15 mars 2020

Temps de lecture : 6 min

Qui sont les nouvelles tribus du luxe ?

Comment aborder une nouvelle génération de consommateurs dont les attitudes et comportements vis-à-vis du luxe sont en totale disruption avec ceux de leurs aînés? Pour mieux comprendre ces consommateurs et leurs cultures, Initiative publie un cahier consacré à ce secteur, « spin-off » de sa première étude « L’État des Cultures en France ».

Comment aborder une nouvelle génération de consommateurs dont les attitudes et comportements vis-à-vis du luxe sont en total disruption avec ceux de leurs aînés? Pour mieux comprendre ces consommateurs et leurs cultures, Initiative publie un cahier consacré à ce secteur, « spin-off » de sa première étude « L’État des Cultures en France ».

Le statut et l’accessibilité, les drops et la seconde main, la personnalisation et la durabilité, la rareté et l’appartenance à une communauté : autant d’exigences et de paradoxes qui chamboulent complètement désormais le marketing de l’univers mode dans le luxe. « On assiste à une vraie rupture générationnelle. Si on retrouve les valeurs traditionnelles du luxe chez les individus âgés de 40 ans et + , on voit bien que les générations les plus jeunes cherchent à appartenir à une ou plusieurs cultures, comme autant d’identités différentes, voire devenir le porte-parole de leurs tribus ou en tout cas collaborer activement avec les marques, et que celles-ci se testent. Si l’expérience physique continue sa réinvention autour d’espaces inspirationnels et immersifs, personnalisés et éphémères, moins centrés sur l’achat de produits que sur la découverte des valeurs des marques, l’expérience digitale du luxe reste en pleine révolution pour toujours être en phase avec les besoins et pratiques des consommateurs », explique Françoise Fassin, directrice des Stratégies de Initiative, qui vient de lancer une nouvelle étude consacrée à « L’état des cultures mode luxe », réalisée en collaboration avec Synomia, acteur d’intelligence artificielle sémantique*. « Notre objectif était de dévoiler les grandes tribus qui consomment du luxe aujourd’hui et qui contribuent fortement à la redéfinition des contours du secteur. Nous avons mis en évidence six sous-cultures », poursuit-elle.

– Les Closet Collective

Ils poussent leur engagement environnemental un cran plus loin en réalisant de plus en plus leurs achats sur les sites de seconde main (7% du marché du luxe personnel, + 12% par an). « Le développement des sites de seconde main sur la marché du luxe est en train de changer profondément les comportements », souligne F. Fassin. Ils influencent, par exemple, de plus en plus l’achat d’articles de luxe en offrant l’assurance à l’acheteur de pouvoir les revendre. Ainsi, 44% des consommateurs de l’industrie du luxe considèreraient la valeur de revente des nouveaux articles de luxe qu’ils achètent.
Cette coopération entre maisons de couture et sites de seconde main pourrait être amenée à se développer. 57% des acheteurs de seconde main affirment qu’ils envisagent d’acheter la même marque en première main lors de leur prochaine acquisition. Certaines marques de luxe comme Patek Philippe rachètent même leurs montres sur ce marché secondaire afin de savoir pourquoi elles sont revendues. D’autres n’hésitent pas à marier le neuf et le le vieux dans la même boutique. Le chausseur français J.M. Weston propose ainsi dans ses boutiques parisiennes et tokyoïtes d’acheter aussi bien des chaussures neuves que leurs équivalents vintage, à moitié prix. D’autres, plus prudents, ont tissé des partenariats avec des sites de revente reconnus. C’est le cas de Joseph avec Vestiaire Collective ou de Stella McCartney ou Burberry avec The Real Real.

– Les Active Includers

Ils recherchent des marques en phase avec leurs valeurs personnelles et qui ont un véritable engagement sur des questions de diversité, d’égalité et d’inclusion. « Désormais les marques se doivent d’être « Woke », éveillées », explique l’étude. Chanel a ainsi recruté son premier responsable mondial de la diversité et de l’inclusion. Dérivé du verbe to wake – se réveiller –, le concept s’est d’abord répandu à la faveur du mouvement Black Lives Matter, pour ensuite s’étendre à d’autres causes ou injustices sociétales. En effet, les marques de luxe ont dû se mobiliser pour promouvoir la diversité et l’inclusion au sein de leur entreprise suite aux nombreux appels au boycott lancés par leurs consommateurs. En cause : des pièces des campagnes ou des défilés accusés de racisme, d’appropriation culturelle ou de manque de diversité. En mars 2019, Gucci a ainsi investi plus de 10 millions de dollars en faveur de la diversité à travers son programme Gucci Changemakers, suite au tollé général provoqué par un pull-over noir évoquant une blackface. Ce faux pas n’était pas le premier de l’année 2019 de la part des marques de luxe. « De telles erreurs peuvent leur coûter extrêmement cher, et ce sur le long terme, puisque c’est la perte de la confiance et de la fidélité des consommateurs qui est en jeu. Or la valeur d’une marque de luxe réside pour beaucoup dans sa réputation », insiste Françoise Fassin.

