Jérôme Denis, CEO de La/Pac : « Pour ce film Holiday, Louis Vuitton ne nous a pas demandé de note d’intention. C’est rare. »
Suite à la campagne Holiday produite par La /Pac et réalisée par Roman Coppolaet Augustus Punchl’an passé, Louis Vuitton nous offre une féérie de Noël, pleine de charme, d'émotion et de romantisme. Un monde à la fois intime et spectaculaire, un voyage fantaisiste et sophistiqué. 2 mois de préparation, 4 jours de tournage. Plus de 250 personnes aux manettes pour fabriquer ce film. Avec côté réalisation, Gary Freedman, le réalisateur multi récompensé avec cinq lions d'or au Cannes Lions. L'occasion de de faire le point sur ce métier et ses évolutions, avec Jérôme Denis, le CEO de La /Pac, société mythique dont il est devenu le repreneur et CEO en 2015. Plongeon.
INfluencia : ce très beau et poétique film Holiday est le deuxième que vous produisez pour Louis Vuitton…Comment l’aventure a-t-elle commencé?
Jérôme Denis : en fait nous travaillons depuis deux ans avec cette maison. Au départ nous avons produit leurs défilés, puis la campagne Holiday de 2021, et aujourd’hui ce nouvel opus réalisé par le grand Gary Freedman. Un film d’animation qui a demandé 2 mois de préparation, et 4 jours de tournage sans compter la post-production réalisée par The Mill. Au total, 250 personnes qui ont travaillé à chaque détail de cette histoire féerique pleine d’émotion.
L’ourson en peluche et La Vivienne ambassadeurs de la marque …
IN. : comment travaille-t-on avec Louis Vuitton?
J.D. : tout d’abord il faut souligner que Louis Vuitton ne nous a même pas demandé de note d’intention ! On leur a parlé du travail de Gary, on a fait un call, ils ont adoré, ils étaient en confiance. Concernant la DA, la maison a fait appel à deux directeurs artistiques espagnols Adrian et David (Buffalo) qui travaillaient sur les références et la DA de la campagne. Nous étions tous hyper motivés. La grande difficulté du film était de représenter tous les univers de la maison, (mode femme, joaillerie, arts de la table, bagagerie, etc) tout en racontant une histoire. Si l’année dernière Stacy Martin était l’ambassadrice du film, cette année c’est l’ourson en peluche Louis Vuitton et La Vivienne, mascotte fétiche de la marque qui incarnent la maison dans ce spot intimiste, où l’on se sent aussi bien que dans une comédie romantique à l’anglaise…
IN. : où le tournage s’est-il déroulé?
J.D. : là aussi, il a fallu batailler, nous sommes aller tourner à Budapest, et comme vous le savez sans doute, la plupart des productions Netflix et Amazon s’y tournent, il a donc fallu bien viser… Il y a des décors qui sont fabriqués sur des plateaux de 50m2, et ceux, notamment pour la bagagerie, où il faut 800 m2 pour tourner! Une sacrée logistique.
IN. : lorsque vous reprenez La/Pac il y a 7 ans, vous vous attaquez à un mythe de la production. Thierry de Ganay vient de décéder et vous rencontrez Alain Bernard… Pourquoi ne pas avoir créé votre propre histoire?
J.D. : il y a des gens qui sont fait pour créer des boîtes, d’autres pour les reprendre et leur insuffler une nouvelle énergie, La/Pac était une très belle société, j’aimais l’idée de la remettre sur pied, d’arriver dans un lieu inspirant… Même si lorsque j’arrive dans les locaux, près de Monceau, il n’y a plus que 9 salariés dans 1500 mètres 2, des salariés un peu perdus, tête basse, qui errent, sans boulot. Un peu la déprime… C’est l’époque du virage digital, ils se sont pris un mur. Pour certains, ils sont là depuis 20 ans, alors il faut y aller, impulser de la vie, de l’énergie et gagner des budgets ! Comme c’est souvent le cas, avec les nouveaux venus, le marché est toujours bienveillant. Alors on a démarré très vite et très fort cette première année avec de belles campagnes pour YSL ou Leroy Merlin notamment…
IN. : petit nouveau, petit nouveau, avec 11 ans dans le sillage de Patrick Barbier, chez Wanda…
J.D. : oui, Patrick Barbier est un bon prof, un transmetteur unique. Tous ses jeunes producteurs ont repris leurs maisons de prod Henry, Stink Paris, Caviar… Moi lorsque j’arrive chez Wanda je suis plutôt clip, et Patrick me propose de produire de la pub. Ce que je fais. Chez Wanda qui a une culture très francophone, je développe des réalisateurs étrangers, ça m’allait bien…
Une des premières pubs produite par La Pac pour Nestlé Dessert en 70 a été « on air » pendant 30 ans. Aujourd’hui, tu fais un film, au bout de trois jours, on passe à autre chose…
IN. : vous rappelez que la production connait un grand virage il y a dix, quinze ans qui change la donne. De quoi s’agit-il?
