11 janvier 2024

Temps de lecture : 5 min

Henri-Christian Schroeder (Agences de l’Année) : « La consolidation des agences va s’accélérer à nouveau »

Le 44ème Grand Prix des Agences de l’Année, qui a pour vocation de distinguer les enseignes conseils de communication les plus performantes sur le marché sera remis ce soir. C’est l’occasion pour son fondateur Henri-Christian Schroeder, également senior advisory partner, Schroeder & Associés et Senior advisor, Ryder & Davis M&A de partager son analyse du marché.

INfluencia : comment le paysage des agences et des groupes a-t-il évolué en 2023 ?

Henri-Christian Schroeder : Deux phénomènes sont à noter, confirmant encore un peu plus une tendance lourde : D’une part la montée fracassante en puissance des practices internationales de consulting challengeant les plus grandes enseignes sur les plus gros budgets de communication intégrée mis en compétition.  L’illustration la plus parfaite en est Accenture Song raflant le budget Peugeot, qui, plus que Deloitte Digital ou Frog by Cap Gemini, a su intégrer une offre complète boostée par un très compétitif produit créatif signé David Droga.

 

  De plus en plus de groupes indépendants

 

Et d’autre part, la démultiplication de groupes de communication indépendants: ainsi, à côté d’un TBWA\Groupe – challenger direct des groupes français Publicis et Havas, il faut compter dorénavant de plus en plus avec des groupes non issus des « big six » mondiaux cotés en bourse,  déployés le plus souvent à partir de leur core business, pivot de leur diversification, comme par exemple Mazarine Group et Ykone à l’international (à partir du luxe), Australie.GAD  (à partir de la publicité de marque), Isoskele (à partir du data management), etc…

 

IN.: peut-on encore envisager des fusions ?

H-C. S : La consolidation – après la pause connue en 2023 – ne peut que s’accélérer à nouveau, du fait non seulement de la tendance à une croissance concurrentielle permettant des économies d’échelle, une offre diversifiée plus intégrative et un effet de taille plus compétitif, donnant accès à des clients solvables plus importants et à des budgets plus rémunérateurs. Mais aussi, du fait du poids croissant des innovations technologiques devenues incontournables – comme la data et l’IA – qui ont un impact culturel considérable et économique sur le business model des agences. La solution étant de multiplier – pour gagner du temps et saisir des parts de marché – les mariages hybridant conseil stratégique, création et services technologiques, notamment dans l’automatisation de l’optimisation quantitative et qualitative de l’accès ciblé aux audiences et aux consommateurs. L’autre facteur étant le vieillissement de toute une génération d’entrepreneurs partant à la retraite, et donc, cherchant à transmettre leurs entreprises, soit par LMBO, soit en les revendant à des concurrents plus ou moins directs.

 

   Les compétitions inter-agences sombrent encore régulièrement dans un ball trap destructeur

IN.: Comment les agences réinventent-elles leur mode de fonctionnement pour répondre aux nouvelles exigences des annonceurs et réagir par rapport aux grands du consulting ?

H-C.S. : Le premier – mais déjà ancien – défi repose sur un préalable que la profession n’a pas encore su résoudre à son avantage : d’une part, les compétitions inter-agences quand elles ne sont pas orchestrées dans le respect de la charte commune à l‘AACC et à l’UDM, par un conseil en choix d’agences, sombrent encore régulièrement dans un ball trap destructeur de valeur pour tout le marché. D’autre part, et dans le prolongement de ces compétitions, le paradoxe de la rémunération des agences ne fait que se durcir, du fait des services achat de nombreux annonceurs qui en « voulent toujours plus pour moins cher », ce qui ne peut que se faire au détriment du succès des marques en jeu ! Une voie à creuser réside dans deux mouvements : sensibiliser la DGCCRF et le législateur aux abus devenus insoutenables, et généraliser un mode de rémunération comportant un variable indexé non seulement sur des KPI’s contribuant au R.O.I., mais aussi indexé sur un gain de valeur mesurable contributif au R.O.E.