– Les Carbon-Negative

Ils souhaitent investir dans un mode de vie durable, le respect de leurs valeurs personnelles en matière d’environnement et d’éthique devient essentiel pour les séduire.
L’industrie du luxe est encore souvent liée à des termes comme obsolescence programmée, consommation excessive et plaisirs coupables, alors même que les Français sont de plus en plus nombreux à attendre des marques en général, et du luxe en particulier, un impact social positif : 73% des Millenials sont prêts à dépenser plus pour un produit s’il provient d’une marque éthique et 81% d’entre eux attendent que les marques parlent activement de leur impact sociétal et qu’elles soient transparentes quant à leur démarche. Si elles veulent conserver leur statut au sein du marché du luxe, les marques se doivent donc d’évoluer vite vers un luxe plus éthique et durable. Dans ce contexte, et avant toute communication, elles doivent véritablement mettre en œuvre des modèles durables et respectueux de l’environnement (comme le pratique par exemple Stella McCartney depuis sa création).

– les Virtual Explorers

Ils réinventent la notion même d’exclusivité du luxe en achetant des vêtements virtuels, comme peuvent le faire depuis longtemps les gamers. Ces vêtements ne seront jamais créés ni portés dans le monde physique, mais ils se superposent à une identité virtuelle et permettent ainsi à ses utilisateurs de se promouvoir sur les plateformes sociales. « Le concept peut sembler bizarre mais l’industrie de la mode est très en retard sur le sujet, et notamment par rapport à l’industrie du monde vidéo », constate l’étude.

La norvégienne Carlings est une des marques pionnières de ce concept, après avoir avancé en 2018 une première collection entièrement numérique sur sa boutique en ligne, qui a été vendue en moins d’une semaine. En vendant chaque article entre 10€ et 30€ , Carlings a en quelque sorte démocratisé l’industrie de la mode, tout en ouvrant les possibilités de prise de risque en matière de style, et ce sans laisser d’empreinte carbone.

Les marques de mode travaillent également à rendre plus accessible leur collection, en permettant d’essayer des articles numériquement avant de les acheter. C’est le cas de Nike avec son application Nike Fit, qui permet de scanner ses pieds pour s’assurer de prendre la bonne pointure de chaussures.

– Les Unwitnessed

Ils remettent en question ce que signifie être riche et choisissent un mode de vie moins matérialiste, privilégiant la liberté et l’épanouissement personnel. Ils affichent une volonté de déconsommation : 77% d’entre eux font des achats de moins en moins nombreux, mais plus significatifs. « Le luxe d’expérience selon les meilleurs estimations, avoisinerait près de 500 milliards d’euros (contre moins de 300 milliards pour les biens personnels) », rappelle Yves Hanania, co- auteur de l’ouvrage « Le luxe demain » **. Ces nouveaux consommateurs ont faim d’expériences rares, d’exclusivité, de rencontres et de découvertes. Le voyage devient ainsi un outil d’apprentissage, de réalisation de soi.

Pour répondre à leurs attentes, les maisons de mode étendent ainsi leurs univers à la gastronomie, à travers l’ouverture de cafés ou de restaurants. Maison Kitsuné possède aujourd’hui 7 cafés à travers le monde, Louis Vuitton vient tout juste d’ouvrir son premier restaurant et bar en s’associant au chef japonais Yosuke Suga, dans la Maison Louis Vuitton Osaka Midosuji, et Simon Porte Jacquemus a lancé coup sur coup deux espaces de restauration aux Galeries Lafayette Champs Elysées : le Café Citron et le restaurant gastronomique Oursin .

– Les Closet Trailblazers

C’est une tribu composée essentiellement d’adolescents qui se mènent une concurrence effrénée sur Instagram pour être les premiers à décoder les vestiaires des célébrités, avec des milliers de comptes dont l’objectif est de documenter dans le détail les vestiaires des célébrités. Ces comptes très suivis par leurs communautés permettent de s’habiller comme ses influenceurs préférés. En général, ils renvoient vers des liens qui permettent d’acheter les vêtements. Mais ils sont rarement monétisés et n’utilisent pas les fonctionnalités d’achat sur Instagram.

* l’étude est basée sur l’analyse sémantique de l’écosystème web à partir des requêtes Google liées à la Culture et au Luxe sur les deux derrières années. Les cultures mode luxe sont classées selon des critères de maturité (nombre de contenus, nombre de liens dans l’écosystème) et d’appropriation sociale (volumes de requêtes, évolution des requêtes sur un an)

** « Le luxe demain. Les nouvelles règles du jeu ». Yves Hanania, Isabelle Musnik, Philippe Gaillochet. Dunod, octobre 2019

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