12 décembre 2016

Temps de lecture : 4 min

Les GAFA et éditeurs de médias : qui fait quoi ?

Les géants du Web sont-ils des éditeurs ? Doit-on les considérer comme des acteurs à part entière du monde des médias dits traditionnels ? Le fait de poser ces questions démontre l'évolution des acteurs historiques de l’industrie et des modèles économiques sans cesse remis en question...

Les géants du Web sont-ils des éditeurs ? Doit-on les considérer comme des acteurs à part entière du monde des médias dits traditionnels ? Le fait de poser ces questions démontre l’évolution des acteurs historiques de l’industrie. Mais aussi des modèles économiques sans cesse remis en question…

Vus comme des plateformes de contenus ou des distributeurs, les GAFA (réseaux sociaux ou ecommerce) ont depuis largement évolué vers un nouveau métier, celui d’éditeurs. Voulant jouer sur tous les terrains, ils agrègent, grâce à leur audience mondiale, le contenu des éditeurs historiques tout en produisant, désormais, des contenus maison qui pourraient faire de l’ombre aux médias traditionnels. De ce fonctionnement évolutif, le modèle économique des médias, déjà fragile, devient friable et les pousse à se réinventer en permanence. Une réinvention bien réelle mais sans aucune stabilité. Le marché des médias ne fonctionne plus de façon cyclique mais en flux constant qui ne permet à aucune stratégie à long terme de se déployer. Il est donc normal de se demander si les GAFA sont des éditeurs et s’ils peuvent faire sombrer les grands acteurs devenus dépendants de l’audience de ces géants… « Les GAFA ne sont pas des éditeurs. Du point de vue de l’audience, la réponse peut être un peu différente. C’est dans ce sens que nous collaborons et travaillons avec eux pour rendre accessibles nos contenus sur leurs plateformes avec le souci de toujours rendre lisible auprès de l’audience le fait que nous sommes les émetteurs », explique Laurence Bonicalzi Bridier, Présidente MPublicite & RégieObs au Groupe Le Monde.

Une définition que corrobore Philipp Schmidt, directeur exécutif de Prisma Media Solutions et qui voit ces acteurs comme des aggrégateurs de contenu. On peut même dire qu’avec leurs algorithmes respectifs, ils font office de curateurs décidant du contenu qui doit être vu par les internautes. « Les GAFAS ne sont pas des éditeurs au strict sens du terme mais des plateformes. Elles-mêmes ne produisent pas de contenus mais les mettent en scène, et les présentent aux internautes en captant un maximum de valeur sans les coûts liés à leur production. Leur business model est très différent. Ils deviennent ainsi les ultimes intermédiaires pour la plupart des besoins des consommateurs ». Le rôle d’intermédiaire est intéressant car il donne celui d’entremetteur qui se nourrit et in fine se rémunère sur le travail des autres industries. Tout en étant capable de tirer profit de cette mécanique en faisant aussi payer les éditeurs.

Une définition adoubée par Corinne Mrejen, présidente de la régie Team Media : « Oui, les GAFA sont des médias, non ce ne sont pas des éditeurs ! Si l’on prend le cas de Facebook, c’est le premier média mondial de par sa place dominante occupée notamment via le mobile en matière de consommation de l’information. Facebook monétise son audience ultra puissante grâce à la data. En revanche, ce n’est pas un éditeur, il ne produit pas de contenu mais propose des plateformes susceptibles « de faciliter l’accès » aux contenus. Facebook s’associe à des éditeurs pour capter et répondre aux attentes des audiences. De ce point de vue, ce réseaus social est à la fois un concurrent des éditeurs (sur l’audience captée et la publicité) et une opportunité (exposition des marques éditeurs et génération d’audience). La même définition irait pour Google ». La monétisation amène aussi un point de différenciation évident : « en échange de l’accès à une plateforme et à une audience, ils se rémunèrent, en capturant tout ou partie de la monétisation de cette dernière. Dans la notion de distributeur le rôle de sélection est plus ouvert, plus divers pour rencontrer le plus de publics possibles, mais il existe », précise Raphael de Andreis, PDG et Chairman de Havas Media Groupe France

Muscler son contenu

Les GAFA ont aussi du mal à assumer le contenu qui est publié sur leur plateforme. Se voyant comme de simples relais, ils rejettent en bloc toutes formes de responsabilités et ne se voient jamais comme un objecteur de conscience. Sauf, et en raison de leur culture puritaine, le sujet du nu qui les  » bouleverse « … « Les GAFA n’ont ni journalistes, ni vision du monde, et admettent, pour certains, qu’ils ne sont pas responsables des informations diffusées sur leurs plateformes. Les contenus sont moins une mission ou une raison d’être, qu’un moyen de mieux qualifier et monétiser leurs audiences. Il est d’ailleurs intéressant de noter que c’est le contenu qui semble constituer aujourd’hui le graâl de la connaissance, comme une reconnaissance implicite de sa pertinence et de sa supériorité face au modèle « tout algorithmique », explique avec discernement la présidente de Media.Figaro, Aurore Domont.

Le contenu généré par les socionautes représente aussi la pierre angulaire du modèle des GAFA qui se nourrissent avec abondance de la vie des autres. Mais ce modèle ne pourra qu’évoluer vers celui de l’édition comme l’explique Thierry Jadot, Président de Dentsu Aegis Network France, Belgique et Hollande : « L’audience très importante qu’ils touchent pourrait les amener à intégrer verticalement la chaîne de valeur en intégrant des éditeurs en recherche de publics larges. Les expériences d’Amazon dans la production audiovisuelle répondent aux succès de Netflix et il est probable que d’autres plateformes numériques s’essaient dans l’avenir à un modèle hybride où les formats innovants qu’ils développent suscitent des vocations créatives dans le domaine des contenus ».

Car au-delà de récupérer une partie de l’audience des médias traditionnels, la principale question vient de l’évolution de ces géants du Web qui passent inévitablement par leur propre production de contenus. On peut déjà dire que cela est le cas, puisque Facebook réinterprète le contenu de ses usagers à travers des dates clefs comme les anniversaires ou plus récemment la fin d’année 2016. Des vidéos sans vraiment grand intérêt si ce n’est de flatter le personnage central… Ou encore Amazon qui produit maintenant des séries avec le lancement d’Amazon Studio et d’Amazon Originals Moovies. Enfin Olivier Abecassis, Chief Digital Officier de TF1 n’envisage pas de risques particuliers de la part des « tauliers » du Web : « En aucun cas je ne vois de monopole ou autres formes de dangers. Pour moi on doit jouer avec eux et grandir à leur côté ». Certes nous jouons tous avec eux mais il faut se demander si eux ne se jouent pas de nous…

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