28 juin 2023

Temps de lecture : 3 min

La crise au JDD relance la prise de conscience sur la limite des règles en vigueur dans les médias

Alors que la grève se poursuit au JDD, plusieurs intervenants au meeting de soutien organisé mardi 27 juin par Reporters sans frontières ont souligné l’importance d’évolutions réglementaires ou législatives protégeant l’exercice du droit à l’information et la profession de journaliste.

La rédaction du Journal du dimanche (JDD) a voté, mercredi 28 juin à 97 %, la reconduction du mouvement de grève lancé le jeudi précédent pour protester contre l’arrivée à sa tête de Geoffroy Lejeune, ancien directeur de la rédaction de Valeurs actuelles dont il a été récemment licencié. La décision avait été annoncée peu après que la Commission européenne a donné son feu vert sous condition au rachat de Lagardère par Vivendi, propriété de Vincent Bolloré. Un vote de la rédaction sans grande surprise après les deux événements de la veille. Le matin, la rencontre avec Arnaud Lagardère, propriétaire du JDD, ne l’avait « pas rassurée » et avait même démontré, selon sa société des journalistes (SDJ), « sa méconnaissance du profil de Geoffroy Lejeune, personne dont les valeurs sont en contradiction totale avec celles du journal ». « Arnaud Lagardère dit qu’il ne changera pas d’avis sur la nomination de M. Lejeune, nous non plus. Mais nous restons ouverts à la construction d’un projet alternatif sans Geoffroy Lejeune », avait-elle ajouté. Le soir, le meeting organisé par Reporters sans frontières (RSF) pour défendre l’indépendance du journalisme et le pluralisme de l’information avait fait salle comble. Des journalistes du JDD ont lu à tour de rôle un texte avec comme mot d’ordre : « Nous ne baissons pas les bras ».

Lors de ce meeting au Théâtre Libre dirigé par Jean-Marc Dumontet, de nombreuses personnalités du monde médiatique, politique et syndical pour « défendre un journal à un moment de rupture, de trahison » et « lancer l’appel du 27 juin pour l’indépendance éditoriale« , a noté Christophe Deloire, DG de RST. Plusieurs ont pris la parole : Sophie Binet et Marylise Léon, nouvelles secrétaires générales de la CGT et de la CFDT, Clémentine Autin (LFI), Marine Tondelier (EELV), l’économiste Julia Gagé, des représentants de l’intersyndicale SNJ-CGT-CFDT, des associations de défense du droit d’informer, des parlementaires, dont David Assouline, qui a mené l’an dernier au Sénat une commission d’enquête sur la concentration des médias. Vincent Bolloré « a menti pendant toute son audition [sous serment, ndlr] mais ce n’est pas là qu’il ment le plus. Avec lui, on assiste à une emprise [des médias] au nom d’une idéologie », a-t-il estimé.

Le droit à l’information et à informer a été au cœur des interventions. « En tant que syndicaliste, je sais que l’information et la propagande, c’est différent. De la propagande, on en fait tous les jours. Vous vous faites de l’information. […] Soutien total ! », a lancé Sophie Binet aux journalistes du JDD. Les interventions ont été émaillées de pistes à activer sur le plan législatif ou réglementaire pour protéger les rédactions des interventions de leurs actionnaires, comme ce qui s’est passé à i-Télé (devenu CNews), Canal+, Europe 1 dans la sphère des médias contrôlés par Vincent Bolloré ou aux Echos, propriété de Bernard Arnault (LVMH), dont le directeur de la rédaction Nicolas Barré a été récemment évincé.

Des propositions de loi et missions Flash en projet

Julia Cagé a notamment réagi au tweet de Rima Abdul Malak, ministre de la Culture, qui s’était émue dimanche de la non-parution du journal. « En droit, le JDD peut devenir ce qu’il veut, tant qu’il respecte la loi. Mais pour nos valeurs républicaines comment ne pas s’alarmer ? », avait-elle indiqué. « On peut faire des choses », s’est insurgée l’économiste, qui estime « nécessaire » de conditionner les aides à la presse au fait que « les journalistes puissent valider le directeur de la rédaction par au moins 50 % des voix ». Ce système qui existe déjà au Monde, où 60 % des voix sont même exigées, pourrait faire l’objet « d’une mission Flash ou d’une ligne de loi. […] Cette réforme, simple à faire, ne prend pas plus de temps que d’écrire un tweet. Contre Bolloré, agissez ».

« Si Vincent Bolloré peut faire ça, c’est parce que la loi lui permet de le faire », a souligné Clémentine Autin (LFI). Pour défendre la liberté de la presse, « qui n’est pas à géométrie variable », les députés de la Nupes sont « en train de déposer une proposition de loi qui donnera aux journalistes la possibilité d’avoir le dernier mot [sur les nominations à la direction de la rédaction] » et une autre plus globale pour « aller plus loin contre la concentration des médias », a-t-elle indiqué. Le député Modem Laurent Esquenet-Goxes, déjà membre d’une commission d’enquête sur les ingérences étrangères, veut obtenir la création « d’une mission Flash sur l’ingérence dans les médias ». Selon lui, la vigilance doit aussi s’étendre aux activités audiovisuelles de Vincent Bolloré, via le groupe Canal+ : « L’Arcom a sanctionné C8 [pour divers manquements]. Il faudra en faire de même avec CNews », a-t-il ajouté.

Des Etats généraux de l’information plus attendus que jamais

Plusieurs intervenants ont appelé au lancement rapide des Etats généraux du droit à l’information, annoncés en juillet 2022 par la ministre de la Culture et qui ont donc pris un an de retard. Et à une participation plus active de la France à l’European Media Freedom Act, en cours d’élaboration à Bruxelles et destiné à protéger la liberté des médias.

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