12 mars 2014

Temps de lecture : 2 min

La génétique a son distributeur automatique

En prétendant vendre des fioles renfermant un code génétique dans un distributeur automatique, l’artiste newyorkais Gabriel Barcia-Colombo interroge sur l'accès démocratisé à la biotechnologie.

Comme souvent dans un débat de société -car la propriété de matériaux génétiques et la protection de son patrimoine en est un- un projet artistique débarque pour provoquer, éveiller, interroger ou aiguiser les consciences, comme le fascinant vendeur automatique de la précieuse molécule. Depuis l’été dernier, l’artiste nord-américain Gabriel Barcia-Colombo utilise l’imagerie populaire que véhicule le distributeur pour mettre en exergue les implications de l’accès accru à la biotechnologie. Il rempile l’été prochain avec une seconde édition de ses machines uniques, mais cette fois à des prix plus raisonnables.

Avec son allure de distributeur lambda, l’œuvre newyorkaise pourrait très bien fournir des chips ou des boissons en échange de quelques pièces. En vendant les échantillons à des collaborateurs du projet, elle fait bien mieux que ça. Chaque fiole est d’ailleurs accompagnée d’une photo portrait de chaque donateur, tous consentants comme le raconte l’artiste de Brooklyn : « J’ai commencé à collecter les cellules de mes amis chez moi durant des soirées, le vendredi. Puis, j’ai agrandi ma collection en ouvrant mon studio à quiconque était d’accord pour mettre son ADN en open source».

Deux ans après en avoir eu l’idée, le machine automatique a donc été exposée et vendue à quelques exemplaires. Pour Gabriel Barcia-Colombo, intervenant régulier des TED Talks, son distributeur expose la possible perniciosité de la biotechnologie : si demain acheter une ampoule d’ADN passe par quelques pièces sorties de sa poche, pensons alors aux abus éventuels qui pourraient être commis avec de tels privilèges ! « La Cour Suprême a déclaré, au début des années 90, que les tissus et cellules de quelqu’un qui s’en est débarrassé ne lui appartiennent plus et peuvent être commercialisés. Mon travail n’est pas une célébration d’un quelconque verdict mais un rappel des complications juridiques autour de la propriété de matériel génétique. Dans le futur, quand la biotechnologie sera accessible pour très peu cher, le code génétique vaudra peut-être plus qu’une barre chocolatée, une sucrerie ou un soda vendu dans une distributeur », explique-t-il.

La génomique dans l’œil du cyclone fédéral

Dans son désir de révolution technologique libertaire, la Silicon Valley ne laisse aucun secteur régalien orphelin de ses millions et de ses innovations. Depuis deux ans, des plates-formes et applications développées et financées dans la Vallée refondent l’industrie de la santé, offrant surtout de nouveaux outils de prévention et de consultations digitales. C’est dans ce contexte que le travail de Gabriel Barcia-Colombo intervient. Nouvelle venue dans ce paysage encore en construction de la santé 2.0, la génomique a trouvé son parangon : 23andme, une startup fondée en 2007 par Anne Wojcicki, l’ex-femme du co-fondateur de Google, Sergey Brin et qui vient encore récemment de lever quelque 40 millions d’euros. Son produit d’appel ? La possibilité pour n’importe quel citoyen de se payer un test génétique pour moins de 100 euros.

Fin novembre, l’agence Américaine des produits alimentaires et médicamenteux interdisait la vente par 23andme de ses kits de détection à domicile. Pour l’administration, le produit permet de mieux évaluer les risques de santé liés aux maladies génétiques et doit donc être considéré comme un ustensile médical. De fait, il doit se soumettre à une autorisation préalable avant d’être mis à la disposition du public. Ce coup d’arrêt dans la démocratisation de 23andme véhicule deux évidences : primo, l’agence fédérale suit de près les avancées de la génomique et entend bien ne pas en perdre le contrôle; secundo, le public est réceptif et demandeur. Le hic, c’est que la biotechnologie reste un champ d’étude qui laisse encore dubitative une partie de l’opinion publique. La question légitime se pose : comment protéger la propriété génétique de chacun ?

Benjamin Adler / @BenjaminAdlerLA

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