5 janvier 2016

Temps de lecture : 5 min

L’intelligence artificielle, poison ou antidote ?

De l’expérience d’achat online est né un désamour pour le commerce traditionnel, en donnant aux clients une perception de faillite totale par la pauvreté des services proposés. Et si l’i.a., dépassant la perfection froide de ses algorithmes et déployée dans le champ des émotions, permettait de les séduire à nouveau ?

De l’expérience d’achat online est né un désamour pour le commerce traditionnel, en donnant aux clients une perception de faillite totale par la pauvreté des services proposés. Et si l’i.a., dépassant la perfection froide de ses algorithmes et déployée dans le champ des émotions, permettait de les séduire à nouveau ?

« Le biais cognitif est un schéma de pensée non conscient dévié par une erreur de jugement. » Appliquée au commerce, cette règle éclaire de nombreuses polémiques sur le fossé qui s’est creusé entre les commerçants traditionnels et leurs clients. La perception des enseignes, des magasins et des vendeurs a été transformée par les nouvelles expériences d’achat et la découverte de services inédits proposés par le commerce en ligne : intuitivité, accueil, personnalisation de la relation, services, lisibilité sur les ruptures, reprise produit, livraison ultrarapide, choix pléthorique, recommandations d’achat intelligentes…

En ligne vs en magasin : le shopping réinventé

Amazon, Vente Privée, Sarenza, Zappos, eBay… ont défini de nouveaux standards de qualité en matière de service client. Et désormais, lorsqu’il entre dans un magasin, la perception du client est bien souvent totalement différente de la réalité. Pour lui : « C’est certainement moins cher en ligne », « Aucune boutique ne me permet de rendre mes chaussures quinze jours après l’achat », « En trois clics, j’en sais plus que le vendeur ». Car le client googelise, cherche, compare, s’informe pour approfondir… avant d’arriver surinformé en magasin. Alors, pourquoi y revient-il ? Et pourra-t-on corriger un jour ce décalage en grande partie basé sur des « impressions » d’imperfection ? Les commerçants traditionnels font des efforts considérables – encore faut-il que le client le reconnaisse –, et alors même qu’ils ont travaillé à réduire drastiquement la durée de l’attente aux caisses, les clients sont devenus intolérants au principe même d’une attente. Arriver à « toucher juste » va devenir compliqué.

Combler le décalage entre perception et réalité en magasin

L’humain étant faillible et le digital en général parfait en exécution, dans une société à 100 % digitale, pourra-t-on espérer combler un jour ce décalage cognitif, dû en partie à un retard pris par des enseignes contraintes de se caler sur les nouveaux services proposés à leurs propres clients ? Oui. Un équilibre est déjà en train de se créer entre les deux canaux. Et les enseignes font maintenant leur maximum pour se mettre à niveau au profit d’un commerce serviciel global.

Mais qu’adviendra-t-il, in fine, du dernier maillon « faillible » : les vendeurs et personnels en magasin ? Arrivera-t-on, un jour, à faire admettre à un client que le personnel en boutique ne peut être « infaillible » ? Et ce, quels que soient les plans de formation, de recrutement, etc., face à un client de plus en plus informé et expert… Comment jouer d’égal à égal, culturellement et émotionnellement, comme sur le plan de l’information ?

L’intelligence artificielle au service de la relation client

Miser une telle rencontre peut paraître audacieux à l’heure où l’on ne parle que de big data. Car on sait désormais qu’il ne suffit pas d’installer des bornes digitales et autres tablettes pour faire du magasin un magasin à niveau sur le plan digital. Mais avec la nouvelle génération d’applications, on va pouvoir mettre l’intelligence artificielle au service du contact client, de son accueil et de l’interactivité physique « instantanée ». Est-ce illusoire ou suicidaire pour le réchauffement des rapports entre clients et vendeurs en magasin ? Comme dans notre vie de tous les jours, il va falloir accepter « en magasin » que les algorithmes agissent plus vite que notre cerveau… Si on l’accepte, alors de nouveaux horizons peuvent s’ouvrir pour le commerce de demain.

