Kantar BrandZ 2025 : Apple, Amazon et Google au sommet d’un Top 100 dominé par les États-Unis
Un mois après la publication du classement des 50 marques françaises les plus valorisées, Kantar dévoile son palmarès mondial. Domination américaine, percée de l’IA, recul du luxe... quel avenir pour les tricolores dans ce Top 100 international ?
Le 15 avril dernier, les marques françaises confirmaient leur rayonnement à l’international dans le Kantar BrandZ Top 50 France 2025, avec des locomotives comme Louis Vuitton, Chanel ou L’Oréal. Un classement analysé dans nos colonnes (lire ici) comme un signal fort du leadership de la French Touch, malgré un environnement économique complexe. Ce 15 mai, Kantar publie cette fois son palmarès mondial. Un classement anniversaire – 20 ans déjà – qui dessine les contours d’un paysage ultra-concentré autour des États-Unis, dopé par l’innovation technologique et traversé par de puissants mouvements de fond sectoriels.
Apple, Amazon, ChatGPT : la tech continue de creuser l’écart
Avec une valorisation record de 1 299 milliards de dollars, Apple conserve son trône pour la quatrième année consécutive. À elle seule, la marque représente 12 % de la valeur totale du Top 100, qui culmine désormais à 10 700 milliards de dollars – en hausse de 29 % sur un an. Elle est suivie par Google, Microsoft et un Amazon en très forte progression (+50 %, à 866 milliards $), tandis que NVIDIA s’envole de 152 %, preuve que l’économie de l’IA redéfinit les hiérarchies. Symbole ultime : ChatGPT entre directement à la 60ᵉ place, devenant la plus haute nouvelle entrée depuis celle de NVIDIA en 2021. Côté réseaux sociaux, Instagram et TikTok affichent des croissances respectives de 101 % et 25 %, reflet de leur poids culturel dans les modes de consommation.
Le constat est sans appel : 82 % de la valeur du Top 100 est américaine, contre 63 % en 2006. Les marques européennes, elles, poursuivent leur déclin et ne représentent plus que 7 % du total (contre 26 % il y a vingt ans). La Chine résiste mieux, grimpant à 6 %, avec des marques comme Tencent ou Alibaba qui réapparaissent.
Pour les marques françaises, ce classement est d’autant plus révélateur que pas une seule ne figure dans le Top 100 mondial. Même les leaders du luxe hexagonal, comme Louis Vuitton ou Hermès, subissent de plein fouet la baisse de la demande en Chine, dans un contexte où la consommation ostentatoire est de plus en plus surveillée.
Des secteurs en recomposition rapide
La force du classement Kantar tient à sa capacité à radiographier les mutations profondes des marchés. Trois grandes tendances sectorielles émergent cette année. Le secteur de la distribution, pour commencer, poursuit sa dynamique post-pandémie, avec une croissance globale de la valeur des marques de 48 %. Cette progression est alimentée par l’e-commerce et les marques de distributeur, qui offrent de la valeur aux consommateurs dans un contexte inflationniste.
Vient ensuite le secteur des boissons alcoolisées qui reste en difficulté, pénalisé par une baisse de la consommation, notamment chez les jeunes générations de plus en plus soucieuses de santé et de bien-être. Cette évolution des habitudes profite aux alternatives à faible teneur en alcool ou sans alcool, dont la popularité ne cesse de croître. Par ailleurs, la multiplication des spiritueux aromatisés et l’essor des bières artisanales fragmentent davantage le marché, réduisant l’emprise des marques traditionnelles.
Enfin, le luxe, l’un des rares secteurs à avoir connu une croissance durant la pandémie, enregistre un recul de 2 % en 2025. Cela s’explique en partie par une demande plus modérée en Chine, où les manifestations ostentatoires de richesse sont désormais plus surveillées. Les consommateurs chinois se tournent davantage vers des expériences de vie que vers des symboles statutaires.
Quelle place pour les marques françaises demain ?
L’absence française dans le Top 100 ne doit pas masquer leur capacité à rayonner. Comme le rappelle Cécile Lejeune, présidente de Kantar France, « même en période de crise économique, les marques les plus valorisées du monde ont constamment surpassé le S&P 500 et le MSCI World Index au cours des vingt dernières années. Cela prouve sans équivoque la valeur du marketing. Une marque est l’actif le plus précieux d’une entreprise, et la dernière chose à faire en cas de choc économique, c’est de réduire les investissements marketing. Les marques se construisent grâce à une exposition continue et des expériences répétées ».
Elle conclut : «Les plus performantes sont cohérentes dans leur communication et reconnaissent la valeur immatérielle de leur image dans l’esprit des consommateurs. Les entreprises les plus avisées différencient suffisamment leurs marques pour que les consommateurs acceptent de payer plus cher – un levier crucial pour protéger les marges face aux pressions externes ».
Dans ce contexte, les marques françaises disposent encore d’un levier de croissance significatif, à condition de s’adapter pleinement aux dynamiques qui façonnent aujourd’hui la création de valeur. Cela implique d’abord de poursuivre, voire d’intensifier, les investissements dans les technologies émergentes – en particulier l’intelligence artificielle et la data. Des entreprises comme L’Oréal ou Decathlon ont déjà amorcé cette transition, en plaçant l’innovation au cœur de leur stratégie marketing et produit. Il leur faudra également accélérer leur mutation écoresponsable, afin de répondre aux attentes croissantes des consommateurs en matière d’impact environnemental et social. L’adoption de pratiques durables ne constitue plus un simple argument d’image, mais un véritable facteur de différenciation concurrentielle.
Enfin, l’enjeu sera de concevoir des expériences de marque plus émotionnelles, cohérentes et mémorables, à l’image de ce que proposent déjà des acteurs comme Apple ou Instagram. Dans un monde saturé de contenus et d’options, seules les marques capables de créer un lien fort avec leurs publics parviendront à se hisser dans le haut du classement. La décennie à venir pourrait ainsi rebattre les cartes : si les entreprises françaises réussissent à intégrer l’innovation technologique dans leur ADN tout en valorisant leur singularité culturelle, leur retour dans le Top 100 mondial ne relèverait plus de la fiction, mais d’un scénario crédible.