14 novembre 2022

Temps de lecture : 4 min

Jonathan Cherki : « J’espère que Contentsquare sera la seule société pour laquelle je travaillerai toute ma carrière. »

Jonathan Cherki est le fondateur de Contentsquare. Fondée en 2012, cette start-up, dont la plateforme aide les e-commerçants à mieux comprendre le comportement de leurs clients afin d’augmenter leur trafic et leurs revenus, a levé au mois de juillet dernier 600 millions de dollars (dont 200 millions de dettes), qui s’ajoutent aux 800 millions déjà rassemblés lors des cinq tours de table précédents. Avec une valorisation de 5,6 milliards de dollars, cette jeune pousse affirme enregistrer plusieurs « centaines de millions de dollars » de revenus annuels. Mais Jonathan Cherki, qui a le tutoiement facile et nous répond en visio de ses bureaux new-yorkais en tee-shirt blanc avec une barbe de trois jours, prévoit d’aller encore plus loin, beaucoup plus loin…

INfluencia : L’été a été chargé pour vous…

Jonathan Cherki : J’ai en effet visité la Corse. Je n’y étais jamais allé et j’ai adoré. Les gens sont sympas, la nourriture excellente, les paysages somptueux et il y avait peu de monde. Cela fait aussi du bien de rentrer en France pour moi et ma famille qui vivons aux Etats-Unis depuis 2017. D’ailleurs, on peut se tutoyer si cela ne te dérange pas…

IN : pas de souci. Tu n’es pas seulement allé sur l’île de beauté cet été… Ton entreprise a aussi levé 600 millions de dollars supplémentaires auprès de plusieurs investisseurs dont Sixth Street, Bpifrance, Canaan, Eurazeo, Highland Europe, KKR, SoftBank Vision Fund 2, BlackRock et LionTree…

J. C. : en effet. Ce sixième tour de table nous a permis de lever un total de 1,4 milliard de dollars. Cet argent va nous aider à remplir nos principaux objectifs. Nous voulons tout d’abord investir dans l’innovation afin de renforcer nos produits existants et d’en créer d’autres pour améliorer l’expérience digitale des internautes sur les sites web, les mobiles et les Apps. Parmi nos 1500 salariés, nous avons déjà 500 personnes en R&D principalement basées à notre siège parisien ainsi qu’à Tel Aviv et à Barcelone. Nos levées nous permettent aussi de poursuivre notre internationalisation. Nous avons aujourd’hui 17 bureaux dans le monde mais nous voulons avoir des équipes partout dans le monde. Nous souhaitons aussi accroître notre impact. Le respect de la vie privée et de la diversité, l’accessibilité numérique et le développement durable sont des priorités pour nous.

IN : et si on revenait au début de ton aventure…

J. C. : pour dire la vérité, je n’aurai jamais dû créer Contentsquare. Je suis marseillais et j’étais destiné à prendre la relève de la société familiale fondée par mon grand-père d’import-export de légumes secs, pois chiches, pois cassés, haricots secs et lentilles. Mais comme j’adorais les maths et les stats, je suis monté à Paris faire mes études. Dans le cadre de l’incubateur d’entreprises de l’ESSEC, j’ai démarré un projet qui s’est vite transformé en projet de vie, puisque à ce jour je n’ai jamais travaillé que pour Contentsquare. À l’époque où je me suis lancé, le meilleur moyen d’améliorer les ventes en ligne consistait à faire venir les gens sur les sites web, soit via Google et son moteur de recherche, soit via Salesforce avec son CRM et ses e-mails. Or les coûts d’acquisition devenaient de plus en plus élevés. Cela coûtait très cher de faire venir quelqu’un sur un site et les taux de conversion étaient très faibles. Pour prendre un exemple, lorsque cent personnes entrent dans un magasin, trente d’entre elles achètent quelque chose. Sur le web, ce n’était que de l’ordre de 3%. C’est en faisant ce constat que m’est venue l’idée d’essayer de trouver une solution et de créer un outil destiné à augmenter le taux de conversion des sites Internet.

