriale. Une disparition qui, selon la SACD, constitue bien plus qu’une simple évolution de grille : c’est un décrochage net de Radio France avec l’une de ses missions historiques.
Dans un communiqué sans équivoque, la SACD exprime sa « vive inquiétude » et évoque une « suppression brutale, sans concertation ni communication ». Pour la société des auteurs, cette décision illustre l’incapacité du service public à proposer « une stratégie forte, cohérente et ambitieuse » pour la fiction radiophonique. Elle souligne aussi les conséquences concrètes : de nombreux auteurs et autrices se retrouvent sans perspective, alors même que 55 fictions originales ont été commandées dans le cadre de l’émission au cours des deux dernières années. La SACD y voit une perte sèche pour la création contemporaine, mais aussi pour la diversité des voix et des formes dans l’espace audio public.
Le malaise ne se limite pas à France Inter. Si France Culture reste encore l’un des derniers bastions actifs de la fiction radiophonique, plusieurs incertitudes planent également sur sa politique éditoriale en la matière. La SACD appelle Radio France à envoyer « sans tarder des signaux clairs et concrets ». Et le message est direct : le maintien d’une case dédiée à la fiction sur France Inter constituerait un geste fort, à la hauteur des attentes du public comme des créateurs. L’absence de toute annonce officielle ne fait qu’aggraver un sentiment d’effacement progressif, alors que la fiction sonore connaît paradoxalement un regain d’intérêt sur les plateformes, les podcasts natifs et même les réseaux sociaux.
Vers un cadre légal pour la fiction sonore ?
Mais l’intervention de la SACD ne se limite pas à une interpellation. Profitant de la discussion en séance publique à l’Assemblée nationale d’une proposition de loi sur la gouvernance de l’audiovisuel public, la société de gestion propose d’inscrire dans le cahier des charges de Radio France une obligation de production et de diffusion de fictions, à l’image de ce qui existe déjà pour la télévision. Ce qu’elle considère comme une anomalie réglementaire doit, selon elle, être corrigé de toute urgence. Pour Pascal Rogard, directeur général de la SACD, « la fiction radiophonique est un outil de démocratisation culturelle, un creuset d’innovation narrative, et un espace de liberté pour les auteurs ». Une telle disposition législative serait, selon lui, un levier décisif pour garantir à long terme la place de la fiction dans le service public.
Au-delà du choc immédiat, la disparition de Autant en emporte l’Histoire cristallise un débat plus large sur les missions fondamentales du service public de l’audiovisuel. À l’heure où les contenus audio se multiplient sur Spotify, Audible ou YouTube, la question n’est pas de savoir s’il existe encore un public pour la fiction sonore — il est là, curieux, multigénérationnel, en demande de récits exigeants. La vraie question est celle du rôle que veut jouer Radio France dans ce nouvel écosystème : être un acteur passif ou un moteur d’exigence artistique, capable de porter des formes originales, non formatées, et d’offrir aux auteurs un espace à la hauteur de leur ambition.
Alors que les débats parlementaires sur la gouvernance de l’audiovisuel public ont repris avec un texte rejeté d’emblée à l’Assemblée hier, la SACD renvoie chacun à ses responsabilités. La radio ne peut se contenter d’informer et de divertir : elle doit aussi faire entendre ce qui ne se voit pas, raconter ce que d’autres formats ignorent, et préserver cette forme d’intimité culturelle propre à la fiction. La suppression d’une émission, aussi emblématique soit-elle, ne signe pas encore une disparition totale. Mais elle envoie un signal dangereux. Et dans le silence des ondes, parfois, les absences parlent plus fort que les mots.