22 septembre 2023

Temps de lecture : 2 min

La protection des sources, « pierre angulaire » du journalisme, encore mise à l’épreuve

La longue garde à vue et la perquisition du domicile d’une journaliste d’investigation soulève une vague d’indignation en France, professionnels et ONG y voyant « une escalade » dans l’atteinte au secret des sources, « pierre angulaire » du journalisme mise à l’épreuve du secret défense.

Qu’était-il reproché à la journaliste?

D’après le média d’investigation Disclose, les mesures rarissismes ayant visé la journaliste Ariane Lavrilleux s’inscrivent « dans le cadre d’une enquête pour compromission du secret de la défense nationale » et « révélation d’information pouvant conduire à identifier un agent protégé ».

Selon la même source, la DGSI (direction générale de la sécurité intérieure) lui reprochait cinq articles publiés par Disclose depuis 2019.

L’un d’entre eux assure que la mission de renseignement française « Sirli », entamée en 2016 au profit de l’Egypte au nom de la lutte antiterroriste, a été détournée par l’Etat égyptien pour des frappes aériennes ciblant des véhicules de contrebandiers présumés, à la frontière égypto-libyenne.

Les autres portent sur la livraison d’armes à la Russie jusqu’en 2020, la vente de Rafale à L’Egypte et d’obus à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis (EAU), et sur « le transfert d’armes illicite des EAU vers la Libye ».

 

Pourquoi l’affaire indigne?

Pour Disclose, l’objectif de la DGSI était d' »identifier les sources » ayant permis « de révéler plusieurs scandales d’État ».

De nombreuses organisations de défense de la profession ou des droits de l’homme y ont également vu une « atteinte au secret des sources » et à la liberté de la presse.

Dans une lettre ouverte publiée jeudi, une quarantaine de sociétés de journalistes (SDJ), dont celles de Médiapart, de l’AFP ou de BFMTV, ont dénoncé une « situation gravissime » dans « un contexte de multiplication » des procédures visant la presse.

Ces dernières années, des journalistes de Disclose, Radio France ou TMC ont été convoqués par la DGSI et ont écopé de rappels à la loi après des enquêtes sur l’utilisation d’armes françaises au Yémen, tandis qu’Alex Jordanov, auteur d’un livre sur le renseignement intérieur, a été mis en examen, notamment pour divulgation du secret défense.

Légaux ou non, « les moyens employés contre Ariane Lavrilleux nous paraissent disproportionnés », explique à l’AFP Paul Coppin de Reporters sans frontières, évoquant une « escalade inquiétante » et une « forme d’intimidation pour les journalistes et leurs sources ».

 

Secret des sources, que dit la loi?

Le secret des sources journalistiques, « l’une des pierre angulaires de la liberté de la presse » selon la Cour européenne des droits de l’homme, est protégé en droit français depuis 2010 avec la loi Dati, venue compléter la loi de 1881 sur la liberté de la presse.

Ainsi, « il ne peut être porté atteinte directement ou indirectement au secret des sources », sauf si « un impératif prépondérant d’intérêt public le justifie et si les mesures envisagées sont strictement nécessaires et proportionnées ».

En outre, « cette atteinte ne peut en aucun cas consister en une obligation pour le journaliste de révéler ses sources ».

En 2016, un texte visant à renforcer cette protection a été retoqué par le Conseil constitutionnel.

 

Quid du secret défense?

Le secret défense restreint l’accès à des informations classifiées par le gouvernement dans l’intérêt de la nation.

Leur révélation est punissable pour les personnes non habilitées comme, en théorie, les journalistes, de 75.000 euros d’amende et de cinq ans de prison.

Mais le secret défense, « brandi à toutes les sauces » selon Dominique Pradalié, présidente de la Fédération internationale des journalistes, ne devrait « pas couvrir des crimes, des trafics d’arme, des compromissions avec des dictateurs », estime Edwy Plenel, le co-fondateur de Mediapart.

 

Et maintenant?

« La situation de la journaliste Ariane Lavrilleux montre qu’il faut aujourd’hui ouvrir un chantier sur la loi en vigueur« , a assuré sur X (ex-Twitter) Christophe Deloire, le délégué général des Etats généraux de l’information promis par l’Elysée et qui s’ouvriront le 3 octobre.

De quoi rassurer un peu les SDJ qui ont interpellé jeudi la ministre de la Culture Rima Abdul Malak et le président Emmanuel Macron sur cet « enjeu prioritaire ».

De son côté, « la ministre de la Culture défend toujours la liberté de la presse mais ne commente jamais une procédure judiciaire en cours« , a indiqué son cabinet à l’AFP.

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