19 juin 2020

Temps de lecture : 4 min

Le new deal des marques

« Ce qui ne nous tue pas nous rend plus forts » : cette vision lumineuse attribuée à Nietszche doit nous questionner sur ce que sera cette force et ce que nous pourrons en faire. Mais comment la reconnaître et l’exploiter ? Le XXème siècle (celui de la mort de Nietzsche, qui est aussi celui de la naissance des marques modernes) est à peine tourné qu’une pandémie suivie d’une récession deviennent notre horizon. Le jeune XXIème siècle pourrait désormais avoir, outre le 11 septembre 2001 pour les historiens, une autre date de naissance pour les entreprises et les marques : février 2020. Elle sonne le changement et met les marques à la manœuvre pour concrétiser les espoirs d’un rebond, repenser leur modèle, grandir de la crise, voire éviter un déclassement dans les hiérarchies émergentes de l’opinion.

« Ce qui ne nous tue pas nous rend plus forts » : cette vision lumineuse attribuée à Nietszche doit nous questionner sur ce que sera cette force et ce que nous pourrons en faire. Mais comment la reconnaître et l’exploiter ? Le XXème siècle (celui de la mort de Nietzsche, qui est aussi celui de la naissance des marques modernes) est à peine tourné qu’une pandémie suivie d’une récession deviennent notre horizon. Le jeune XXIème siècle pourrait désormais avoir, outre le 11 septembre 2001 pour les historiens, une autre date de naissance pour les entreprises et les marques : février 2020. Elle sonne le changement et met les marques à la manœuvre pour concrétiser les espoirs d’un rebond, repenser leur modèle, grandir de la crise, voire éviter un déclassement dans les hiérarchies émergentes de l’opinion.

Dans ce contexte une énergie va naître, même fragile, qui inspire quatre convictions. Voici nos quatre convictions pour les marques.

1- L’après n’est pas écrit. Les marques doivent en construire les contenus. Sans quoi d’autres qu’elles s’en chargeront, « branderont » la résilience à leur profit et prendront une longueur préférentielle d’avance. Le chemin est ouvert et il leur appartient.

2- Si un très petit nombre d’entre elles seulement ont été ces « Pandemic brands » que nous avons tellement admirées, toutes ont une carte maîtresse à jouer, leur moment de rencontre avec la société. Les besoins matériels et immatériels sont immenses, il n’y aura pas de pénalités. C’est à elles de jouer, à leur échelle et à leur rythme, avec ce qu’elles auront envie de proposer et de faire partager.

3- En cette période particulière les prophéties sont légion et peuvent être mauvaises conseillères. Beaucoup de clichés circulent comme des virus. Or il n’y a pas une vérité pour naviguer dans la crise, mais autant de scénarios qu’il y a de volonté des entreprises et des marques de trouver la voie qui leur corresponde pour donner un sens à leur rebond. Ecouter est crucial comme toujours, mais suivre ses propres intuitions va l’être tout autant.

4- Tirer profit de la crise n’est pas une indécence : tout dépend de la finalité. Celle-ci sera contributive et collective ou ne sera pas. Si cette exigence fait aujourd’hui consensus, il reste que les projets seront accueillis avec des sensibilités nouvelles. Deux écueils se dessinent : l’excès de zèle dans la course à l’engagement qui émergera, et l’initiative tiède que plus personne ne remarquera tellement elle se sera répandue.

Ces convictions pour les marques s’appliquent dans un contexte d’opinion traversé de dialectiques nouvelles et de débats en tension. Si les marques doivent garder intactes leur capacité d’invention et leur créativité comme elles savent si bien le faire, elles devront aussi les intégrer pour comprendre leurs marchés, préserver leurs intérêts et faire apprécier leurs engagements.

Quels sont ces changements ?

L’extension du domaine de la souveraineté. Cette notion quitte le débat politique (opposition entre un modèle libéral mondialisé évoqué comme à bout de souffle et un retour à l’autorité des Etats) pour gagner les acteurs économiques. La passe d’armes autour d’un projet de vaccin l’a montré. Ni la structure réelle de leur actionnariat, ni la réalité des contrats clients-fournisseurs ne protègent les entreprises d’une prise à parti dans l’espace public. Les secteurs stratégiques ne sont pas les seuls à être concernés : vous envisagez encore de produire en Chine ? Vous scellez une alliance avec des partenaires Nord-Américains ? Vous ouvrez votre capital à des actionnaires Russes… il faut vous préparer. Après le raccourcissement des circuits et l’engouement pour le territoire, il faut désormais compter avec une exigence de souveraineté qui émane aujourd’hui du corps social tout entier.

La nouvelle sociologie de l’héroïsme. Au-delà des professionnels de santé et du secteur médico-social, quels sont ceux qui ont pris des risques pour tenir l’activité à bout de bras pendant deux mois de confinement ? Routiers, postiers, caissières, boulangers… ces nouveaux héros sont assez proches de la sociologie des ronds-points de l’automne 2018, et très éloignés des figures de l’économie urbaine et des acteurs de la transformation numérique. L’impact pour les marques ? Il est double : dans l’attention à porter à ces nouvelles hiérarchies sociales et surtout, sur un plan plus opérationnel, dans la façon de représenter aussi cette société-là dans la communication publicitaire ou institutionnelle.

Les vibrations de la société. Comment va évoluer la segmentation des rôles entre les corps constitués, les milieux économiques et la société civile au sortir de la pandémie ? Que vont devenir les mouvements qui ont construit leur longévité sur le refus des règles de la représentativité ou l’aspiration à une légitimité « pétitionnaire » ou référendaire ? Après une période d’union sacrée contre la pandémie, cimentée par la célébration de nouveaux héros, il y aura des inventaires, des responsables, des coupables : le phénomène est annoncé. Faut-il s’attendre à un retour de la violence à son niveau de fin 2018 ? Et pour les marques, comment gérer les turbulences, éviter le piège des amalgames et des procès d’intention ? Il faut saisir ce que ces vibrations contiennent pour affuter plus que jamais son utilité sociale et la promesse de sa marque.

Le grand chambardement des flux : le tracé des routes (e-)commerciales, des flux et des échanges, les renégociations clients-fournisseurs, la circulation des personnes et des produits et les routes touristiques pour finir : les flux sont chamboulés. Au-delà des impacts directs sur la disponibilité des produits, les consommateurs peuvent aussi exiger des marques qu’elles expliquent leurs choix et tiennent leurs promesses. Derrière le produit il y a aussi le projet : comment les entreprises vont-elles se positionner sur tous ces sujets qui les concernent parce qu’ils impactent leurs marchés ?

Derrière ces incertitudes, c’est la bataille pour la préférence qui est en jeu. Celle-ci n’est pas nouvelle. Mais elle va désormais demander un supplément de force pour refonder le pacte entre la marque et ses publics sur des intérêts partagés et sur une expérience mutuellement profitable, durablement. La société va attendre des marques de nouvelles raisons de les aimer et de les suivre dans leurs agissements et engagements du monde d’après. Le moment est venu d’avancer.

Caroline Clouet
BCW – Directrice du Planning stratégique France

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