IN : comment transforme-t-on une idée en start-up ?

J. C. : je n’avais aucune compétence technique, le premier enjeu a donc été de m’entourer de personnes capables de m’aider à créer et à construire ce projet. On a démarré avec beaucoup de stagiaires compte tenu de nos moyens limités. Nos premiers clients nous ont ensuite permis de financer le développement de l’entreprise. En 2012, je suis parvenu à lever 400.000 dollars auprès de business angels. Cet argent nous a permis de nous autofinancer pendant quatre ans et de passer de 1 à 100 collaborateurs. Fin 2016, nous avons réalisé une deuxième levée de fonds de 20 millions de dollars et au début de l’année suivante, j’ai décidé de m’installer à New York car les Etats-Unis étaient le premier marché mondial de l’e-commerce et il me semblait important de me baser sur place. Cela n’a pas été simple car ma femme était enceinte de notre second enfant. Les barrières linguistiques et culturelles étaient aussi présentes mais nous n’avons jamais quitté New York

IN : tu as aussi rapidement choisi de racheter d’autres sociétés…

J. C. : Effectivement. En 2019, nous avons repris la société américaine Clicktale car 80% de ses revenus venaient du marché américain et cela nous a permis de grandir plus rapidement aux Etats-Unis. Les autres entreprises que nous avons repris comme DareBoost, Pricing Assistant et Adapte Mon Web nous ont permis d’acquérir des technologies adjacentes aux autres. La reprise d’Hotjar nous a fait entrer sur le marché des PME sur lequel nous n’étions pas présent. Aujourd’hui, nous travaillons avec 1000 très gros groupes principalement européens et américains mais aussi avec 1 million de plus petits clients dans 180 pays. Notre croissance externe ne fait que commencer. J’ai beaucoup d’autres projets dans les tuyaux et certains devraient être annoncés très prochainement.

IN : Tu sembles bien optimiste…

J. C. : Nous sommes présents sur un marché de 34 milliards de dollars qui augmente chaque année de 30% à 40%. Notre chiffre d’affaires, que nous ne révélons pas, atteint déjà plusieurs centaines de millions de dollars et notre croissance annuelle dépasse les 100%. Je m’éclate et j’apprends de nouvelles choses tous les jours et j’ai encore énormément de choses à découvrir. J’espère donc que Contentsquare sera la seule société pour laquelle je travaillerai toute ma carrière.

IN : Pas de projet de vente alors…

J. C. : Aucunement.

IN : Être Français est-il un avantage ou un inconvénient lorsqu’on a une ambition planétaire ?

J. C. : C’est plutôt un avantage car la France offre un excellent rapport qualité/prix pour les ingénieurs et notre secteur bénéficie de nombreuses aides publiques. Même si j’ai déménagé aux Etats-Unis, je considère qu’il est important de ne jamais oublier ses origines et sa culture.

IN : Cela fait quoi d’être une licorne ?

J. C. : ce statut n’est pas une fin en soi et il ne change rien à notre quotidien. La valorisation d’une entreprise est liée à ses revenus, à sa croissance et à son potentiel de développement. De toute façon, notre objectif n’est pas uniquement d’avoir un gros business mais d’avoir un réel impact positif dans le monde qui nous entoure.

IN : que représente la fin des cookies pour l’e-commerce ?

J. C. : c’est un véritable changement mais l’e-commerce n’a pas à choisir entre le respect de la vie privée des internautes et la personnalisation de l’expérience web. Quand vous entrez dans un magasin, on ne vous demande pas votre âge, votre adresse ni votre e-mail. Les législations concernant le web sont de plus en plus strictes et l’accessibilité va devenir une norme ce qui est normal quand on sait qu’un milliard de personnes ont toujours des problèmes à ce sujet. Les e-commerçants doivent juste s’adapter à ces nouvelles donnes.

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