The Good : Qu’entendez-vous concrètement par « le renforcement de l’expression des engagements des marques auprès des communautés » ?
Camille Olivier : Depuis plusieurs années, on observe que les attentes des consommateurs vis-à-vis des marques évoluent. Elles ne concernent plus seulement la qualité de leurs produits ou services, leurs tarifs ou la forme de leur communication. Les jeunes générations attendent désormais des marques qu’elles interviennent sur des sujets sociétaux et environnementaux qui étaient jusque-là le domaine des pouvoirs publics. Les crises que nous traversons, qu’il s’agisse du réchauffement climatique, de l’accroissement des injustices sociales et bien sûr la pandémie actuelle ont démontré que les gouvernements ne pouvaient pas tout régler et que la solution était en partie entre les mains d’acteurs privés : les marques.
Depuis la mise en place du statut d’entreprise à mission et le développement de l’activisme de marque, l’importance de conduire une démarche RSE et de soutenir de grandes causes est désormais bien établie chez les organisations. Mais si dire publiquement que l’on est une marque engagée est une chose, donner les moyens aux communautés de devenir elles-mêmes actrices du changement en est une autre. La question n’est donc plus de savoir s’il faut promouvoir ses initiatives sur les réseaux sociaux mais plutôt comment faire pour créer l’engouement des publics pour ces initiatives ? C’est ici que CTZAR intervient. Nous accompagnons les entreprises qui souhaitent aller au-delà de la communication produits sur les réseaux sociaux, qui veulent partager leur raison d’être, valoriser leurs initiatives, et fédérer les communautés notamment autour de leurs engagements en faveur des grandes causes. Nous développons pour eux les stratégies éditoriales et de contenus qui sauront engager les communautés digitales et nous appuyons sur les leaders d’opinions et les talents dont la voix porte sur les médias sociaux pour donner une autre dimension aux campagnes. Enfin nous mettons en place des outils pour mesurer et comprendre l’impact de ces campagnes. Ce sont des clés pour pouvoir prolonger leurs engagements.
The Good : Pourquoi la notion de communauté prend-elle de plus en plus de place dans les sujets com et que permet-elle ?
C.O. : Une communauté est un groupe de personnes rassemblées autour de leurs affinités, de leurs passions, leurs identités ou de leurs intérêts. Sur les réseaux sociaux, elles partagent au quotidien des inspirations, des conseils, et leurs avis au sujet des marques et de leurs produits. Ces groupes sont de véritables cercles d’influence qui peuvent façonner la perception que l’on a d’une marque et orienter les comportements d’achats. Lorsque l’on réussit à créer de véritables connexions avec elles, les communautés sont un muscle sur lequel s’appuyer pour développer sa notoriété et sa préférence de marque. Lors du premier confinement de mars 2020, Crocs s’est vu alerté par ses fans sur la difficulté pour le personnel soignant de se procurer des chaussures alors que les magasins étaient fermés. La marque a lancé en 4 jours sa campagne #FreePairForHealthcare, et offert une paire de Crocs à chaque personne travaillant en hôpital qui en ferait la demande. Plus de 800 000 paires ont été données dans le but de contribuer à lutter contre la pandémie. Cet élan de générosité, salué partout dans le monde, s’est traduit par une augmentation de la communauté de la marque de plus de 20% sur les plateformes et par une croissance des ventes de plus de 50% au deuxième trimestre 2020. Les communautés ont acheté massivement des paires de Crocs sur cette période pour soutenir la marque et aider à financer l’initiative. Ce que cela signifie, c’est que les communautés ont un impact concret sur notre société. Les différents récents mouvements sociaux, de #metoo à Black Lives Matter, sont nés sur les réseaux sociaux. Les plateformes ont cette capacité à offrir un territoire d’expression aux communautés qui, par leur engagement, donnent une autre dimension aux causes. Si les marques souhaitent que leurs initiatives trouvent un écho sur les réseaux sociaux et aient un impact réel dans notre monde, elles auront besoin du concours des communautés pour donner corps à ces initiatives.
The Good : Quels sont les enjeux spécifiques à la communication engagée et engageante sur le digital ?
C.O. : 9 Millennials sur 10 pensent que le succès d’une marque ne se mesure pas à sa seule rentabilité. C’est ce que dévoilait récemment une étude signée Deloitte. Les consommateurs ont aujourd’hui pris conscience de l’impact que leur argent pouvait avoir suivant là où il était investi. Les choix de consommation sont devenus un moyen d’exprimer des convictions voire même de s’engager. On a tous aujourd’hui tendance à préférer des marques avec qui on partage des valeurs et qui soutiennent des causes qui comptent pour nous. Chacun à ainsi le sentiment de contribuer à construire un monde meilleur. Tant et si bien qu’aujourd’hui l’acte d’achat signe également un acte d’adhésion. Sur les réseaux sociaux, l’enjeu de la communication engagée est de créer avec les communautés une connexion durable et émotionnellement assez puissante pour qu’elles se reconnaissent dans les valeurs de la marque et en deviennent elles même les ambassadrices. Enfin elle doit être engageante pour que les utilisateurs s’emparent de la cause, se la réapproprient et la propagent auprès du plus grand nombre.
The Good : Parmi les clients que vous accompagnez, lequel fait particulièrement votre fierté ?