 

Systématiser un complément de rémunération variable indexé sur la qualité et l’effet d’initiatives proposées par les moins de 30 ans

 

Le second défi – devenant de plus en plus sensible – dans le prolongement du premier ci-dessus, réside dans le recrutement des jeunes professionnels par les agences, se comparant défavorablement de plus en plus souvent avec les annonceurs. L’arrivée massive de jeunes diplômé(e)s des nombreuses écoles privées de plus en plus féminisées, d’IUT et de BTS de communication (mais délivrant rarement une formation généraliste en l’économie, finance, technologies, …) a pour avantage de mettre à disposition des professionnels très techniques directement opérationnels à un niveau de salaire compétitif. En revanche, il devient progressivement plus difficile pour les agences de recruter leurs futurs managers à fort potentiel parmi les masters Sciences Po ou CELSA, et encore plus rarement, parmi les masters communication issus de l’ESCP, de Dauphine, d’Audencia/Sciences Com, de l’Université Paris-I/Panthéon-Sorbonne ou du CNAM.

Ce phénomène est à comparer avec le recrutement privilégié effectué par les grands du conseil puisant dans les Grandes Ecoles de commerce offrant une formation pointue anticipant les besoins futurs, voire des doubles diplômes internationaux, notamment au sein d’HEC, l’ESSEC, l’ESCP, l’EDHEC, l’EML, ENS Saclay, etc. voire au sein du nouveau master en management ou du MBA de l’INSEAD, ou d’une business school anglosaxonne.

Une voie à creuser pourrait résider dans la systématisation d’un complément de rémunération variable indexé sur la qualité et l’effet d’initiatives proposées par les recrues de moins de 30 ans.

 

Une profession sous tension permanente

IN.: La communication n’est plus un métier cool?

H-C.S. : Clairement le temps des publicitaires HEC conseillant des annonceurs HEC est révolu. La question est de savoir si les écoles et facultés de communication sauront former les communicants de demain, remettant profondément et coûteusement en cause leur modèle pédagogique.

La communication n’est plus en effet un métier « cool », mais une profession sous tension permanente. Nous sommes au milieu du gué; entre  l’ère du « soft branding » et celle du « hard branding ». La créativité différenciante et la « destruction créatrice » (chère à l’économiste Joseph Schumpeter) ne se feront plus seulement à l’échelon de l’offre, de l’identité et de l’expression de la marque, mais de plus de plus dans la conception originale et évolutive de son écosystème relationnel avec ses audiences, ses canaux de commercialisation et ses clients. Ainsi, c’est le produit qui fera partie intégrante du service et de l’expérience délivrés, et non plus le contraire selon lequel ces deux dernières composantes n’étaient « qu’associées » à la marque ou n’en étaient que des « extensions » ! Et ceci offrira de nouvelles aventures autant intrapreneuriales qu’entrepreneuriales, attirant à nouveaux des jeunes diplômés aux profils de plus en plus hybrides, venant du management, de l’ingénierie numérique, du design de l’architecture, des sciences humaines et sociales … et de l’art !

 

La crise fait dorénavant partie du quotidien autant que le numérique, la RSE, la data et l’IA générative

IN.: Quelles sont aujourd’hui les grandes tendances en matière de management ?

H-C. S : On peut relever trois tendances :

– la féminisation indéniablement croissante du management des agences, reflétant ainsi cette même évolution que dans l’enseignement supérieur du commerce et de la communication (ce qui est moins vrai dans les métiers scientifiques comme l’ingénierie et l’informatique) et dans les associations professionnelles. Toutefois, elle est caractérisée par deux freins :  s’il y a presque une parité entre les genres au sein des grandes écoles, dans la plupart des écoles privées de communication, par contre, les filles sont dorénavant largement majoritaires.

– l’essor de la technologie affectera de plus en plus un avantage concurrentiel durable aux managers bilingues bénéficiant d’une double formation business/digitale, nécessaire à une transition numérique et transculturelle réussie.

– le manager de demain – déjà indispensable aujourd’hui pour faire la différence – sera autant un stratège, qu’un chef d’orchestre et qu’un conducteur opérationnel du changement permanent dans un monde en mutation accélérée et chaotique : la crise fait dorénavant partie du quotidien autant que le numérique, la RSE, la data et l’IA générative. Sans oublier la finance qui se complexifie et est de plus en plus régulée.

