14 mars 2023

Temps de lecture : 4 min

« Il est inutile de rajouter une couche législative au marketing d’influence », Gaëlle Loinger (CNCPI)

Gaëlle Loinger est présidente de la Commission « Avenir de la Profession et Numérique » de la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle (CNCPI). La co-fondatrice et associée de TAoMA Partners accompagne les entrepreneurs et les influenceurs dans la protection et la valorisation de leurs marques et de leurs créations.

INfluencia : quels textes de loi encadrent les pratiques des influenceurs et protègent leurs contenus et leur image ?

Gaëlle Loinger : il n’existe aucune loi spécifique sur le marketing d’influence mais plusieurs textes sont actuellement en préparation. Les députés Arthur Delaporte et Stéphane Vojetta devraient proposer, au mois de mars, un texte qui tentera de clarifier et de compléter le cadre légal des pratiques d’influence commerciale. Le gouvernement a, de son côté, emboité le pas de l’Assemblée nationale en réunissant autour d’une table plusieurs acteurs de ce secteur afin de trouver des moyens de mieux protéger les consommateurs. J’ai participé à ces discussions à Bercy en tant que présidente de la Commission Avenir de la Profession et Numérique de la CNCPI.

IN : pourquoi le législateur semble-t-il aujourd’hui s’intéresser à ce secteur ?

G. L. : tout est parti du bad buzz déclenché par certaines affaires liées notamment à des ventes frauduleuses et de la volonté des pouvoirs publics de mieux protéger le public. Notre position est qu’il faut aller doucement et ne pas se précipiter. La publicité a mis 30 ans pour se structurer mais tout laisse à penser que le marketing d’influence ira bien plus vite pour faire de même. Ce secteur est très jeune et il grandit très rapidement mais tous ses principaux acteurs vont dans le bon sens pour améliorer la situation actuelle.

IN : qu’entendez-vous par là ?

G. L. : le secteur commence à se structurer avec la création notamment de l’Union des Métiers de l’Influence et desCréateurs de Contenu(UMICC). La création du Certificat de l’Influence Responsable par l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) est, elle aussi, une initiative intéressante. Cette formation est encore assez sommaire mais elle a le mérite d’être un outil qui informe les influenceurs sur le fait qu’il existe des règles qu’ils doivent respecter et qui peuvent aussi les protéger.

Beaucoup d’influenceurs ne sont pas des professionnels de la communication et n’ont aucune connaissance des réglementations en place.

IN : vous nous avez pourtant dit qu’il n’existait pas de loi spécifique sur le marketing d’influence.

G. L. : l’absence de loi spécifique ne signifie pas qu’il n’existe pas de textes existants qui encadrent déjà ce secteur. C’est même le message que nous essayons de diffuser auprès de Bercy et des députés. Beaucoup de réglementations en place permettent de contrôler le marketing d’influence. Il est inutile de rajouter une nouvelle couche législative qui risque de compliquer encore un peu plus les choses. Le droit de la publicité définit notamment les règles à suivre concernant les partenariats entre les marques et les influenceurs. Les contenus mis en ligne sont, quant à eux, protégés par le code sur la propriété intellectuelle et les règles sur les droits d’auteur. La jurisprudence existe elle aussi.

IN : quels sont les principaux enjeux auxquels le secteur doit faire face alors ?

G. L. : le véritable enjeu est celui de la sensibilisation et de la formation des influenceurs et des créateurs de contenu. Beaucoup d’entre eux ne sont pas des professionnels de la communication et n’ont aucune connaissance des réglementations en place. Les agences ont l’obligation de respecter les lois existantes. Elles doivent notamment s’assurer que les contenus qu’elles diffusent ne sont pas protégés ou qu’ils ont payé les droits attenants notamment à la Sacem. Les influenceurs, eux, ne sont pas soumis à des obligations de ce type. Ils n’ont donc pas les mêmes réflexes.

IN : comment peut-on sensibiliser ces créateurs de contenu ?

G. L. : Bercy prépare actuellement un guide pratique pour détailler aux influenceurs les obligations qu’ils doivent respecter. Ce fascicule dira aussi aux créateurs quels sont leurs droits. L’UMICC va également beaucoup travailler pour sensibiliser les créateurs et le certificat de l’ARPP va dans le bon sens. Certaines marques comme L’Oréal et Club Med imposent d’ailleurs aux influenceurs d’avoir ce certificat pour collaborer avec eux.

Les annonceurs signent très peu de contrats avec les créateurs de contenu avec lesquels ils collaborent.

IN : les relations entre les marques et les influenceurs commencent-elles à se « normaliser » ou continuent-elles de se nouer dans un épais brouillard ?

G. L. : cette question est le deuxième enjeu auquel le secteur doit faire face actuellement. Les annonceurs signent très peu de contrats avec les créateurs de contenu avec lesquels ils collaborent. Certains influenceurs se font payer en honoraires, d’autres en prestation de service ou en salaire. Cette population est très hétérogène. Certains sont jeunes, d’autres plus âgés, tous n’utilisent pas les mêmes réseaux sociaux. Certains se débrouillent seuls, d’autres ont des agents indépendants ou font appel à une agence spécialisée. J’ai même connu un créateur mineur qui se faisait représenter par son cousin lui-même mineur… La signature de contrat permettrait d’éviter des malentendus et parfois des excès.

Les sites ont en effet tendance à favoriser les majors de la musique et du cinéma au détriment des influenceurs.

IN : les plateformes n’ont-elles pas aussi un rôle à jouer pour mieux réguler ce secteur ? 

G. L. : sans aucun doute mais elles le font déjà. Elles ont toutes des outils qui scannent automatiquement les contenus monétisés afin de détecter les musiques et les images qui ne sont potentiellement pas libres  de droit. Dès qu’un doute existe, les contenus sont stoppés et retirés de la plateforme. Cette technique entrave beaucoup les créateurs qui voient parfois leurs contenus bloqués alors qu’ils sont dans leurs droits. Les sites ont en effet tendance à favoriser les majors de la musique et du cinéma au détriment des influenceurs.

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