C.O. : Chaque projet est extrêmement singulier. Certaines marques ont trouvé très facilement l’angle de leurs engagements. C’est le cas d’une marque comme Carrefour qui travaille depuis plusieurs années sur la transition alimentaire avec un plan d’objectifs allant jusqu’à 2025. L’enseigne a déjà dépassé ses objectifs. Pourtant cet engagement est encore méconnu. CTZAR les aide à donner de la visibilité à ces résulats tout en adoptant une démarche à la fois pédagogique et participative auprès de leurs clients. Par exemple, cette année, l’opération Salon Grandeur Nature invitait des leaders d’opinion à venir à la rencontre des agriculteurs partenaires Filière Qualité Carrefour, sur leurs exploitations. Ces rencontres étaient diffusées en live sur les réseaux sociaux et un système de jeu concours a permis à des consommateurs de gagner eux aussi la possibilité de rencontrer l’un des 42 agriculteurs volontaires sur leurs exploitations, dans 21 départements. Au quotidien le groupe Facebook “Le Club des consommateurs engagés” permet aux consommateurs de faire part de leurs suggestions (et parfois mécontentements) pour améliorer l’engagement RSE de l’enseigne. Le dialogue se noue avec des employés Carrefour et cela permet à la fois de corriger ce qui doit l’être et de tester de nouvelles solutions. Il me semble que c’est un signal très encourageant que de grands groupes s’engagent de manière concrète. C’est une première étape nécessaire à la démocratisation de ce sujet, auprès des marques comme des consommateurs.
The Good : Au-delà des clics et du « taux d’engagement », comment mesurer l’impact d’une campagne digitale sur sa communauté ?
C.O. : Comme pour toute campagne de communication, la question des KPIs et de la mesure des résultats se pose quand on parle de campagnes engagées. Est ce que la campagne a fait avancer la cause ? La question peut paraître anodine et pourtant sa réponse est certainement un premier indicateur de succès auquel il faut être attentif. Que ce soit sur un thème RSE ou en faveur de grandes causes, ces campagnes ont pour objectif de sensibiliser le plus grand nombre et d’accroître la notoriété de la marque en fédérant autour de l’initiative.
Les outils de social listening permettent, en s’intéressant aux conversations des utilisateurs, d’évaluer la tonalité et l’évolution du sentiment qu’inspire les marques. Si l’engagement de la marque pour une cause suscite l’adhésion des communautés, celui-ci devrait être impacté positivement.
Un autre indicateur pertinent est l’augmentation significative du nombre d’abonnés aux différentes plateformes. Bien sûr on s’intéressera également aux indicateurs traditionnels d’une campagne social media : le nombre de vues, de likes, de commentaires. On pourra aussi suivre de près le nombre de re-partages voire d’UGC créés, (contenus générés par les utilisateurs eux même), cette mécanique permet de générer la diffusion des messages auprès de communautés tiers. Si la marque a offert à ses communautés des moyens de s’engager elles-mêmes, le taux de participation est aussi un bon moyen d’évaluer l’impact de sa campagne. Enfin, je pense qu’il est important de garder un œil sur les retombées RP. Les causes qui fédèrent des communautés importantes sont reprises par les médias traditionnels.
The Good : Face à l’urgence, comment ne pas tomber dans les écueils du pink/purposewashing ?
C.O. : Ne pas céder à la tentation du marketing de causes “Business for good is good for business”. Cet adage que l’on entend beaucoup aujourd’hui est évidemment une terrible tentation à s’engager par effet de mode. Mais faire preuve d’opportunisme sur un sujet aussi sensible expose à des sanctions sans appel.
A titre d’exemple on parle depuis quelque temps de l’émergence de ce que l’on appelle la “cancel culture”. En témoigne l’implication d’un certain nombre de multinationales (Huawei, Zara) dans le scandale autour de l’exploitation du peuple Ouïghour. Ces boycotts sont un moyen pour les clients, réunis en communautés, d’exercer une pression financière sur les marques et de réclamer un changement radical. S’engager dans une démarche authentique sur le long terme Toutes les marques n’ont pas à sauver le monde, ou à le rendre plus vert, et il faut en avoir conscience. Il est important de conduire des initiatives qui soient pertinentes pour la marque, distinctives, crédibles et qui s’inscrivent dans une vision à long terme. Ikea développe des produits qui ont pour but d’améliorer qualitativement la vie à la maison, Lego donne des outils pour encourager la créativité des enfants et inspirer les constructeurs de demain, Google crée de l’emploi pour démocratiser l’accès à internet, Ubisoft amène le jeu vidéo auprès des enfants dans les hôpitaux. Ces entreprises ont intégré naturellement les causes qu’ils défendent à leurs business model et contribuent au quotidien à transformer positivement notre société.
Permettre aux publics de prendre part aux initiatives des marques est un élément déterminant pour garantir le succès des campagnes. Au-delà de la résonance qu’elles peuvent apporter, les communautés digitales peuvent venir nourrir la réflexion sur la conduite des opérations, créer de l’engouement et augmenter l’impact des actions. Leur engagement et la manière de se réapproprier la cause apportent de la crédibilité auprès du plus grand nombre. Apporter des preuves concrètes de ses actions. Une promesse n’est pas quelque chose de contraignant. Les gens ont besoin qu’on leur présente des éléments crédibles et que l’on rende compte des engagements pris. L’heure est désormais au story-proving : il ne s’agit plus de claimer son support à une cause, il faut le démontrer.