J.D. : c’était une époque où on allait chercher un réalisateur australien pour faire un dialogue entre deux comédiens dans un bureau… Ou alors un suédois, ou un allemand… Une époque de grands frissons créatifs qui est derrière nous. Ces dernières années, ce sont les baisses de budgets, l’accélération du temps, la fragilité des agences qui prévalent, du coup le grand réal qui a eu un lion d’or à Cannes on s’en fiche un peu… On bosse avec des plus jeunes pleins de talent, très bien formés, qui parlent anglais, qui sont agiles, ce qui n’exclut pas de faire appel aux pointures de l’époque évidemment… Mais l’ambiance, disons-le n’est plus la même. Surtout dès lors que les agences montent leurs structures de production, et qu’elles se mettent à produire. En 2008, les boites de production ont eu du mal à réagir, à s’adapter à l’arrivée du web, à la réduction des budgets, aux prod internes…
IN. : cela veut dire quoi l’accélération du temps dans votre métier?
J.D. : imaginez. Une des premières pubs produite par La Pac pour Nestlé Dessert en 70 a été « on air » pendant 30 ans. Aujourd’hui, tu fais un film, au bout de trois jours, on passe à autre chose… Dans ce métier il y a encore dix ans, chaque film que tu produisais était ce que j’appelle un « spécimen », une rencontre entre une agence, des créatifs, un réalisateur, un producteur, qui allaient fabriquer un Alien… Cela nous portait. Et puis soudain, le volume de productions a explosé. Il fallait faire plus, en peu de temps dans des budgets serrés au maximum… Alors bien sûr nous avons toujours des « spécimens », mais le quotidien est plus prenant.
aujourd’hui donc, 50% des clients sont des annonceurs en direct, 50% passent par des agences. Et 80% des boulots sont faits par des réalisateurs de moins de 35 ans.
IN. : dans cette industrie qui prend disons-le « une claque », il y a en parallèle l’explosion du monde du clip, et l’intention des majors d’investir ce secteur avec de beaux budgets…
J.D. : oui effectivement, l’industrie de la musique se met à financer des clips de manière conséquente. Et la question qui se pose est ne vaut-il pas mieux produire du clip avec les labels plutôt que de la pub? Quand je prends La/Pac, je fais 90% du boulot avec les agences. 80% des films sont faits par des réalisateurs très expérimentés. 7 ans après, aujourd’hui donc, 50% des clients sont des annonceurs en direct, 50% passent par des agences. Et 80% des boulots sont faits par des réalisateurs de moins de 35 ans. Dans mon logiciel de travail il y a clairement la volonté de développer des réalisateurs qui vont pouvoir travailler dans la pub, pour les labels, et le luxe.
IN. : La/Pac c’est aujourd’hui quatre structures. Pouvez-vous nous en citer les spécificités?
J.D. :La/Pac reste le flagship international avec des grandes campagnes , des défilés de mode, des clips. Ensuite il y a De Gaulle, maison de production spécialisée dans la comédie, hyper agile qui ne travaille qu’avec les agences, grandes ou petites. Very Content est un solutionneur de production installé à Marseille, et à Royan et Paris . Le but du jeu est de travailler avec des annonceurs implantés localement. Nous avons d’ailleurs gagné des pitchs parisiens grâce à des films faits par Very Content. Et puis nous sommes également sur une micro niche, Terre TV. Une société qui fait de la production dans le domaine médical, technologique et environnemental.
IN. : comment expliquez-vous que le luxe par définition fasse si rarement appel à des agences de pub sauf exception?
J.D. : c’est vrai, nous sommes, nous les producteurs, très souvent, la plupart du temps en face à face avec le luxe, parce que la culture du luxe a déjà dans son ADN, la créativité, ses designers, sa culture, elle n’a pas nécessairement besoin des agences, elles ont leur propre input. Sauf pour ce qui est du storytelling ou de la rédaction.. C’est un peu, -même si le parallèle est audacieux-, la même histoire avec les jeux vidéo qui ont leur propre input eux aussi. Et puis, il faut sans doute dire aussi que nous sommes dans un monde qui écarte les intermédiaires chaque fois plus. Une espèce d’uberisation des métiers. Aujourd’hui nous sommes dans un moment de redéfinition des règles du jeu, un moment délicat où ce qui compte sans doute le plus c’est de savoir si tu vas travailler avec des gens fiables.
Stacy Martin, ambassadrice dans le spot 2021 signé Roman Coppolaet Augustus Punch(La/Pac)
Spot de Gary Freedman pour Canal + , Lion d’or au Festival de Cannes 2005.
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Crédits Louis Vuitton -Dôme
Director –Gary Freedman/ DOP –Sandgren Linus @linussandgren_dp
Head of Creative Service @magena.chansarelArt Buying & Production ManagerFELIPE BRAVO & @martin.foureauHead of Fashion Office @alextpaulProduct Coordinator @solene.richard & @lilyeddlestonAgency-Buffalo Studio Creative Director -ADRIAN GONZALEZ-COHEN & DAVID GOMEZ-GONZALEZ @adriangonzalezcohen & @daviduzquizaRepresented by @parent.global
Qui aurait imaginé il y a de cela vingt ans que la mode, les égéries, le magazine Vogue, deviendraient l'objet de documentaires…
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