Naviguer dans le chaos : « face aux nouveaux chocs, les marques doivent incarner une forme d’autorité éclairée »
La Directrice Générale du Club des Annonceurs, Karine Tisserand prépare la 10e édition de TheBrandImmersion. L’événement – dont INfluencia est partenaire – dévoilera notamment le 3 novembre les résultats d’une étude menée avec Kantar. Elle révèle comment les marques peuvent être des acteurs de stabilité, de responsabilité et d’innovation quand tout vacille.
Influencia : Le chaos est-il devenu une fatalité ?
Karine Tisserand : Le chaos est plutôt notre nouvelle toile de fond : instabilité géopolitique, incertitude économique, crise des repères, pression climatique, polarisation sociale, tensions sur les métiers… rien n’échappe à la turbulence. Pour les marques, le danger est de faire et défaire quotidiennement pour tenter d’y naviguer.
Influencia : Quel rôle les marques peuvent-elles jouer justement ?
Karine Tisserand : Les marques ne sont plus des émetteurs lisses. Elles sont devenues des organismes exposés, incarnés, tenus de rendre des comptes, scrutés, et immergés dans des tensions multiples qu’elles ne maîtrisent plus – mais qu’elles doivent intégrer, parfois même transformer. Autant de pressions qui leur imposent de dépasser leur rôle business ou de communication : elles doivent incarner une forme d’autorité éclairée, de résistance constructive, de puissance régénératrice.
Elles sont des actrices du changement. Elles occupent aujourd’hui un rôle central pour donner du sens, servir de repère et incarner des solutions concrètes dans une société traversée par des crises multiples. Elles peuvent aussi transformer les tensions actuelles en terrains d’innovation et de nouveaux récits qui inspirent et rassurent.
Les marques sont attendues sur leur capacité à agir et à s’engager pour la société, pas uniquement à vendre : anticiper, cultiver la confiance, agir pour aider les consommateurs à faire face aux nouveaux enjeux de société et adopter des approches plus responsables et utiles.
Influencia : Avez-vous mesuré ces attentes ?
KT : L’étude B2C menée exclusivement avec Kantar auprès de 1000 Français*, relève entre autres, que les crises sont révélatrices d’attentes qui se traduisent en comportements concrets des consommateurs :
54 % des Français déclarent avoir déjà modifié leurs habitudes d’achat d’une marque suite à sa réaction pendant une crise, dont 36 % en achetant moins ou en arrêtant totalement une marque qui les a déçus, et 21 % qui ont renforcé leurs achats auprès de marques ayant eu une réaction positive.
Par ailleurs, les réactions des marques en période de crise sont scrutées et l’impact est direct sur leur attractivité comme sur leur image : 45% des Français jugent négativement l’image des marques silencieuses ou passives en période de crise et 43% déclarent vouloir moins les acheter.
Enfin, la nouvelle génération attend clairement plus des marques : 1 jeune Français sur 2 juge les marques légitimes pour agir en temps de crise.
Influencia : De quels outils dispose le Club des Annonceurs pour capter les changements en cours et à venir ?
KT : Nous travaillons comme un « radar collectif » en permanence au Club. Nous nous appuyons sur une batterie d’outils pour détecter les signaux faibles, anticiper les mutations et accompagner la communauté des décideurs. Cela inclut des études prospectives réalisées avec des partenaires de référence comme Kantar, une veille continue sur les tendances, des formations et des cercles de réflexion entre membres, ainsi que des collaborations avec des experts en prospective.
La nouvelle offre « Club Formation » par exemple, propose des modules inédits sur l’IA, la transformation digitale et d’autres compétences clés pour rester en avance sur les évolutions du métier. Nous sourçons les experts formateurs les plus adaptés aux enjeux de nos profils d’adhérents, avec des innovations pédagogiques qui connaissent leurs métiers pour être directement utile dans la montée en compétences et ne pas rester théorique ou technique.
C’est ce croisement d’outils, d’analyses, de retours d’expérience et de regards extérieurs qui permet d’anticiper plutôt que de subir.
Influencia : Quels changements avez-vous accompagnés ces 10 dernières années ?
KT : En dix ans, nous avons vu les marques passer de la simple communication de produits à une responsabilité élargie. Via The Brand Immersion, on a observé et accompagné notamment : l’accélération de la transformation digitale, la montée en puissance des enjeux RSE et d’éthique de la communication, la remise en cause des modèles d’influence traditionnelle, et l’importance croissante de la donnée dans la prise de décision.
Le Club a agi comme vigie et incubateur de ces tendances, aidant ses membres à décrypter et à intégrer ces évolutions dans leur stratégie et dans leurs missions de poste au quotidien en leur offrant des repères, des partages d’expérience et des outils pour transformer leurs pratiques. C’est très précieux.
Influencia : Quels chocs à venir mobilisent le Club ?
KT : Nous identifions plusieurs chocs, qui traversent toutes les discussions avec nos membres, mais les principaux défis sont le choc algorithmique, le choc de fragmentation, le choc organisationnel. En sous-jacents, ils sont fortement liés à l’intelligence artificielle, à la redéfinition des liens sociaux et culturels avec les jeunes générations, ainsi qu’à la transformation des modèles de consommation et de communication. Il faut venir le 3 novembre pour éclairer et comprendre ces enjeux qui vont jalonner notre futur !
ETUDE THE BRAND IMMERSION* : QUELQUES ENSEIGNEMENTS EN AVANT-PREMIERE
Les Français condamnent le silence des marques en période de crise. 45% des Français jugent négativement l’image des marques silencieuses ou passives en période de crise et 43% déclarent vouloir moins les acheter.
78% des Français plébiscitent l’action concrète, contre seulement 31% la communication. Une marque est jugée sur ce qu’elle fait, pas sur ce qu’elle dit.
1 Français sur 2 a déjà changé ses habitudes d’achat après une crise. Et le boycott est plus fréquent que l’achat solidaire. Les crises deviennent des moments de vérité : elles testent la cohérence des marques et sanctionnent l’opportunisme.
Seules 4 personnes sur 10 jugent les marques légitimes pour agir en temps de crise. Mais cette légitimité grimpe à 1 jeune sur 2. La crédibilité n’est pas donnée, elle se mérite — surtout auprès des jeunes qui en font une condition d’adhésion.
Étude consommateurs sur le panel Métaskope Kantar réalisée pour THE BRAND IMMERSION #10 « Naviguer dans le chaos. Comment les marques peuvent agir quand tout vacille ?» du Club des Annonceurs – Enquête réalisée en ligne du 5 au 10 Septembre 2025 – Base 1010 répondants représentatifs de la population française, 18 ans et +.