18 septembre 2022

Temps de lecture : 3 min

« Je souhaiterais que 50% des sinistres dans le monde aient, dans 3 ans, une solution facilitée par Shift Technology »

Jeremy Jawish est le co-fondateur et CEO de Shift Technology. Fondée en 2014, cette start-up permet aux assureurs, grâce à l’intelligence artificielle, d’automatiser et d’optimiser leurs prises de décision afin d’obtenir de meilleurs résultats. Sa levée de 220 millions de dollars lui a permis en mai 2021 d’accéder au statut de licorne. Une nouvelle qui n’a pas franchement bouleversé notre interlocuteur, un matheux pure souche qui a très brièvement travaillé pour AXA et Goldman Sachs avant de se lancer, avec succès, dans l’aventure de l’entrepreneuriat…

INfluencia : comment est née l’idée de créer Shift Technology ?

Jeremy Jawish : avec mon associé, Eric Sibony, nous sommes mathématiciens à la base. Durant nos études, nous avons fait un stage dans une compagnie d’assurance et nous avons réalisé que ce secteur, qui employait beaucoup d’experts très compétents, manquait d’outils permettant d’automatiser certaines tâches qui étaient faites manuellement. Nous nous sommes dits que des algorithmes et l’intelligence artificielle pourraient leur venir en aide et nous avons travaillé sur ce thème qui est, je le reconnais, pas très original ni sexy…

IN : vos débuts ont été faciles ?

J. J. : loin de là. Nous avons commencé par créer un algorithme mais au début, les assureurs ne nous faisaient pas confiance. Nous n’étions, il est vrai, que de simples étudiants. Je peux comprendre leur hésitation. Nous avons alors réalisé qu’une levée de fonds nous permettrait d’être plus crédible.

IN : comment peut-on convaincre des investisseurs quand on a uniquement une idée à leur vendre ?

J. J. : il est nécessaire d’en rencontrer beaucoup pour en trouver un qui accepte de parier sur vous… Il est toujours compliqué de convaincre des investisseurs car une levée de fonds consiste à présenter un plan ambitieux mais incertain. Nous sommes, malgré tout, parvenus à lever un peu plus de 1 million d’euros pour notre premier tour de table. Cette somme était énorme pour nous. L’année suivante, nous avons levé 10 millions, puis 27 millions douze mois plus tard, 60 millions deux ans après et 230 millions deux années plus tard. Chaque opération nous a permis de franchir une étape supplémentaire de notre développement. La première nous a aidé à développer notre produit, la seconde à accélérer notre internationalisation, la troisième nous a permis d’aller aux Etats-Unis et la quatrième de développer notre offre. La cinquième a été nécessaire pour nous lancer sur le marché américain de la santé.

IN : les assureurs ont rapidement fait appel à vos services ?

J. J. : pas vraiment. Nous avons dû attendre deux années avant d’avoir notre premier client. Aujourd’hui, beaucoup de compagnies nous font confiance même si je ne peux pas dévoiler leurs noms car les assureurs préfèrent parler de leurs services que de la manière dont ils travaillent. Je peux seulement vous dire qu’une trentaine de compagnies américaines utilisent notre technologie française. Ce n’était pas gagné d’avance…

IN : être basé en France est-il un atout ou un frein ?

J. J. : c’est un énorme avantage d’être en France et ce pour plusieurs raisons. De nombreux aides publiques qui n’existent pas ailleurs sont tout d’abord accordées aux entreprises de la tech. Le marché BtoB s’est aussi beaucoup ouvert aux start-ups ces dernières années. Mais l’avantage le plus important de notre pays est qu’il abrite énormément de talents qui sont nettement plus loyaux et bien moins chers que ceux qu’on peut trouver aux Etats-Unis notamment. La durée moyenne durant laquelle un data scientist reste chez le même employeur est dix fois plus importante ici que sur le marché américain. Sur la cote ouest, un junior change de société tous les trois… mois. C’est pour cette que les trois-quarts de nos 600 collaborateurs sont basés en France. Sur les 250 data scientists que nous employons, 200 sont à notre siège parisien. Et si les salaires dans notre secteur ont bondi de 50% en trois ans dans l’hexagone, ils ont au moins doublé aux Etats-Unis. Cette bulle commence toutefois à se dégonfler depuis quelques mois.

IN : quelle est la taille de votre société aujourd’hui ?

J. J. : nous ne communiquons aucun chiffre sur notre entreprise mais je peux vous dire que nous continuons de nous développer rapidement. Nous avons des bureaux à Paris, Boston, TokyoSingapour, Londres et Madrid et nous travaillons uniquement avec des assureurs. Notre potentiel de croissance sur ce marché est énorme.

IN : cela fait quoi de devenir une licorne ?

J. J. : c’est juste un titre qui peut aider notre service marketing. Hier, on parlait de licorne. Aujourd’hui, on met plutôt en avant les Centaures qui affichent 100 millions de dollars de chiffre d’affaires. Les clients se moquent de ces statuts. Ils se soucient juste des performances et des produits.

IN : quelle est votre stratégie pour les trois prochaines années ?

J. J. : nous voulons continuer de nous développer aux Etats-Unis. Je ne réfléchis pas trop au nombre de salariés que comptera notre société dans quelques années mais dans trois ans, je souhaiterais que 50% des sinistres dans le monde aient, dans 3 ans, une solution facilitée par des outils proposés par Shift Technology. Cela sonne bien comme objectif, non ?

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