En savoir plus

-les résultats du GRAND PRIX DES AGENCES DE L’ANNÉE

 

LES COMMUNICANTS DE L’ANNEE 2023 :

  • « LA PERSONNALITE DE L’ANNEE »

ARTHUR SADOUN

PRESIDENT DU DIRECTOIRE DE PUBLICIS GROUPE

  • « LE PUBLICITAIRE DE L’ANNEE »

PAUL-EMMANUEL REIFFERS

PRESIDENT DE MAZARINE GROUP INT’L

  • « L’ENTREPRENEUR DE L’ANNEE »

EMMANUEL DEBUYCK

C.E.O D’ADWANTED GROUP

  • « LA DIRIGEANTE DE L’ANNEE »

SYLVIA TASSAN TOFFOLA

DIRECTRICE GENERALE DE TF1 PUB

 

  • LES AGENCES DE L’ANNEE 2023 :

 

-TBWA\GROUPE France

LE GROUPE DE COMMUNICATION DE L’ANNEE

-ACCENTURE SONG

L’AGENCE DE PUBLICITE DE L’ANNEE

-VML

L’AGENCE DE COMMUNICATION INTEGREE DE L’ANNEE

-MAZARINE Group Int’l

LE GROUPE INTERNATIONAL DE COMMUNICATION INDEPENDANT DE L’ANNEE

-AUSTRALIE.GAD

LE GROUPE INDEPENDANT DE COMMUNICATION DE L’ANNEE

-BUZZMAN

L’AGENCE LA PLUS CREATIVE DE L’ANNEE

-STEVE

L’AGENCE DE PUBLICITE INDEPENDANTE DE L’ANNEE

-THE GOOD COMPANY

L’AGENCE DE COMMUNICATION RESPONSABLE DE L’ANNEE

-THE 7th HOUSE

L’AGENCE DE DEMAIN

-AUDITOIRE

L’AGENCE DE COMMUNICATION EVENEMENTIELLE DE L’ANNEE

-CARRE NOIR

L’AGENCE DE DESIGN DE L’ANNEE

-FUTURE BRAND

L’AGENCE DE BRANDING DE L’ANNEE

-SHORTCUT

L’AGENCE DE COMMUNICATION LUXE DE L’ANNEE

-HAVAS LIFE PARIS

L’AGENCE DE COMMUNICATION SANTE DE L’ANNEE

-DUPONT LEWIS

L’AGENCE DE COMMUNICATION FOOD DE L’ANNEE

-CAMDEN

L’AGENCE DE COMMUNICATION DE L’ANNEE EN REGION

 –LAFOURMI

L’AGENCE DE COMMUNICATION SPORT DE L’ANNEE

-BABEL

L’AGENCE DE COMMUNICATION CORPORATE DE L’ANNEE

-EPOKA

LE GROUPE INDEPENDANT DE COMMUNICATION D’ENTREPRISE DE L’ANNEE

-RUMEUR PUBLIQUE GROUP

LE GROUPE DE COMMUNICATION D’INFLUENCE DE L’ANNEE

-TADDEO

L’AGENCE CONSEIL EN COMMUNICATION D’AFFAIRES PUBLIQUES DE L’ANNEE

-COMFLUENCE

L’AGENCE DE COMMUNICATION D’INFLUENCE DE L’ANNEE

-MASCARET

L’AGENCE DE COMMUNICATION D’AFFAIRES DE L’ANNEE

-MONET + ASSOCIES

L’AGENCE DE RELATIONS PUBLICS DE L’ANNEE

-CNTVRS (Controverse)

L’AGENCE-CONSEIL EN STRATEGIE & MANAGEMENT DE LA COMMUNICATION DE L’ANNEE

-ENDERBY

L’AGENCE DE COMMUNICATION EDITORIALE DE L’ANNEE

-I&S

L’AGENCE DE COMMUNICATION INTERNE DE L’ANNEE

-ZCOMME

L’AGENCE DE COMMUNICATION DES RESSOURCES HUMAINES DE L’ANNEE

-ACME

LA JEUNE AGENCE DE L’ANNEE

ISOSKELE

LE GROUPE DATA MARKETING DE L’ANNEE

EKSTEND GROUP

LE GROUPE DE COMMUNICATION MARKETING DE L’ANNEE

R2

L’AGENCE DIGITALE DE L’ANNEE

YKONE

L’AGENCE DE MARKETING D’INFLUENCE DE L’ANNEE

SO BANG

L’AGENCE SOCIAL MEDIA DE L’ANNEE

FRENESIE

L’AGENCE DE BRAND EXPERIENCE DE L’ANNEE

THE SOURCE

L’AGENCE DE BRAND CONTENT DE L’ANNEE

GO&UP

L’AGENCE DE MARKETING MOBILE DE L’ANNEE

TLC MARKETING

L’AGENCE D’ACTIVATION DE L’ANNEE

TSM CONSULTING

LA JUNIOR AGENCE DE L’ANNEE

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