Soyons prudents, mais des débuts de solutions sont là et pourraient dès demain apporter des solutions intermédiaires en magasin. Trois expérimentations enrichissantes ont lieu sur le terrain…

Pepper, le premier robot humanoïde « accompagnateur » qui vous comprend

Enrichir la relation en magasin et l’information « instantanée » des clients via un robot humanoïde… ou un « cyber-accompagnateur », de quoi faire bondir les DRH. C’est pourtant le pari du numéro 2 mondial des télécommunications SoftBank (actionnaire à 80 % d’Aldebaran Robotics, société française leader), qui teste actuellement le robot Pepper en accueil client dans ses agences au Japon. La finalité est à la fois de « casser » un vide existant entre online et offline, et de dégrossir par un accueil ludique les demandes d’information des clients. Car ces accompagnateurs humanoïdes seront capables de converser avec un interlocuteur tout en apprenant au fur et à mesure de la conversation, c’est-à-dire en intégrant les réponses de leur interlocuteur. On peut imaginer que ces cyber-accompagnateurs dotés d’une intelligence intuitive puissent s’occuper des clients en assurant les phases les plus « rébarbatives », à la place d’un humain donc, en magasin : accueil encombré, gestion des files d’attente, renseignements primaires en rayon (ils sont connectés au Web)… Et pour peu qu’on ne leur donne pas la forme d’un « humain robotisé » et qu’on les mette à la portée des vendeurs pour les accompagner dans la connaissance clients et la compréhension de leurs besoins, on peut espérer créer une nouvelle génération d’outils « intelligents et intuitifs » dédiés à la relation client.

The North Face : IBM Watson, le programme d’intelligence artificielle au service des clients

À l’origine, Watson est un programme d’intelligence artificielle d’IBM connecté dont le premier « acte fondateur » significatif a été de gagner en 2011, seul face à deux candidats, Jeopardy, le plus grand jeu télévisé américain. Le logiciel Watson comprend le langage humain, génère des pistes de réponse et s’adapte en apprenant en fonction des réponses de son interlocuteur. Dès lors, identifier ce que veut exactement un client et lui faire des réponses instantanées (moins de 3 secondes) n’est plus illusoire.

Et déjà, les solutions retail et d’accompagnement client existent. Ainsi, l’équipementier sportif The North Face travaille sur des interfaces clients « intelligentes » avec IBM qui permettront aux clients de ne plus « subir », mais de bénéficier d’un système qui les « comprend » selon un processus naturel : simplement en lui posant des questions. Watson pense à la place du client… Selon un mode conversationnel intuitif, qui croise des dizaines de milliers d’informations en temps réel autant online (on accuse Watson d’abuser de Wikipédia…) que sur les serveurs de The North Face, ainsi que de données personnelles clients (loyalty program), il est en mesure de lui apporter les meilleures réponses : les informations produits sont croisées avec la destination de voyage et les pratiques du client déjà observées… Il s’agit désormais de converser intelligemment avec un client via le digital sans se limiter à lui « proposer ».

Google et l’intelligence artificielle dans la main du client

En rachetant Deepmind, Google annonce clairement la couleur : maîtriser les algorithmes d’apprentissage qui nourriront demain l’industrie et le commerce électronique. Google se positionne côté utilisateurs et devrait donc développer indirectement des systèmes intuitifs pour aider directement les clients dans leurs démarches au quotidien, dont le commerce. L’intelligence artificielle « dans la main » du client ? Ce qui devrait placer le challenge de la relation client et de la spontanéité de l’interaction humaine en magasin encore plus haut…

Le digital commerce a été pensé au départ en interface « comme sur le Web », et petit à petit s’est transformé en digital interactif entre le client et le commerce. Demain, il devrait « converser » en intégrant les besoins, même non exprimés. Les évolutions actuelles liées à l’intelligence artificielle – qui certes peuvent faire peur, mais sont inéluctables – représentent une nouvelle opportunité pour un commerce en recherche d’interactivité et d’attractivité. Alliées intelligemment à la structure et au personnel du magasin, elles redonneront une nouvelle dimension à la relation « accompagnée » par l’informatique intelligente. Car si l’intelligence artificielle est intégrée dans le process d’achat du client, l’intégrer au commerce sera non seulement une opportunité, mais une nécessité.

Illustrations : Agoston Palinko

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